10 avril 85. Je viens de
rentrer de Varengeville. Tiens, l'autre cahier, celui près de la télé est légèrement déplacé. J’y ai lu ton mot. Tu m’as attendu jusqu’à
18h30. Pendant ce temps j’étais au Normandie.
A deux cents mètres de toi. Merde. Tu ne pouvais pas m’avertir hier soir, rapport
à ton mari, ni passer par Bruno qui travaillait avec moi ni par sa femme en
vacances avec les gosses chez les beaux parents. Personne pour tenir la
permanence téléphonique. Tu as essayé vers 13h, oui mais on mangeait avec les
patrons, des parisiens. Et moi qui, toute la journée n’étais pas loin de chez
toi. La poisse. Tant pis.
Une pause…
On a eu journée à 17
heures. Ensuite, j’ai acheté ma baguette Grand
Rue et passage obligé au Normandie pour
une partie de tarot. Y avait longtemps. Et avec de bons joueurs. Manquait
Roland qui se trouve lui aussi aux Aubépines.
Il sort demain. Si j’avais su. Enfin, je suis
allé faire rigoler notre recollé qui a particulièrement
apprécié ma visite. Je suis plus salaud que les autres pour
le faire rigoler. Un compliment de sa part.
Une pause…
Une pause…
Parfois, je me demande
pourquoi j’écris tout ça dans mon journal intime surtout que je te le cache pour
que tu ne lises pas. Tu risquerais de tomber de haut. En plus, je fais des
confusions et j’ai l’impression que ce que j’écris, c'est comme si je te le disais. Ou te l'avais dit ? Mais, ça ne se peut pas, et même si ça se pouvait, quand tu viens à la maison on a toujours la tête à des riens et autres bagatelles urgentes à réaliser.
Quand je te disais que l'urgence, c'est le lot de tous les plombiers, les bons et les mauvais.
Tiens, parfois j’ai le sentiment d'être le capitaine d'un navire sans équipage qui laisse "traîner" son journal de bord toujours à la même place. A-t-il été déplacé ? Ce serait signe de vie à bord. C'est une des première chose qui m'intéresse après avoir donné à manger à Tibère : juste pour savoir si tu es venue et mis un message, et moi qui te fabrique de belles histoires pour dire tout mon plaisir à vivre ma vie seul. Une
honte. Un leurre, de pieux mensonges qui accompagneront le bateau en sombrant avec. D'après Bruno. Mais il se goure, je le sais.
Une pause…
Une pause…
Tibère, mon sirop de la
rue m’attend ferme encore ce soir. Tu penseras que c’est normal, mais moi ça m’inquiète.
Dans ces cas-là, après s’être frotté contre mes jambes pendant que je sors mes
clefs, dès que j’ouvre la porte il entre le premier pour se précipiter
sur sa gamelle. C’est lui le patron. Je le lui laisse croire
parce que ça me rend heureux qu’il miaule pour me dire bonsoir. Au moins, je
peux parler à quelqu’un chez-moi et je lui dis toujours : "Après vous, cher ami. Je vous en prie." Il me comprend car il n'en attend pas moins de moi.
Une pause…
Une pause…
Hier, j’ai fait macérer
une daube pour quatre à cinq jours. Ce soir, je la cuis à la cocotte-minute à feu doux.
Plus rapide, mais une erreur quand même à cause de la buée. Faut ouvrir la
porte et la fenêtre pour aérer, et dehors, il fait froid. J’ai fait comme tu as
dit : ne pas saler pour que la viande ne durcisse pas. A mi-cuisson
rajouter un bouillon-cube bien écrasé. J’en ai mis deux. Elle sera meilleure demain, réchauffée.
Avec des nouilles, ou mieux, des pommes de terres à mi-cuisson. Mais, les
nouilles, pas besoin de les peler, je suis célibataire, rappelle-toi.
J’ai bien mangé à midi. A
quatre heures trente, avant notre départ les clients nous ont offert le thé et plein de biscuits. Pas
faim ce soir mais faut que je mange. Je me contenterai d’une soupe en sachet ou non, d’un
camembert, d’une côte du Rhône et d’une baguette entière que j’ai achetée dans
le Grand Rue. La meilleure boulangerie de toute la région. Un véritable gâteau.
Non… pas la soupe.
Tibère n’a pas demandé à
ressortir ce soir. Pourtant, il ne fait pas trop froid, alors on s’est mis au
lit, en amoureux. Y a des miettes sur le drap. Faudra que je les enlève avant
de dormir.
Une pause…
Une pause…
Soirée télé qui débute par
les infos. France 3. Pendant que je mange mon sandwich. Bordeaux se prend la
raclé par la Juventus. Déjà deux buts. Normal, c’est à Turin. Un but de Boniek entre les
jambes du gardien, un de Briaschi parfaitement valable même si on
pourrait croire qu’il bouscule un défenseur bordelais. L'arbitrage est parfait.
Une pause…
... le dernier but après une longue passe de Cabrini à Boniek à l’aile gauche qui fait son petit festival de dribbles, entre dans la surface de réparation et, d’une passe tendue sert Platini pour une belle reprise de volley qui trompe Dropsy sur son mauvais pied. Enfin, il m’a semblé.
Quilès met en place pour septembre le contrôle des voitures de plus de cinq
ans. On parle de retirer la carte grise aux véhicules non remis en état. Coût,
250 francs. Merci pour les pauvres. Je suis content de n’avoir pas voté en 81
pour Mitterand. Ton président va nous en faire voir de toutes les couleurs, ne
t’en déplaise.
Gattaz reçoit la CFDT. Ca
évite aux socialos de légiférer. Belle astuce. Manufrance, la Grande Dame est
liquidée. Tout un symbole ouvrier qui disparaît.
Une pause…
... le dernier but après une longue passe de Cabrini à Boniek à l’aile gauche qui fait son petit festival de dribbles, entre dans la surface de réparation et, d’une passe tendue sert Platini pour une belle reprise de volley qui trompe Dropsy sur son mauvais pied. Enfin, il m’a semblé.
Une pause…
Soirée lecture. Pas de
télé, Tibère préfère le silence. Christine m’a prêté un bouquin, « Gros Câlin » d’Emile Ajar. Une
amitié entre un homme et un python. Moi, tu le sais, des soldats
dans le Sahara, comme « Fort Saganne »,
je préfère. Heureusement que j’ai lu le livre après avoir
vu le film. Je ne dis pas que je n’ai pas apprécié le film… Enfin, Christine connaît
mes goûts. En plus, elle me dit que je serai emballé. Autant par le sujet que
par l’écrire. Légère, surprenante. Et le meilleur bouquin qu’elle aurait lu depuis
longtemps. Si elle le dit. Je lui accorde 10 pages, à Ajar, pas plus. Si ça me plaît, je t’en
parlerai, sinon, soirée télé jusqu’à la fin des programmes.
Reprise des cours jeudi 11 avril. Tu viendras. Chic, des problèmes.
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