Pendant que Radio Paris ment, radio Paris est allemand,
Pappa et son pote Bartoli, deux grand cerveaux passent toutes les nuits au
troquet du rital, avenue Bouvines, à refaire le monde, accoudés au zinc face à
de grands verres de vin.
Des femmes de petite vertu, à la petite cervelle et la
non moins petite vérole les écoutent, bouche bée, sans rien y comprendre. Un
jour, le soleil s’étant couché depuis quelques heures…
-Tiens, comme c’est
bizarre…
… le gargotier suggère à son vieux pote qui, je vous le
rappelle à toutes fins utiles, est mon père chéri… oui, le Bartoli suggère donc
à mon pappa de m’envoyer à l’école italienne, juste à côté.
Ni une ni deux,
-Direzione la
scuola italiana!
Arrivé sur place, le lendemain, on m’habille d’une
chemise noire, bref, de tout l’attirail d’un petit uniforme de Balilla. Quel
look d’enfer. Et, avanti, la musica. C’est parti pour un tout de galère et ce
n’est pas fini.
Dans la classe, nous hurlons à pleine voix, des chants
guerriers en faisan le salut fasciste à la gloire du bénitier de mousse en
chocolat de Mussolini… Vous voyez bien que vous ne me lisez plus. Soyez plus
attentifs, que diantre.
La gourmandise ayant dépassé ma pensée, nous hurlions nos
chansons à la gloire de l’Italie éternelle et de Benito Mussolini. Benoît… pas
tant bénin que cela, le duce.
D’un autre côté, la classe est pleine de ritals.
Maintenant, je ne suis plus tout seul. Même un de mes dessins sera montré à
Rome à notre Guide. La maîtresse était plus fière que moi. Quel honneur d’être
signalé au Duce!
Certains jours de gala, nous défilons dans des stades aux
côtés de la jeunesse «à Philippe», les bons petits français et de la jeunesse
«à Adolf», les bons petits allemands. Et nous, les Balilla, la jeunesse
« à Benito», les bons petits italiens.
Comme c’est marrant, mais je me rappelle que, certaines
fois, on se faisait siffler par quelques badauds fondus dans la population,
quelques malotrus soucieux de ne pas se montrer au gratin de l’armée allemande
qui trônait en haut des tribunes, impeccables.
Et même, et je m’en souviens, certains prenaient plaisir
à nous traiter d’en… culés, cachés derrière les fenêtres des immeubles
surplombant les stades.
Mais moi, j’’aimais cet uniforme. J’étais gosse. Et la
guerre, je ne savais pas ce que c’était. Ni la haine. Alors, il m le prenait de
temps à autre l’envie de rentrer chez moi, affublé de mon bel habit de Balilla.
Mais les gens m’évitaient. Sur mon passage, il y avait une famille que j’aimais
à saluer. Le père me rendait toujours mon salut. Un beau jour sans que je n’en
sache le pourquoi, la maison eut ses volets toujours fermés. Bien plus tard,
j’ai su qu’ils étaient juifs. L’étoile jaune n’était pas encore de mise.
Pendant ce temps-là, dans le monde…
Le 14 juin 1941,
le port de l’étoile jaune est obligatoire. Pour les juifs français. En France!
Le 22 juin 1941,
invasion de l’URSS par les troupes nazies. La bêtise allemande crée le second
front qui donne une seconde chance à l’Angleterre, seule à se battre.
Fin Août
Attentats contre l’armée allemande. Exécution d’otages choisis parmi les
communistes.
Mi-octobre,
publication des premiers journaux clandestins : Combat et Franc-tireur.
Le 7 décembre 1941,
Pearl Harbour. Les USA entrent en guerre. Le troisième front est ouvert.
Mi-décembre,
le couvre-feu est fixé à dix-huit heures. Le jour, les rues sont désertes.
Bravo les gars.
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