mercredi 29 mars 2017

À la dérive sur le Radeau de la Méduse !

Un samedi matin, avec Ménie et un ami, retraité de la Royale, discussion animée sur le dernier article, « Le Radeau de la Méduse ». Ménie et la politique, vous savez...

- Tu affirmes que le Ministre de la défense serait un social-traître. Désolé de te contredire. Un type bien qui restera le seul ministre capable de Hollande. Il rejoint Macron, tout en affirmant ses valeurs socialistes ? Pas mal pour démontrer que le Parti Socialiste permet une totale liberté d’idées et d’action en son sein. Voilà tout Le Drian : un grand monsieur, un vrai breton qui fait honneur à la Royale et à la France. Avec panache.

- Admettons. Mais si tu considères qu’en rejoignant Macron il n’a pas trahi Hamon, le pacte républicain ne l’obligeait-il pas quelque peu ?
- Donc, d’après toi, Le Drian trahirait Hamon qui, lui-même aurait trahi Hollande, tout comme Valls, et on pourrait continuer ainsi  longtemps. On parle de politique, Patrice, pas de la conduite de la guerre, d’obligation de réserve. Comme si les politiques s’obligeaient à quoi que ce soit…. Rechercher une voie intelligente pour une meilleure organisation de la vie en société, serait-ce de la trahison ? J’affirme, contrairement à toi que, même encarté, aucun pacte républicain, sorte de « gentlemen agreement » ne pouvait contraindre Le Drian, son honneur n’ayant rien à voir en l’affaire.
- Le Drian resterait donc socialiste en ne soutenant pas un élu à la primaire de son parti, peut-on raisonnablement le concevoir ?  

- Par ton blog tu ne démontres pas, mais tu ne donnes qu'un jugement de valeur, un sentiment, un ressentiment même que je ne partage absolument pas car tu t’avances dangereusement sans avoir suffisamment contrôlé la justesse de tes informations. Non, non ! Crois-moi. Je t’en fais la démonstration sur le champ : la primaire n’était pas socialiste mais « citoyenne ». Tu saisis la nuance ? Je sais pertinemment que tu n’as pas voulu « manipuler » tes lecteurs et que, comme le Drian, tes choix te regardent, quitte à te tromper puis à corriger pour avancer lorsque tu tiens  en main toutes les données du problème. La vie, la politique et l’écriture sont pleines de revirements, d’ajustements, de réorientation qui ne sont jamais des trahisons si, par honnêteté nous réparons. Oui, la primaire fut citoyenne et non socialiste.

- Tu vois, Gilou, faudra réparer. C’est René qui va être content.
- Ce n’est pas ce que je lui demande même si son texte fut un peu hâtif et approximatif car, dans le ressenti la raison n’a pas toute sa place. Je ne faisais que le regretter.
- J’admets que la logique et la raison importent mais, a-t-on besoin de beaucoup d’éléments pour se positionner et constater que messieurs Hollande, Valls, et donc Le Drian n’auront fait qu’une politique de droite pour laquelle ils n’avaient pas été désignés ? Et donc, Le Drian, en rejoignant Macron montre qu’il fera une politique de droite en restant socialiste. C'est possible, ça ? Non. Je ne peux donc qu’affirmer qu’il est bien un social-traître de mon point de vue car je n’ai pas voté pour cette politique-là.

- Le tout serait de comprendre pourquoi, n’est-ce pas ? Prenons pour exemple Lionel Jospin, un socialiste chrétien visionnaire, oui un vrai socialiste. Non, attends… Tu n’as pas voté pour lui pour la raison qu’il affirmait, en toute honnêteté qu’il ne faisait ni une politique de gauche ni de droite mais de la bonne politique, toutefois.
- Ni cabre, ni bouc. On ne vote pas pour un politique ambigu. Ou il est de gauche ou de droite.

- Penses-tu qu’une politique d’avancées sociales, et c’est en cela que Jospin était véritablement socialiste, oui estimes-tu que le socialisme fleurirait sur un pays complètement ruiné ? Admets que jamais le France ne s’est tant développée, enrichie que sous sa gouvernance et que le chômage avait reculé très fortement. N’était-ce pas le début d’une grande avancée sociale pour tous ? Lionel Jospin n’était-il plus socialiste ou avait-il fait le seul choix réaliste que lui commandait la situation de la France pour pouvoir ensuite faire un autre bond en avant et faire bénéficier les français de la richesse créée par les aides aux entreprises tout en réformant l’état en douceur ?

