Préambule : le 14 mars 2019, au Sénat, le ministre de l’Intérieur, choqué constatait, sans pouvoir l’expliquer, l’importance du nombre d’interpellations
de femmes lors de la manif violente à Paris du samedi précédent, le 9. Parions que notre entêté n'aura jamais eu la moindre idée sur les difficultés d'une
grande partie de la population, les femmes surtout pour faire bouillir
la marmite quand la portion déjà congrue se restreint de jour en jour.
Notre ministre ne comprend pas pourquoi ces femmes sont si véhémentes et parfois violentes ? Mais, camarade ministre, la raison en est que toi et ton patron vous les violentez en ne leur répondant que par le mépris des postures et des débats inutiles. Et, quand ce ne sont pas des mots vous servez à ces femmes des grenades de désencerclement, des gaz lacrymo, des LBD et autres bousculades et coups de matraques.
Mille contre un que la cocotte-minute, depuis trop longtemps sur le feu explosera. Camarade, fais confiance à ces femmes, elle ne sont pas prêtes à lâcher le morceau !
Abandon de poste. Jusqu’en fin janvier 2019, seul
dans la nuit et le froid matin, un peu avant 8 heures, j’allumais la guirlande électrique du rond-point et le feu de bois tout en saluant les
automobilistes par une révérence en retirant ma casquette comme le faisaient
certainement les citoyens pendant la Révolution de 1789 lorsque le
peuple prit son destin en main et, même si les gendarmes ne restent que des
gendarmes, civilement ils me renvoyaient mon salut ou faisaient le V de la
victoire*. Je ne désespérais pas de les faire clacksonner et mon plaisir aurait
été de leur signaler que cela est interdit en ville. Rien que d’y penser, avec
ce bonjour à tous, cela me faisait une belle journée et, comme je le disais à
mes amis Gilets-Jaunes :
-Rendez les gens heureux et ils nous soutiendront. Faut plus les emmerder !
*Un archer de mes amis prétend que ce V de deux doigts levés de la
maréchaussée pourrait aussi signifier
qu’on pourrait bien me décocher, à l’occasion une flèche. Admettons, mais
moi je préfère n’y voir que l’inscription résolue de la gendarmerie de campagne
dans la tradition démocratique au service du peuple. Par contre, un doigt d'honneur levé (le majeur en général) signifierait qu'on te coupera l'index pour que tu ne puisses plus te servir d'un arc. Moi, ce que j'en dis...
Au rond-point. Peu après 8h30 arrivait un copain, toujours le même.
J'étais content de le voir arriver. Je lui causais de démocratie, de
Montesquieu, de séparation des pouvoirs, de vote, de débat démocratique, de
gestion de la république. Ouais !
C'est bientôt fini ?... Euh, pas tout à fait. Ah, oui : et pourquoi le peuple livré à lui même, inorganisé, de
bon enfant devenait à tous les coups un danger public tel un troupeau de gnous qui, errant dans la savane, incapable de se diriger mais suivant la masse pouvait, affolé piétiner tout sur son passage.
Quand la pédagogie vous tient... Et la leçon continuait ? Je veux ! Ah, oui... Pourquoi la liberté ne se pouvait pas hors de groupes constitués, et pourquoi
l'égalité n'existait que lorsque l'on acceptait librement les contraintes de la règle posées par son appartenance au
groupe social. Et pourquoi la démocratie, en organisant les libertés posait le respect des différences indispensable à tous.
Enfin bref, tout ce que je chantais à mon convivial, il le savait. Et bien mieux que moi, mais je voyais à ses yeux qu’il
ne percutait pas. Faut croire que je n'avais pas besoin qu'on me signifie, ici que j'étais mauvais pédagogue. Merci bien, les gilets-jaunes pour ce contrôle technique de mon diplôme en psychopédagogie médico-sociale.
