Les
jours, les mois et les années passent. Nous habitons, ma mère et moi, à
Vincennes, 53 rue du Plateau, dans un petit immeuble bourgeois du XVIIIème
siècle au deuxième étage, pas très loin du château.
Malgré
son travail dans une usine de bonbons qui lui prend beaucoup de temps,
l’appartement est propre et bien entretenu et, toujours lorsqu’elle est présente,
une odeur agréable envahit la maison : c’est le parfum de ma mère. Un
parfum que je n’oublierai jamais.
Il
y a du parquet en chêne dans le salon, la chambre et le couloir et, quand on
marche dessus, les grincement, la nuit me font peur. La lumière est diffusée
par des appliques alimentées au gaz mais cela pue et ma mère en a peur.
Dans
la rue, des artisans font leur publicité en criant «de l’eau, de l’eau» pour le porteur d’eau, ou encore «vitrier» pour d’autres.
De
temps en temps, je fais des séjours instructifs chez ma grand-mère qui habite à
deux pâtés de maisons. Elle m’emmène faire une ballade au Bois voir les manèges
des chevaux de bois, plus loin applaudir Guignol, et parfois courir dans les tas de feuilles
mortes entassées par les cantonniers. Elle me promène aussi sur les quais de la
Marne voir les bateaux.
Je
me rappelle qu’un jour de mai 1931, il y avait beaucoup de monde dans le Bois
de Vincennes.
-A cause de l’inauguration de la
reconstitution du temple d’Angkor par le Président Gaston Doumergue à
l’exposition coloniale, me dit ma grand-mère, bravo, les gars !!!
Mon
futur beau-père, Philippe W., un marin belge ancien de la marine marchande,
vient d’échouer dans le quartier et, ma mère, bonne poire, le recueille. Il
habitera avec nous pendant plusieurs années. Dommage que je sois obligé de
partager maman.
J’ai
trois ans, je suis grand maintenant, j’ai un petit frère qui s’appelle
William, j’aime bien ce prénom et, plus tard, peut-être si j’ai un fils ?...
On s’amuse bien tous les deux. Merci beau-papa!
Pendant
ce temps, dans le monde…
30
JANVIER 1933, un certain Adolphe Hitler devient Chancelier du Reich,
3
JUIN 1935, la paquebot Normandie conquiert le ruban bleu, record de rapidité pour la traversée de l’Atlantique,
et
sortie d’un coupé sport, l’Hispano-Suiza J12.
J’ai 6 ans, je suis encore plus grand, chouette. Mon
beau-père me traîne dans des réunions communistes, à la Mairie de Montreuil.
Les gens sont tous habillés de rouge et s’appellent tous «Camarade». J’aimerais pas être leur copain parce qu’ils disent que
des bêtises de grands, c’est pas drôle.
Le matelot belge est souvent absent, et c’est tant mieux
parce parfois, il me frappe. Il ne peut pas comprendre que j’ai du mal à
marcher, mes jambes me font mal à cause d’une maladie que j’ai eu étant bébé.
Il passe la plupart du temps avec ses camarades en rouge dans les
manifestations politiques et, quand le soir arrive, il rentre, mange et repart
avec mon frère je ne sais où, me laissant avec ma mère de plus en plus faible.
Nous n’avons pas grand-chose à manger par ces temps qui
courent. Les repas se font rares. Les jours de gala, nous avons droit à «la panade»… Recette pour trois
personnes : prendre un bol de lait et y ajouter, préalablement découpés en
petits dés, des morceaux de vieux pain récupéré par-ci, par-là, servez, c’est
prêt. Et çà remplit l’estomac.
Pendant ce temps dans le monde…
Mort de l’aviateur Louis Blériot.
13 JUILLET 1936, début de la guerre civile en Espagne.
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