- Donc, si je te comprends bien, Jospin, Le Drian et Hollande n’auraient fait leur malheur qu’en ne donnant pas toutes les clés de leur gouvernance qui obligeaient à « un temps mort », une pause nécessaire dans les réformes sociales pour reprendre son souffle en aidant au développement de la richesse et pouvoir ensuite continuer dans la voie du socialisme ?
- Oui, c’est mon sentiment. Informer sur la réalité des finances, de l’état de la France, sur les exigences de l’Europe, sur les étapes pour avancer, sur le temps nécessaire à devoir se serrer la ceinture pour sortir de la crise, faire partager ses visions d’avenir... Les gouvernements socialistes ont toujours négligé d’informer le peuple sur le principe de réalité qui contraint leurs gouvernements à rechercher la meilleure voie pour augmenter la richesse de la nation, et donc la part de la répartition sociale.

- Je prends donc acte, et accepte la leçon. Le Drian n’est pas un social traître et De Gaulle faisait plus de social que les socialistes, mais pour moi, un chat de gouttière ne pensera jamais qu’à sa gueule et te sortira les griffes si tu essaies de le fréquenter.
-Comme, tu y vas ! Mais, oui, De Gaulle, ce pragmatique intelligent aimait la France et les français et, pour augmenter les retombées sociales aidait les entreprises à s'enrichir. Tout comme le Drian.

Et, certainement comme Manuel Valls qui cherchait à faire ami-ami avec les grosses entreprises et, maintenant avec Macron. Rien que pour le bien du petit peuple socialiste. C’te blague. On verra qui bouffera l’autre tout en respectant ses valeurs « socialistes ».

En partant, j’ai demandé à mon ami de donner ses coordonnées à Mélenchon qui nous fera un bon Président de la République.

- J’aime la plaisanterie, Patrice mais, conseiller Mélenchon ? Surtout pas et inutile car, qui le pourrait tant Il a la science infuse. Par contre, transmets-lui un écrit cosigné par Hollande et le Drian paru déjà en 1984 qui explique que le pragmatisme, seul les tient obligés à aider Macron et, n’ayant pas changé dans leurs convictions, à la suite de Mitterand ils espèrent  la modernisation de leur parti. Question, tout de même : restera-t-il toujours un « vrai » Parti socialiste dans lequel les vieux militants se sentiront à l’aise ?
Si, tu trouveras ce texte sur le Net. Intéressant.

Texte soumis en dernière lecture à mon ami qui pense que j’aurais dû insister sur…, à Ménie qui apprécie, à Pierrot qui, lui… Bof ! à René qui, lui… Si c’était pour comparer Le Drian et Hollande à Jospin, bien la peine de te fatiguer. Seul le titre n’a pas été soumis à approbation.
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Le Monde, 16 décembre 1984, analyse de  François Hollande, Jean-Yves Le Drian, Jean-Michel Gaillard et Jean-Pierre Mignard. (Sources Médiapart).
Qui ne voit que nous vivons la fin d’une époque ? L’hégémonie intellectuelle des idéaux socialistes, a fait place à la vague des théories libérales, fussent-elles les plus sauvages. L’union de la gauche, vecteur d’une stratégie de conquête du pouvoir, n’a pas résisté à son exercice, même si, qu’on le veuille ou non, les trois-quarts des 110 propositions du candidat Mitterrand sont déjà entrées en vigueur. Quant à la droite, si elle avait, jusque là, accepté les vertus de l’Etat providence, quitte à alourdir continuellement les prélèvements obligatoires ; elle fait aujourd’hui une marche arrière franche et joyeuse.

Les Français eux-mêmes ont changé. Hier encore ils espéraient dans les solutions miraculeuses, c’est à dire idéologiques, de sortie de crise. Aujourd’hui, ils n’ont plus d’illusions. Ils nous font d’ailleurs payer cher cette mue, en nous rendant responsables, non pas tant de la politique de rigueur, chacun sachant bien qu’elle est incontournable, mais de cette prise de conscience mutuelle dont il n’était plus possible de différer, une dernière fois, encore, l’effort.

