Un dimanche,
m’en allant au temple, sur le parvis je rencontrais un pauvre hère assis là,
oui, tout bonnement assis. Il me salua bien civilement d’un bonnes prières, Monsieur et je lui
rendis la pareille d’un Bon dimanche à
vous. Dieu vous bénisse !
Prenant le
pastis, chez l’ami Rolando, ce dimanche midi, je lui narrais ce que je vais
vous conter de ce pas, et…
-Devant un temple, faire la manche ? C’est
une galéjade, Gilou. A d’autres, mon vilain !
-Et pourquoi, Rolando ?
-Parce qu’un protestant, en général n’aide
que celui qui fait un effort pour s’en sortir.
Effectivement,
à bien y regarder, mon histoire semblait cousue de cheveux blancs tirés en fils*.
(*de la contraction
de deux expressions bien françaises: Cousu de fil blanc et tiré par les
cheveux).
Ce type, ni
ne l’avions vu, et ne le connaissions ni d’Eve ni d’Adam car étions plutôt accoutumé
à voir nos frères entrer se poser sur les bancs du temple que de s’asseoir par
terre sur le parvis pour y faire la manche.
Que je vous dise : les rapports avec ma famille en Christ se résument parfois à une seule fois par semaine, pour une heure, une heure seulement, une heure quelquefois.
C’est peu, mais qu’y puis-je ?
Que je vous dise : les rapports avec ma famille en Christ se résument parfois à une seule fois par semaine, pour une heure, une heure seulement, une heure quelquefois.
C’est peu, mais qu’y puis-je ?
Il n’en
demeure pas moins que nous sommes toujours frères en Christ, jusqu’à plus ample
informé, sauf que ce frère mendiant, je ne le connaissais pas. Et voilà, c’est
dit et redit.
Adonc, après
nous être salués, lui par bonnes prières, et moi par bénédiction, je m’inquiétais grandement de ce
mendiant et de sa sébile posée à terre sur le parvis. Je lui tendis la main poliment, ce qui eut l’heur de le choquer. A quoi s’attendait-il de ma
part ? Ah, si. Un bon conseil sans doute. Ce que je fis.
-Mon bon ami. Vous devriez aller à l’Eglise pour d’évidentes raisons d’économie domestique.
-Mon bon ami. Vous devriez aller à l’Eglise pour d’évidentes raisons d’économie domestique.
Il me sembla
que le gentil jeune homme (avait-il 25 ans, je ne sais ?) me remercia comme si
je lui avais octroyé une confortable obole qui aurait pu avoir valeur d’une
boutanche de rouge qui tache, mais je sentais qu’il préférait rompre-là car je
gênais l’approche des autres paroissiens qui, évitant notre groupe, entraient
sans s’approcher du mendiant. Et de sa sébile. Et donc, point de tunes dans son
escarcelle.
Misère de misère en ce dimanche matin pourtant ensoleillé !
Misère de misère en ce dimanche matin pourtant ensoleillé !
Je lui parlais masse des fidèles : plus il s’en trouvait dans
la nef, plus les possibilités de recevoir récompense au dur labeur de sa
mendicité augmentaient. Car, c’est un bien dur métier que ce métier-là de vous dire
merci, vous souhaiter bonnes prières et ne recevoir en retour qu’un conseil ! Et une bénédiction !
Des études prouvent que la
proportion de pingres et de généreux est la même, ici-bas sur terre, quel que
soit l’endroit. Ce qui change ? Mais le nombre de paroissiens. Plus il y en a,
et plus on rencontre de généreux. Ou des rats qui te donnent parce qu’il y a
plus de spectateurs pour observer ta charité, la loi des grands nombres expliquant
cela.
Effectivement, pour frère mendiant, le calcul paraissait ardu à résoudre mais facile à énoncer lorsqu’on est à jeun, comme moi. A ma grande
honte, j’oubliais de prendre en mes données un élément capital qui se cachait
dans le Temple lui-même, élément absent à l’église catholique :
Valait-il mieux ramasser plus de tunes à l’église pour ensuite se pochetronner, ou alors aller directement à la source de la Vie, au Temple, boire le sang du Christ ?
Valait-il mieux ramasser plus de tunes à l’église pour ensuite se pochetronner, ou alors aller directement à la source de la Vie, au Temple, boire le sang du Christ ?
