mercredi 19 août 2015

Le site de rencontres - 3


Être beau à 70 berges, je veux.

Et donc, je me suis inscrit sur ce foutu site de rencontres. D'une certaine façon, j'aimerais pouvoir exprimer en mots simples tout le plaisir d'avoir osé ce timide premier pas. Et de vous en avoir fait part. 
Le hic est que, tandis que je surfais d'un doigt rapide sur mon site de rencontres, l’œil égrillard à savourer nos répons comme en un messe coquine avec de belles inconnues, Fanny, toute à son insensé amour de notre prochain africain, se noyait dans un marigot. 
Mais, ce n'est pas tout : ma belle, furieuse, semblait exiger des comptes. Dois-je lui rappeler que nous fondions notre relation sur la liberté de chacun dans notre couple ? 

La liberté ne se peut sans la confiance réciproque, disait-elle ! Bien évidemment, la liberté dans l'indispensable confiance qui ne se peuvent hors la tendresse. Mais, qui dit le contraire ? Et la tendre confiance doublée de l'honnêteté en partage ?  
Oui, je veux bien avouer que j'avais oublié d'en parler à Fanny, mais je n'attendais que l'occasion pour lui en toucher deux mots, de ce foutu site.
Fanny étant prévenue pas mon blog, l'affaire est donc close en ce qui me concerne.

Plaire et séduire pour mieux jouir de la vie, ne pas s'encombrer, de rien ni de personne, rouler au taquet, à fond la caisse,* encore jeune, désirable et plus que capable de tomber des nanas, des canons, que dis-je : des bombes, à ne priser que le beau, le physique s'entend. Quant aux justifications pompeuses des amoureux de la beauté intérieure, ce cache-misère à la laideur, rompons-là, voulez-vous ? 

*Ndlr pour nos traducteurs = vitesse maxi, pied au plancher (accélérateur ou manettes à fond, au taquet).

Mais, qui donc peut bien aimer la laideur, qui ? Je vous le demande. Pas moi, non.
- Oui, mon Pierrot ?
- Dis-nous le beau, et qu'entends-tu par là ?
- Rien, si ce n'est ce vers quoi j'ai toujours tendu. L'expliquer ? Va savoir. 

Depuis quelques temps, j'errais, l'âme en peine, le goût à rien. Mon andropause artificielle m'avait coupé tout élan vers le sexe opposé. Je compensais par des bonbons, en faisant du lard, et le rire, ce grand consolateur. Mais, peut-on rire d'un drapeau en berne, hampe abaissée à toucher terre ? Et rire de tout ? Et de ces bouffées de chaleur ? Rien que d'en parler, j'angoisse comme un malade :

- Vois comme ma peau est belle, et mon cheveux gris-argenté.
- Oui. Comme une teinture gris-platiné. Ca te fait la tête de mamie. Je te raconte ?
Passons tous autres sarcasmes d'aussi belle eau, tel : 
- Préviens quand tu mettras un string propre dans ton baise-en-ville, que je puisse te caresser les fesses*.  
Sacré farceur, va ! Mais, c'est qu'il serait capable d'en passer aux mains, l'animal.

*Ndlr : dans le texte original, Pierrot ose : "... te caresser le cul." Nous ne pouvions laisser passer, and you have to know that the "baise-en ville" is a handy-bag. 

Il me fallait raviver la flamme du feu. J’avais même demandé à Eva, ma soignante de l'ICM* si deux remplaçantes, l'une de 27 ans et l'autre de 28, pour faire contre-poids à ton âge, enfournées toutes chaudes sous ma couette...
-M. Patrice, avec Internet et les sites de rencontres... voyons ! 
-Mais, cela a presque marché pour le roi David, il y a trois mille ans !
-Amusant, ce roi. Entre nous, qu’espérez-vous encore de la jeunesse ?

*Je profite de l'occasion pour saluer le Professeur Joyeux et son équipe. GPK. 