Un nouveau paysage politique se dessine donc : le « changement » souvent brutal mais toujours mythique, est incarné par d’autres que nous (PCF et libéraux doctrinaires) ; la crise qui avait épargné le système démocratique le menace aujourd’hui par ses effets perturbateurs (chômage, immigration, insécurité). Quant aux mouvements sociaux sur lesquels la gauche comptait s’appuyer pour poursuivre la réforme de la société française, ils sont restés atones, ou, pire, ont renforcé les rayons déjà bien garnis des corporatismes.

Dans ce contexte, l’enjeu pour les socialistes est simple : ou bien ils font comme si rien n’avait bougé et s’arc-boutent sur leurs croyances anciennes et leurs indéniables acquis, mais le risque est alors réel d’un isolement grandissant par rapport à l’opinion, ou bien ils construisent au coeur même de la crise et dans l’expérience du pouvoir les bases d’un nouveau contrat et ils se modernisent. Cela suppose néanmoins de tordre le coup à quelques tabous préhistoriques.

Disons-le tout net, au risque de provoquer, la conception dogmatique de la classe ouvrière, l’idée que le lieu du travail pourrait être aussi un espace de liberté, la notion d’appartenance des individus à des groupes sociaux solidaires, l’affirmation d’un programme politique atemporel, tout cela doit être abandonné. Le parti socialiste est sans doute le premier parti ouvrier du pays, mais son ambition ne doit-elle pas d’être aussi le parti de toute la société ? Aussi doit-il s’adresser aux individus tout autant qu’aux groupes, en appelant au réel bien plus qu’aux mythes, adopter une démarche modeste, c’est à dire non pas pauvre, mais adaptée aux temps qui viennent.

Dans cette conception, l’Etat, loin d’être absent détient un rôle fondamental. Il doit parfaire l’efficacité de ses interventions pour que « ça marche » et qu’ainsi soit réduite l’angoisse croissante des Français. Et mettre du libre choix partout, pour être mieux accepté. Il doit aussi, dans cette période d’incertitude, où l’envie de comprendre est évidente, anticiper, prévoir, annoncer les évolutions, bref devenir un « Etat éclaireur ».

Cette modernisation de notre discours est d’autant plus indispensable que jamais autant qu’aujourd’hui, le socialisme démocratique en tant que mode d’organisation n’a jamais paru aussi bien convenir à l’appréhension des bouleversements actuels. La gauche, en effet, n’est pas un projet économique, mais un système de valeurs. Elle n’est pas une façon de produire, mais une manière d’être. Aussi elle…moderne dès lors qu’elle est elle-même : c’est à dire d’abord démocratique.

Notre pays sera vaincu par la crise s’il lui concède comme tribut, en charge d’un hypothétique succès, le sectarisme économique, la régression sociale ou la haine raciale. La démocratie, nécessaire mariage entre l’égalité des droits et des chances et la liberté, notamment celle d’être différent, est le seul moyen d’assumer convenablement la mutation technologique. Cela vaut aussi bien pour l’ordre interne que pour les rapports internationaux.

Si « le libéralisme est de retour », la gauche est toujours là ; sa survie historique dépendra de sa capacité à se « restructurer » d’abord elle-même pour faire accepter la modernisation de la société dans son ensemble. Mais si nous sommes les plus confiants dans les vertus de l’idéal démocratique, nous n’en sommes pas les seuls dépositaires. Aussi, face aux périls qui grossissent (racisme, peur, pauvreté, montée des extrêmes) ayons le front de proposer un consensus stratégique entre nous et les courants démocratiques du pays. Ainsi, au-delà du clivage gauche-droite, pourraient s’affirmer les principes sur lesquels notre société doit impérativement reposer et les limites qu’il convient de ne jamais dépasser, à moins de déchoir. Tout le monde y gagnera... C’est aussi tout cela la modernisation.

François Hollande
Jean-Yves Le Drian
Jean-Michel Gaillard
Jean-Pierre Mignard

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