Non, non. Ne croyez-pas, gentes Dames et beaux Messieurs à un conte philosophique. Plutôt à une petite nouvelette bachique.
Je laissais mon beau Sire assis, jambes écartées, couvant
sa si belle Sibille (c’est ainsi qu’il appelait sa sébile) en laquelle il avait
placé tous ses espoirs dans une amorce à pitié de quelques piécettes. Après
avoir prodigué mon conseil et serré la main de frère mendiant, ce que regrettais aussitôt, ma
étant main devenue poisseuse, je pénétrais dans la fraicheur bienfaisante du temple
et cette tant particulière doulce lumière propice à oraison et méditation, en
toute solitude entouré des miens.
-Mais, qu’est-ce que l’Homme, ô Dieu !
-Mais, qu’est-ce que l’Homme, ô Dieu !
Puis me mis à chanter le pseaume VI de Clément Marot, tandis que
mes vieux frérots et sœurettes chantaient, eux, la pâle copie en bon français,
de Chapal.
«Ne veuille pas ô Sire
Me reprendre en
ton ire,
Moi qui t’ai
irrité…
N’en ta colère terrible
Me punir de
l’horrible
Tourment qu’ai
mérité.
Ains, Seigneur
viens estendre
Sur moi ta pitié
tendre
Car malade me
sens… »
Ensuite, ce fut la lecture de la parabole des talents (Matthieu
25 v. 14-30) que je trouvais fort à propos et que je me proposais de raconter
au mendiant pour lui expliquer les vertus du travail et de l’économie libérale…
Devrais-je aussi lui signaler à ce Frère qu’il est
peut-être victime du capitalisme créé par le protestantisme évangélique de
Jehan Calvin qui, le premier, vers 1540 permet le prêt d’argent avec intérêts ?
Tu me diras que le catholicisme, bien tartuffe, autorisait les vendeurs du
Christ à faire commerce d’argent, le prêt à intérêt existant sous le manteau
depuis la nuit des temps.
-Et chez les
musulmans, ça fonctionne comment ?
-Facile Rolando. Tu trouve une maison qui te plaît. Elle
vaut 100.000 euros. Tu vois ta banque musulmane qui l’achète pour ce prix, et
parfois moins quand elle la paie cash, disons 75.000 euros. Ensuite, ta banque
te la vend en loyers mensuels 250.000 euros le tout. Donc, il n’y a pas
commerce d’argent et pas d’intérêts. C’est quand même simple à comprendre,
enfin, Rolando !
-Ben, c’est comme
avant Calvin quand les Cathos laissaient les nobles se faire plumer par les
juifs et les lombards ou autres vénitiens, non ? C’est hypocrite et compagnie et
ça revient à détourner les préceptes de la religion pour faire commerce d’argent
interdit. Belle perversité, non, Gilou ?
-C’est ainsi que vont les religions, mon bon Roland.
Revenons à mon clochard… pardon ? Mendiant car il
mendie. Effectivement, il réclame de l’argent. Pas pour se sustenter. De la
tune pour se réchauffer le gosier par la grâce d’une dive bouteille de forte et
mauvaise vinasse. Rouge de préférence. Mais, je veux bien.
Et donc, un mendiant qui ne pense qu’à l’argent pour acheter
du vin n’est-il pas clochard à la fin ? Argutie sémantique sans intérêt pour mon
récit. Ah, bon ? Quoique !
Je trouvais le Pasteur fort bon en son sermon, émouvant, usant
d’images puissantes du genre :
-Vous avez reçu de
Dieu votre Père des talents à faire fructifier, alors, qu’attendez-vous?
Et, là, je pensais à mes talents d’écriture qui ne me
rapportaient rien. Ô Dieu ! Je t’implore!
-Vous êtes responsable
et redevable devant Lui. Alors, n’oubliez pas votre prochain. Parce que
s’enrichir en oubliant, l’Autre, votre Frère…
Là, je trouvais que le Pasteur devait s’adresser à
d’autres qu'à moi. Où a-t-il vu que je m’étais enrichi ?
-De même, et voyez
que cette parabole des talents ne peut faire oublier l’enfant
prodigue. Et du pardon. Possédez et
faites fructifier sans oublier d’accueillir l’enfant prodigue, et votre
prochain qui se trouve à la porte de chez-vous. Et de ce temple. Amen !