La belle affaire ! Ce que j’espère de la jeunesse, très chère ? Allez savoir... D'un site de rencontres ? Pas grand chose. Mais de vous, Eva, à hue et à dia, pantelants, ruisselants, bataillant, ahanant tous deux... Han-hi-han ! Et allez donc, jeunesse !
Pardon, je dérape sur l'aile, tel la mouette... non, mais je te voyais m'aider. Au risque d'échouer ? Et, qu'importe, Eva ?
Mais non. Au lieu de soins attentifs, je te sens méchante : pourquoi, Eva ?

Oh, et sur la jeunesse, que je vous réponde. Venez ci, la belle et prêtez l'oreille : ce que j'espère de l'excitante jeunesse, à part la beauté ? Holà, mignonne, pas moins que d'encore faire monter aux tentures de belles est jeunes sirènes beuglantes, comme à mes vingt berges. 
Viens, Eva ! Viens par ici. Viens voir un peu si j'y arrive encore, au moins avec toi ! Non, mais, dis-donc ! 

L'idée du site, je n'y aurais jamais pensé, tu me connais, Fanny !  Mais, ce n'était pas fini car il fallut qu'Eva me punisse de ma concupiscence, cette maladie orpheline des religions, une honte, et dont l'antidote ne se trouve que dans l'athéisme, l'immoralité ou le je-m'en-foutisme. 
Pour se venger de ma saillie sur la jeunesse, et pour avoir le dernier mot, et parce que les femmes se défendent toujours les unes les autres, Eva me moqua :

Monsieur Patrice, suivez mon conseil et gardez votre femme, tout âgée qu'elle soit. De vous à moi, plus jeune, moins jeune, avec ces piqûres, comment mieux vous faire comprendre... simplement, c'est du Viagra inversé qu'on vous inocule, avec effet retard garanti longue durée ! Pour les six prochains mois ? Comptez plutôt sur vos dix doigts. Tiens, et même que vous pourriez vous remettre au vélo car vous n'aurez plus de poil aux pattes. Cadeau  de l'équipe de l'ICM ! Non, non, ne remerciez pas ! Mais je transmettrai.

Ne trouvez-vous pas Eva bien longue et peu amène ? Ah, voyez ! 

Restons sur notre site. Pourquoi m'y suis-je inscrit, et pas sur un autre ? Je n’en ai pas le moindre début d’un commencement d’explication. Et comment organiser ma défense ?
Ben, pas ma faute car on réclame de façon tant insistante ton obole après t'avoir appâté par un week-end gratuit et toutes sortes de manœuvres, comme on amorcerait le poisson en lui jetant  des vers mélangés à de la terre compactée à la main, puis on te ferre et tu es cuit. Alors, un seul numéro de Carte bleue suffit. Voila, c’est fait. Pas si terrible que ça, l'inscription.
On t'a fait une fleur pour trois mois. Ensuite ? 

Ensuite ? Tu ne peux plus te désengager, et c'est la mouscaille assurée avec huissiers en prime. Dans le genre d'une belle escroquerie ? Je n'irai pas jusque là, quoique, à bien y réfléchir, monsieur le Président...
Mais, quelle importance pour un beau gosse de 70 ans, intelligent, perspicace, pointu, cultivé ? De surcroît, aspergé de sent-bon sur tout le corps, l'espoir ne fait-il pas revivre ? Mais, si tout était à désespérer, il ne resterait qu'à mourir.

Et pourtant, rien ne pourra l'arrêter, le beau pépé ! Pas même sa bêtise. Oh, que non. Encore moins son intelligence.

70 berges, avec la beauté et la finesse du diable, tu es pourtant devenu un gogo, mon Gilou, imbu de toi-même et qui commence à le réaliser. 
Mon conseil ? N'avoue jamais ta crédulité et continue comme si de rien n'était. Pourquoi ? Ben, va savoir... mais jamais très bon d'avouer qu'on s'est bien fait avoir. Et par plus con que soi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire