vendredi 1 août 2014

Merci, mon fils*!


Oui, merci ! Merci à ces personnes si belles en leur politesse désuète d’antan qui semblent hors du temps et du monde ; oui ces petits vieux qui, avant que de raccrocher leur téléphone, ne peuvent s’empêcher ce :
- Merci d’avoir appelé ! 

Pardon ? Et pourquoi merci ? Mais, il n’y a pas de quoi ! Et vous ne comprenez pas :
- Enfin, mais, c’est normal que je t'appelle maman, alors, si à chaque fois tu dois… 
Et à chaque fois, maman :
- Marci  boucoup mon fils’ ino ! (In good french : Merci beaucoup, mon fils à moi !).

- M’enfin, maman, tu es française : en bon français, je t’en prie !
- Allez ! Ro’h ad Kowed !*
- Mais, c’est intraduisible, maman ! J’en mourrais de honte !

* Maman me suggérait une croisière chez les grecs, peuple pacifique mais si peu citoyen qui, sans penser à mal, aura oublié de régler la Taxe sur la Valeur Ajoutée ! D’où ce malheur en leur domus (oui, domus c'est pas du grec, je sais !).

Eh bien non, ce n’est pas normal d’appeler quelqu’un au téléphone, surtout quand on a trop longtemps négligé de faire ses civilités. Dans ce cas, cet appel devient cadeau car il vous sort de l’ordinaire et c’est pourquoi la Mama me remercie, elle qui n’espérait plus rien de moi.
Alléluia : le fils prodige m’est revenu. Il m’a enfin appelée au téléphone, moi sa vieille maman ! Mon fils, l’amdoukal* m’aime ! Tout le Vigan est au courant !

*Amdoukal n’est pas un mot inventé. Tâchez de vous renseigner ! Cadeau à celui qui trouve.

L’appel téléphonique était acte d’amour, mais le fils ne le savait pas. Non ! Alors, elle a remercié son gros bébé, son ingrat qui n’appelle que trop rarement, que c’en est honteux, comme si ce vilain avait oublié la vie et à qui il la doit !
La mère en a quand même bien tiré profit pour  bien pleurer et se faire consoler par ses copines :
- Ah, mon fils Gilino, il est à Dieppe, tout seul. Et il m’a oubliée… aie, mon fils chéri, c’est dur, la vie pour ta mère ! Mais, non je ne pleure pas sur moi. Je pleure sur toi, mon fils’ino. C’est la miséria !
Pardon ? Mais, oui : j’avais oublié que la vie passe comme l’éclair, et comme si elle ne se résumait qu’à des samedis d’affilée, les autres jours n’existant pas. Excuse-moi, Imma !
- C’est mon garçon, c’est mon fils. Regarde la carte... Elle est belle.
Et Madame Talabouzrou qui aura envie de pleurer de tant de mesquinerie et qui aimerait dire :
- Fathé, ça, c’est ton fils ? Lala, ce n’est pas un bon fils ! Où tu as vu qu’il était bon ? Arrête, de pleurer, Fathé !

« Bonjour maman. On est à la plage. On s’amuse bien. Bisous. Jilali », c’est beaucoup, pour une maman qui ne sait pas lire. Mais, pour la mère Talabouzrou, c’est indigne d’un fils aimant. Et ce « On est à la plage »… Fatima, ton fils n’est qu’une méchanceté. On le remarque bien, sur la carte postale, la plage de Palavas-les-Flots. Et ce « on s’amuse bien »… effectivement, on s’amuse bien en vacances, surtout si on y va sans la mère qui te garde le chien. Non, mais Fatima, c’est quoi ce que tu nous as fait ? Un bon garçon, l’amazouz *à sa maman ? Arrête, arrête, va !

*L’amazouz. Oui, en berbérie, on a aussi des chéris. Comme en Suisse alémanique, alors, santé !

13 mots pour dire tout l’amour qu’on porte à sa mère, faut vraiment être d’une radinerie. Allez, va te faire aimer ailleurs, fils à maman, cours-y vite !
Puis, j’ai appelé Youssef au Canada qui m’a rassuré :
- Vois-tu, l’amour qu’une mère porte à son fils… oui, j’ai dit porte, ne se compare à aucun autre : tu serais crapule et compagnie, jamais ta mère ne renierait le fruit de ses entrailles et se finirait couguar pour te défendre*. Pour les gosses il en va autrement : tout leur est dû, surtout l’amour d’une mère.
*Couguar, prédateur qui n’aime que les tendretés. D’exportation US.