A cet instant, j’ai pensé à mon mendiant à la porte du
Temple. J’ai su que le Pasteur parlait pour moi. J’en fus ému, touché au tréfonds de mon être et, me confondant en reproches, battais ma coulpe et entendis mon
âme me dire que j’aurais dû placer en la sébile de mon frère quelques pièces de monnaie…
Après un tel sermon, l'escarcelle de ce frère en Christ se remplirait bien vite.
Et, qu’importe s’il devait se saouler. Suis-je le gardien
de mon frère ? Que nenni !
Ce fut ensuite l’offrande à Dieu. Je détournais du Temple
quelques pièces que je gardais en poche pour les offrir à notre
mendiant-clochard-Frère en Christ. Et ce fut la Sainte Cène. Nous nous levâmes,
fîmes cercle et prîmes la Communion sous les deux espèces, d’abord le pain.
Je reçus l’assiette de ma gauche, pris un morceau et la
fis passer à ma voisine de droite, une dame bien mise et coiffée d’un petit
chapeau. Et me recueillis avant de prendre le vin.
Je reçus la coupe d’alliance de mon frère de gauche,
trempais les lèvres, puis la tendis à ma sœur de droite, avec ce petit sourire
tant fraternel qui accompagne toujours cette coupe. Je constatais que la petite
vieille s’était évanouie… Pardon ?… Non, avait disparu et laissé place au mendiant qui
s’était intercalé à mon côté et qui reçut volontiers la coupe de mes mains et la siffla, d’une
seule lampée.
Il va sans dire que l’officiant (était-ce le pasteur ?) dut recharger en nectar qui reprit son périple de main en main. Mais mon mendiant qui, devenant notre Frère en Christ par la Coupe d’Alliance, s’était déplacé plus loin pour intercepter à nouveau l’objet de sa convoitise. Et il torcha à nouveau la coupe. Cul sec !
Il va sans dire que l’officiant (était-ce le pasteur ?) dut recharger en nectar qui reprit son périple de main en main. Mais mon mendiant qui, devenant notre Frère en Christ par la Coupe d’Alliance, s’était déplacé plus loin pour intercepter à nouveau l’objet de sa convoitise. Et il torcha à nouveau la coupe. Cul sec !
Deuxième rechargement en vin de la coupe d’alliance... deuxième, ensuite troisième rechargement tout itout torchés. Voyant que personne
n’interceptait notre merle siffleur, je décidais de m’interposer, me déplaçais
rapidement de banc en banc à l’extérieur du cercle des fidèles recueillis et
pris par le bras notre heureux trublion qui aurait bien cuvé tout son saoul
notre bon vin divin.
-Viens. Je t’offrirai un pot au bistrot du coin à la fin du culte.
-Viens. Je t’offrirai un pot au bistrot du coin à la fin du culte.
Depuis, je ne me sens pas à l’aise chez mes frères.
Imaginez. J’ai chassé un pauvre communiant du temple. De quel droit ? Mon Dieu,
pardonne moi, je ne savais ce que je faisais !
Quoiqu’il en soit, personne ne m’a remercié d’avoir usé
de tant de tact avec Frère Mendiant. Et la consommation qu’il prit au Bar, une p’tite Côte du Rhône, s’il vous plaît!
fut pour ma poche.
A notre frère-mendiant en Christ, qui avait
tant soif de communier sous les deux espèces, dont l’une plus particulièrement,
de le Vigan le mercredi 10 Juillet de l’An de Grâce 2013.
-Gilou, cette
histoire, elle est vraie ?
-M’enfin, Rolando, tu me connais pourtant.
-C’est bien pour ça
que je te demande. Alors ? Vraie, pas vraie ?
-A ton avis, mon bon Rolando, hein ? Pourquoi tu demandes…
Ca s’invente, une histoire pareille ?
-Ben, je pensais
aux Pussy-Riot que l’autre, le Vladimir maintient toujours en prison, en Russie
pour s’être foutues de la religion. On est mieux en France, non ? Plus
tolérants, hein ?
PS : A l’attention de certains journalistes qui préparent
leur boulot à la va-comme-je-te-pousse, on dit Messe (du latin missa) pour
l’office Catholique et Culte (en langue vernaculaire) pour cette célébration des
protestants. Merci pour nous.
Dessin de René BOUSCHET : DIEU VOUS LE RENDRA... mais soyez patient.
Dessin de René BOUSCHET : DIEU VOUS LE RENDRA... mais soyez patient.
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