" Le baiser " (extrait) - G.Klimt - 1907-1909 |
Lorsque j’étais jeune, en mes années collège j’ai découvert Marlène sur les bancs de ma classe, une découverte plus importante que ce changement traumatisant de scolarité.
D’abord, il faut savoir que mon école primaire n’était pas mixte et donc, on découvrait les filles, ces bizarreries de la nature et leurs manigances, leurs façons de faire, leurs aguichements, leurs évitements, leurs chuchotements, leurs apartés et leurs petits rires idiots.
Faut dire qu’en 6ème, tous, nous écoutions les
professeurs, bras croisés sans piper mot ni oser lorgner à l’objet de notre
curiosité, ces raretés qui nous inquiétaient et nous attiraient.
Dans mes premières classes, peu de filles
était belles et je ne les trouvais pas finies, la plupart petites, encore enfants, trop grandes, trop plates de poitrine ou avec des
jambes de sauterelles. Disons, pour parfaire le tableau qu’elles ne ressemblaient pas encore aux grandes
de 16 ans qu’on voyait dans la rue et qui nous faisaient rêver, mes copains Serge,
Bernard et moi, celles qui sentaient le patchouli et qui nous mettaient du
rouge à lèvres délébile sur nos joues en rigolant comme des folles de la farce
qu’elles croyaient nous faire.
Alors que c’était du nanan, pour nous, jeunes bêtas.
Alors que c’était du nanan, pour nous, jeunes bêtas.
-Comment tu la
trouves, Yvette... et Marlène, me demandait Serge au soleil des récréations de
septembre ?
Et, c’était une obsession, ces deux filles pour mon
camarade Serge. Bernard n’en pensait pas moins mais, le connaissant, je savais
qu’il faisait les yeux doux à Yvette. L’amitié, d’un côté m’obligeait à
prévenir Serge mais, de l’autre, je ne pouvais pas trahir Bernard.
Et, c’est depuis ce jour que j’ai décidé de jouer mon
propre jeu dans lequel les amitiés se contrebalanceraient.
-Yvette ? Elle est
jolie, mais elle est cruche. T’as pas remarqué ? T’es con ou quoi ?
A l’époque, déjà, je cultivais ce français châtié que
j’ai toujours continué à promouvoir dans mes discours et écrits et qui fait ce je-ne-sais-quoi intéressant de ma personnalité.
Marlène, quand Serge ne pouvait m’observer, je lui
envoyais des bisous en singeant un beau cul de poule. Elle me répondait
toujours le plus aimablement du monde, en me tirant la langue. Faut dire qu’à
l’époque, Marlène était nunuche : elle me croyait lui vouloir un tendre baiser
sur la bouche alors qu’il me suffisait simplement qu’elle me montre sa jolie
petite langue rose pointue qui me mettait en transe.
Parfaitement, Monsieur, en transes car, en ces temps-là j’imaginais sa langue tournant dans ma bouche s’enroulant et se battant avec la mienne dans des baisers tout baveux, nerveux, violents, dents entrechoquées.
Ouais… je savais déjà embrasser avec la langue.
Parfaitement, Monsieur, en transes car, en ces temps-là j’imaginais sa langue tournant dans ma bouche s’enroulant et se battant avec la mienne dans des baisers tout baveux, nerveux, violents, dents entrechoquées.
Ouais… je savais déjà embrasser avec la langue.
« Qu'il me baise des baisers de sa bouche ». C’est le début du
Cantique des Cantiques. Marlène ne savait pas que la Bible était mon premier
livre dans lequel j’ai découvert ce texte fantastique. Et je rêvais aux dents
de ma promise, blanches comme un troupeau de brebis. Et, déjà à l’époque, je me
demandais comment on pouvait être baisé ou baiser sans la bouche.
J’attendis d’avoir mon Certificat d’Etudes Primaires pour
ne plus m’intéresser à ma scolarité et ne penser qu’aux filles. D’abord, ma
mère Fatima m’avait acheté un vélo magnifique, rouge, un Peugeot trois
vitesses, ma mère, berbère ne pouvant choisir une autre marque :
Peugeot, un point et c’est tout !
Me voilà donc avec mon coursier rouge qui me permettait
d’agrandir mon monde de drague et d’aller à la rivière avec Loule sur mon porte-bagage visiter, dans les temps de disette, Blanche Neige sous les pommiers… couchés dans les prés. Tous trois.
A 14 ans, Marlène se faisait plus belle encore que les
autres. Elle savait s’habiller, et je crois que c’est pour cela que tous la
remarquaient. Serge en était l'amoureux transi. Et la demoiselle
me snobait toujours. Du collège, elle allait aux Eclaireuses. Cela ne
m’allait pas car cette troupe rejetait tous
les garçons comme si... et on n’a jamais bien su de quoi elles avaient peur.