Du civisme... Je voyais bien
que je commençais à gonfler sérieusement mon petit pote du matin sur mon
rond-point. Ensuite, mon inquiétude de tous les jours : que ferait-on samedi ?
Lui n'en savait fichtre rien. Et puis, nous et la grande ville, pour ce qu'on irait y faire ? Alors, on se faisait une raison et on finissait par
bavarder en se réchauffant autour feu, et moi je continuais à saluer les
automobilistes. Mon copain préparait le café et puis, vers 9h arrivait un béni bien plus jeune que moi qui suis bien plus âgé que lui* qui, m’ignorant oubliait de me saluer.
Normal car, pour lui j’étais écouillé.
- Si, Fanny, si ! Proprement écouillé... Tiens, curieux...
écouillé ne serait pas dans le dico ? Ni dans le Littré ? Mais non, je te crois. Au fait, ça me
rappelle un copain normand, Couillard, qu'il s'appelait, un nom qui remonte à loin. Maintenant, en français on dira plus volontiers couillu. Ça,
c'est bien français, que je sache !
*Bien plus jeune, bien plus âgé... Je sais, je sais mais il s'agissait de vérifier que vous suivez bien.
Décrochons au point d'appui. En 40 jours, j’avais fait le tour de mon rond-point, fatigué d'avoir servi trop de leçons aussi je me décidais à rester chez moi et cessais
d’allumer le feu tous les matins. Fallait taire la différence de mes appartenances
syndicale, politique, religieuse comme si je n'avais pas une existence réelle inscrite dans l'histoire collective pour être libre de débattre des choix politiques et des actions à mener. Sans déborder du cadre de la République s'entend.
On me refusait toute différence marquée sous prétexte d'égalité. On ne me reconnaissait pas le droit à la liberté. Je n'existais pas.
Je sentais bien que je gênais au rond-point car on m’évitaient dès que je paraissais. Alors, j’ai préféré porter le gilet
jaune tout seul pour continuer à penser par moi-même ne voulant plus ennuyer
mon monde. Parce que, si c'était pour prêcher dans le désert, j'avais déjà donné. Bref, mais ouf ! Enfin !
Donc, je désertais mon poste et, dans la journée, en allant visiter mes copains des
Gilets Jaunes de mon rond-point Charles de Gaulle, il me semblait qu’une bise
mordante venue du nord, un méchant mistral d’hiver s’abattait sur tous car on
évitait de me regarder, de me saluer, de discuter.
Je constatais amèrement que la
République française ne nous avait pas
façonnés en citoyens égaux, différents, responsables des uns et des autres. Et
puis, à parler dans le vide j'avais l'impression de m'abêtir. Je me faisais
honte de ne pas pouvoir faire bouger des gens qui ne comprenaient rien, se prenant tous pour de fins stratèges et qui vous laissaient parler sans jamais écouter ni débattre. On croyait ainsi éviter le conflit, on ne créait que des rancœurs.
Macron avait déteint sur les Jaunes : on fait semblant d'écouter, de faire participer mais on n'espère que la baston. Mon Dieu, faites surtout que Macron ne négocie jamais : alors on force, on fonce pour tailler la route et advienne que pourra. C'est la lutte finale : le Président doit baisser culotte ou démissionner. Mais le gouvernement ne cédera pas car il commence à gagner la bataille de l'opinion qui commence à considérer qu'à répondre à la frustration, la violence s'impose.
Et quand on juge le degré de satisfaction de Castaner et qu'on la mesure à l'aune de son intelligence, la bêtise étant la chose la mieux partagée au monde, la France a du souci à se faire.
La violence, inéluctable serait utile. N'empêche que beaucoup trouvaient normal que les gilets-jaunes refusent de s'organiser pour ne pas se faire récupérer et personne ne
s’interrogeait : on suivait le bœuf. D'un autre côté, cela prouvait surtout que nos gilets-jaunes sont humains et savent que le pouvoir peut corrompre mais en exagérant en pensant qu'ils pervertit tous les hommes, ils montrent que la méfiance est de règle générale chez-eux ou qu'ils n'auraient pas le sens de la mesure, ce bon sens de l'humanité.