Bizarre que ma mère ne m’ait jamais demandé : m’aimes-tu, mon Fils, alors que ma copine ne peut s’empêcher de me lancer une gaffe, en roucoulade s’il vous plaît, comme si elle voulait à tout prix me dégoûter de toutes caresses à son endroit :
- Chérie, m’aimes-tu ?  Oh, Youssef, elle a osé me demander si je l’aimais ! Tu peux le croire ça, dis ?
- Eh, alors, cela t’étonnes ?
- Pardon : tu aimes ta nana en toute plénitude et elle ose cet inacceptable…
- Comment ça, l’inacceptable. Mais c’est normal qu’elle s’inquiète avec le temps qui fuit.
- Ah, que non : ou tu fais l’amour, ou tu copules. C’est de toute éternité. Ah, tu vois ?
- Malade, va. Tu n’y connais rien en ces délicatesses de l’amour. Avec toi, il faut se méfier et c’est pourquoi elle te demande de bien spécifier ce que tu es en train de faire, tandis que par derrière, elle sent bien tes manigances !
- Et voilà les manigances ! Oh, là-là ! Les grands mots maintenant.
- Oui : elle veut savoir ce que tu as dans la tête.
- Attends, Youssef  mon pote, ma tête, qu’aurait-elle à voir ?

-Ecoute-moi un peu : pourquoi s’inquièterait-elle ?
- Mais, de savoir si tu l’aimes ! C’est d’un normal, ne trouves-tu pas ?
- Pardon, Youssef mais tu ne saisis pas bien la chose : je l’aime comprends-tu ? Et elle, que crois-elle ? Avoir un bûcheron en sa couche ?
- Et alors, elle a bien le droit de se demander si tu joues à la poupée, abruti, ou si tu l’aimes, non ? Et voilà pourquoi elle a, elle aussi, le droit de te passer à la casserole.
- Si je l’aime ? Depuis le temps, elle devrait en être convaincue, alors pourquoi ?
- Va savoir ! Et si nous disions qu’en amour, toutes les tendresses et les « je t’aime » sont indispensables à certifier la qualité de l’amour que nous nous portons ? La dernière fois que tu lui as dit « Je t’aime », hein, c’était quand ?
- M’en rappelle pas, non ! Mais ma chérie qui penserait que je ne ferais que… Malade, va ! Elle est malade !
- Crénom de nom, du Gilou et de sa sexualité. Tu pousses un chouia (un peu).  Aimer, aimer ! Mince, regarde tes écrits, toujours à faire des distinguos ! Mais, tu l’inquiètes, ta chérie. Sérieusement. Tu ne peux pas lâcher de temps à autre un « Je t’aime » amoureusement dit ? C’est trop pour toi ?

D’accord, d’accord, mais ce n’est pas tout. Une fois, elle me dit : « Merci ! » Je te jure, oui, comme si j’étais un prestataire de service. J’allais sur Pont d’Hérault. Arrivé au Rey :
- Attends que je m’arrête,  je lui dis. Répète voir un peu ! Mais, pourquoi, merci ? Elle ajoute : « De rien ! »
- Je crois que tu crèveras sans rien avoir découvert de ces choses de l’amour !
- Pardon, Youssef ?
- Oui, je disais que tu étais dépassé. Dépassé, oui ! Et puis, tu finis par gonfler sérieusement avec ta bêtise trace ! Pauvre Fanny, va !
- Et qui te dis qu’il s’agit de Fanny, hein ?
- Parce qu’en plus… mais, elle lit le blog, mon pauvre vieux ! Tu te prépares des matins radieux, ouais !
- Oui, mais Fanny sait que tout n’est qu’imagination. Ah, tu vois. Je suis paré de ce coté-ci ! Aussi…

Et le Youssef a raccroché avec un : « Merci quand même, Gilou, pour ton coup de téléphone ! »
J’ai bien peur d’avoir fâché nôtre jeune ami canadien, bien trop poli pour être honnête ! Pas vrai ?

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