Mais toutes toutes se faisaient les gardiennes de leurs vertus.
Mais toutes toutes se faisaient les gardiennes de leurs vertus.
La Gerbe fut une période néfaste dans ma recherche de
batifolage. Je dus donc émigrer avec Didier dans mes pérégrinations de drague vers Saint-Hyppolite-du-Fort et dans toute la région, à plus de 30 kilomètres, à cause de
cette troupe d’éclaireuses. Pas moyens de séduire, de séparer Marlène des
autres. Et pourtant…
Un jour, je confiais un petit mot d’amour à Bernard pour
Marlène. Avec défense pour celui-ci de lire mon petit mot. Ce qu’il fit, me
dit-il bien plus tard, riant avec Marlène :
-Tu diras à Gilles
qu’il ne me plaît pas. Et que je ne sortirais pas avec lui.
Dans le même temps que Bernard me rapportait la gentille
réponse de Marlène, sans leurs rires, il va de soit, je recevais par une voie
détournée un petit mot d’amour d’Yvette m’enjoignant à aller me promener sur le
Chemin des Amoureux, ou était-ce sur la Route Neuve, un jeudi après-midi et
que, par coïncidence… vous comprenez ?
Mais, que tout ça est bien loin. Elle avait 17 ans et
moi 15. Elle était belle et moi, j’avais des yeux de biche. Nous nous
sommes embrassés avec la langue. Il y avait de la neige au Vigan ce jour, le
soleil brillait et le vent soufflait de l’Aigoual, très froid. Nous nous étions
réfugiés sous un auvent à la sortie de la ville, sur les hauteurs.
Et moi, les baisers, c’était bien.
Et que c'était bon ! Mais, à cet âge, les baisers, toujours des baisers, çà fatigue son homme, ne croyez-vous pas ? Bon. Que vouliez-vous que je fasse pour mon contentement et les apprentissages ?
Les seins, d’accord ? On y va !
Bien… elle acceptait que je les lui triture, et pourtant je n’avais pas encore cette maestria qui me désignera, bien plus tard, à la gent féminine comme bon amant !
Et que c'était bon ! Mais, à cet âge, les baisers, toujours des baisers, çà fatigue son homme, ne croyez-vous pas ? Bon. Que vouliez-vous que je fasse pour mon contentement et les apprentissages ?
Les seins, d’accord ? On y va !
Bien… elle acceptait que je les lui triture, et pourtant je n’avais pas encore cette maestria qui me désignera, bien plus tard, à la gent féminine comme bon amant !
-Pas comme çà,
Gilles, doucement. C’est fragile ! Pas les tétons, non il fait trop
froid…
-Attends, je vais réchauffer ma main à ton tricot de laine.
Les seins ne posaient pas trop de problème et Yvette
aimait à me regarder pendant que je la caressais pour voir mon contentement.
Oui. C’était plus et moins que du désir. Je m’en souviens. Et moi, je la
regardais me regarder, et j’en étais tout attendri et heureux.
Et si, Gilou, tu allais faire une incursion sous la jupe ?
Et si, Gilou, tu allais faire une incursion sous la jupe ?
Interdit, pas sous la jupe ! Malgré mes yeux de biche suppliants,
elle n’a jamais voulu, repoussant toujours fermement cette main qui ne
m’appartenait plus.
Un jour que j’avais 50 ans, je la revis au Cinéma du
Vigan, Yvette toujours aussi belle, menue, une chevelure longue, lissée,
luisante tombant plus bas que les épaules. Son regard était toujours aussi
beau, croyez-moi. Et elle était toujours aussi désirable. Je sus que je lui plaisais
encore. Après m’avoir salué d’un petit signe de tête accompagné d’un sourire
timide, elle s’en alla prendre la main de son mari.
-Oui, mais Gilou, et Marlène ? Et Bernard ?
-Marlène ? Tu sais, elle n’a plus voulu entendre parler de
moi. En plus, elle n’a pas apprécié que je lui fasse les yeux doux tout en
sortant avec Yvette, sa meilleure amie. Quant à Bernard, tu penses bien que je
n’ai pas voulu rompre notre amitié. Alors, je me suis tu.
Ainsi va de la vie et des amours, chacun pour soi et Dieu
pour tous. Mais, comme j’ai aimé que tu me baises des baisers de ta bouche,
Yvette.
A Pont-d’Hérault le samedi 9 novembre An de
Grâce 2013. Gilou pour Rolando.
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