Mes copains, inquiets me demandaient
ce que je pouvais bien branler avec cette bande d'incroyables qui sortaient de
nulle part et, lorsque je leur appris qu’on faisait retomber les violences de
« certains gilets-jaunes » sur les black-blocks, plus les automobilistes décédés aux ronds-points et le : -C’est pas moi, M’sieur, c’est Macron, cela ne les faisait pas rire, mais alors là, pas du tout.
-Ben, dis donc ! Ou t'es abruti comme eux ou tu crois à la poupée qui tousse. J'hallucine ! Tu vas finir aussi con
qu'eux ! Voilà ce que prédisait
l’oracle Américo. D’autres :
-Ben, mon
p'tit pote... et toi qui nous bassines avec ton intelligence remarquable !
Les black-blocks pur modèles sociaux négatifs. Tous les jours, sur mon rond-point je n’arrivais pas
à réfléchir sainement, ni à comprendre pourquoi les Gilets-jaunes
refusaient de faire de la politique,* ne respectant ni les règles de la république,
ni les élus, les syndicats et toutes organisations déclarées d’utilité publique. En
imitant les black-blocks dans leur non-structuration et leurs actions, ces
anarchistes de droite et de gauche qui ne vivent que de la solidarité des
démocraties et ne fondent la jouissance de leurs existences que contre les corps constitués, nos
gilets-jaunes, se mettant dans des situations de blocage ne pouvaient que susciter la violence, seule solution ouverte qui,
au final balayera toutes leurs revendications. En cassant et en pillant l’Etat qui les fait vivre, ils pensent finir par se faire entendre.
*La politique : art de la gestion de la cité dont le sens changea au début du XXIème siècle pour signifier une gestion antidémocratique de la République. Et donc, hommes politiques tous pourris.
De l'émeute permanente. Les Gilets-jaunes et 80% du peuple considèrent :
-a) que le
vote ne sert plus à rien depuis qu'en 2007 des élus de la Nation nous ont spoliés de notre rejet du projet de Constitution de l’Europe de 2005. Malgré le Traité de Lisbonne, la République européenne n’existe toujours pas. Le peuple français est donc en droit de contester les directives européennes qui n’ont
aucune valeur légale en droit.
-b) que le jeu démocratique est obsolète. Le président de la République, en bon populiste qui s'ignore bouscule le débat à l'Assemblée nationale par ses ordonnances, écarte les élus de la gestion publique, utilise la police pour ne pas avoir à répondre politiquement aux mouvements sociaux.
-c) que les gilets-jaunes, en refusant les règles du jeu social, par leurs actions, en dénigrant les élus et en se coupant des associations républicaines deviennent un mouvement anarchique antirépublicain violent qui, refusant tout bloque la négociation et empêche le consensus social.
-d) que l'Etat n'est dur qu'avec le faible : L'ordre public républicain ne peut supporter que la force de la loi se fasse violence publique et ne saurait-être la seule réponse aux
mouvements sociaux qui contestent la gestion de l'impôt et de la solidarité, piliers de la République dans leur répartition devenue injuste et inefficace et l'Etat faillit lorsqu'il fait confiance à postériori aux riches pour
remettre dans les entreprises l'argent de l'ISF et qu'il se
méfie, à priori des chômeurs qui renâcleraient à chercher un emploi.
-e) que nous n'avons pas élu Monsieur Macron pour qu'il devienne le Patron des patrons. Bloquant ainsi toutes négociations entre les
partenaires sociaux, les travailleurs sont entrés dans nouvelle lutte des classes inédite dans laquelle le gouvernement n’est plus
le garant de la règle du jeu démocratique.
La gestion de la République par Macron et le mouvement des Gilets-jaunes qu'elle a suscité ne servent pas le peuple de France. Qu'on se le dise.