lundi 8 août 2016

Faire part !


Je connais une personne qui se régale de la mort. Surtout de celle des autres. Untel est décédé ? Trompettes, sonnez !
-Le pauvre Gaston est mort hier, dans son sommeil. Fallait s'y attendre. Tu le savais ? Ne me dis pas oui, tu l'ignorais ! Oui, Subitement… mais si, tu ne connaissais que lui. Oui, mort à l'hosto en désintoxication.
-Ah bon, si tu le dis !
Mourir à l'hôpital de trop de soins ? Mes compliments vont aux soignants !

Gaston... attendez, Gaston ? Des Brigitte qui sont moches, peuchère, ça oui. Mais ce Gaston-là, ici personne ! Pardon, elle, elle le connaissait bien. Je dis que certains devraient faire un procès à qui de droit. Tu me diras que la plupart des nouveaux-né, ça ne ressemble pas à ce que ça deviendra, il y aurait donc des excuses valables à certains prénoms. Mais Gaston, si c'est le Gaston Castro, alors-là, merci les parents :
-Tu parles de celui qui boit comme un trou, qu'est même interdit de bistrot ? Celui que sa femme l’a quitté pour un plus marque-mal que lui ? Le tout maigre qui ressemble à rien ? Et sa septième cure de désintoxication, une de trop à mon avis. Gastro, le trou de la sécu ?
-Ah... tu l'appelais Gastro ? Je ne savais pas. Oui, c'est bien lui.

Non, ma chère, dites : c'était bien lui, puisqu'il n'est plus. L'imparfait s'impose en la circonstance, parfaitement ma chère ! D'accord, tu le fréquentais, et alors ? Mais il est vrai que j'évitais ce Gaston-là, plus connu sous le prénom de Gatro Liquide, le maigrichon qui devait boire pour ne pas penser à ses parents et ainsi ne pas les détester. Oui, à cause de son prénom, à mon avis. Qui ne comprendrait ? Gastro serait décédé ? Que voilà une nouvelle intéressante. Tu me la bailles belle, chérie !

Mort, tu en es bien sûre ? Certaine ? Et pas encore enterré ? Oui, je comprends que c'est normal car il n'est pas encore tout à fait refroidi. Mort subitement, comme si ça se pouvait autrement m’apprenait-elle tout en buvant du petit lait. A force de téter, fallait si attendre. Et elle pense qu'il faudrait aller à son enterrement, et pourquoi pas une quête pour sa femme, une couronne à la rigueur ? Ça va pas la tête, oh !
-Bien mort ! Tu en es sûre, et sans prévenir personne ? Personne, hein ? Mince, il ne pensait à rien, ton copain. Bon, disons que c’est dans la normalité des choses de mourir sans le corner, d’accord, et alors ? Entre nous, si tu savais comme je m’en fous ! Et même plus : je m’en contrefous ! Et pourquoi ça ? Mais, parce qu'il n'y a pas que lui que ça fait râler, sa mort.
-L'imparfait, Gilles... Il râlait, Gilles, mais tu n’es pas gentil. Tu verras qu’à ta mort…

-A ma mort ? Je ne verrai rien. Normal, non ? Et puis, ça ne te concerne pas, ma mort. Pas vrai ? Alors, ne t'avise surtout pas, à mon heure de claironner... tu m'as bien compris ?
-Mais, c’était un bon gars. Je l’aimais bien, moi !
-Moi aussi, sauf qu’il me devait de l’argent. Alors, de mon pognon, maintenant qui s’en souciera ? Toi ? Dis, toi qui m'aimes bien, pourquoi ne pas aller le voir pour qu’il me le rende ? Oui, mon pognon, non mais ! Salaud de Gaston, partir sans me rembourser, sans payer son dû, faut oser ! Tu as raison : il a fini de râler, pour sûr alors que moi, je commence.

Ce n’est pas vrai que Gastro me devait de l’argent. Mais, il aurait pu, non ?
Ma copine, d’apprendre que son pote décédé était en compte avec moi, ça l'a douchée en réalisant que de la mort n’efface pas toutes les dettes et qu'en parlant des morts, ne dit-on pas qu'il était bon pour untel mauvais pour un autre ? Ainsi va des vivants et des morts.

Et puis, entre-nous, si vous tenez à me faire plaisir, ne me parlez plus d'enterrements, rien que de penser au mien, j'en frisonne encore et, comme le disait ma pauvre mère Fatima, plus perspicace et savante des choses de la vie qu’instruite ou érudite de conneries inutiles et bien avant le grand malheur qu'elle me fit subitement :
 -Laisse les morts avec les morts, mon fils et occupe-toi des vivants, ainsi tu vivras bien heureux.

Merci qui ? Merci Fathé ! Et allez, Gastro, je t'aimais bien. Même que je t'accompagnerai une fois pour toutes, moi qui t'ai trop évité de ton vivant. Excuse !

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