La mort de Socrate (1650 - extrait) par Charles Alfonse Dufresnoy (1611-1668) |
-S’il vous plaît. Tout d’abord, bonjour à tous. Aujourd’hui, Mohammed sera chargé du cours de philosophie. Je vous demanderai de l’applaudir pour l’encourager (Applaudissements timides).
-Mesdames et messieurs, à la manière de Socrate, je vous tiendrai un discours… (un temps de silence, et voix plus douce), je vous demanderai de ne pas m’interrompre et de bien vouloir noter tout point litigieux que nous pourrions aborder plus tard (et puis, lentement mais martelé)...
-... de même, vous voudrez vous comporter comme mes élèves, à défaut d’être mes disciples. Vous coucherez mes mots sur papier pour qu'ainsi le discours rejoigne l’écrit. Disons plutôt que mon discours engendrera plusieurs écrits. Merci.
Nous sommes donc à Athènes, en -399 avant N.S. J-C !
Mohammed avait
commencé fort. Sans note. La gouaille de ce petit titi déconneur était devenue
discours construit, déclamé sans aucune note. Momo avait accroché son auditoire :
débit lent, puissant, parfois chantant, jouant sur les silences, regardant
crânement son auditoire…
-Je commencerai donc mon discours par une citation de Platon
qui fait parler Socrate lorsque Criton vient le visiter en prison(1) :
-C’est qu’il me siérait mal, à mon âge, Criton, de me révolter, parce qu’il me faut mourir.
-C’est qu’il me siérait mal, à mon âge, Criton, de me révolter, parce qu’il me faut mourir.
-Qu’il n’y
ait pas de suspense : la sentence du tribunal était-elle légale, justifiée à
défaut d’être juste ? Oui ! Socrate s’était piégé par son propre discours
logique et l’argumentaire d’une plaidoirie qui le conduisait à une mort
inéluctable. Ses amis lui font remarquer que persister dans ce système de défense paranoïaque, inefficace lui vaudra condamnation. Mais, il ne peut reculer.
Certains élèves, subjugués regardaient
Mohammed et buvaient ses paroles, cessant d’écrire, ce que voyant, grondant sourdement :
-Mesdemoiselles et messieurs,
je prends les noms de ceux qui ne retranscrivent pas mon discours. Tout le
monde suit. Vous arrivez à écrire ? Je parle trop vite ?... Bien. Je parlerai
plus lentement.
-La mort
est demandée par ses trois accusateurs. (Silence. Momo balaye la classe du regard, puis continue). Socrate, condamné était tenu de proposer une
sentence et le tribunal devait choisir de l’une ou l’autre. S'estimant non
coupable, il refusera d'obtempérer, considérant que proposer quelque condamnation que ce soit
signifierait qu’il acceptait sa culpabilité. Bien évidemment, il essayera de
racheter sa vie mais, ayant demandé à être nourri au prytanée, cela aura excité
ses juges contre lui.
-Par la
défense de Socrate et son raisonnement, nous aborderons l’accusation. (Réfléchissant...). Tout
d’abord, deux arguments sont imparables : "Pourquoi voudriez-vous qu’à 70 d’âge
je devienne adorateur d’autres dieux ? De
même on ne peut me reprocher d’entendre les décisions des dieux, ce qui est
normal et d’être en contact avec les dieux et les démons de l’Olympe... alors, on ne peut me reprocher d’adorer d’autres divinités". (Silence). "Si je suis à l'écoute de nos Dieux et qu'ils me parlent, comment puis-je célébrer des dieux étranger", dit-il à ses juges... Logique, n'est-ce pas ?
-"Deuxièmement
pourquoi voudriez-vous que je corrompe la jeunesse, alors qu’aucune plainte, ni
des parents ni des jeunes gens n’est portée ?" (Réfléchissant quelques instants, puis, doucement).
"Et à quoi me
servirait cette corruption qui ne me rapporte rien, mes leçons étant gratuites ?"
-Socrate
rappelle que c’est la première fois, à son âge, qu’il passe devant un tribunal,
ce qui doit être pris en compte pour sa bonne réputation. De même, il dit ne
pas connaître l’art oratoire judiciaire. Malgré cela, il persiste à se défendre
seul. Et, ici, personne ne peut le comprendre, de même lorsqu'il refusera de s'échapper, le tout pour ne pas commettre d'injustice. C'est à n'y rien comprendre car, c'est lui Socrate qui en est victime.
Il apparaît,
sans nul doute que ce procès est inique, la dénonciation calomnieuse étant
patente. A preuve, Socrate sera réhabilité et ses accusateurs renvoyés
d’Athènes.
-Disons que
Socrate a pensé, à tort, que sa réputation d’honnête homme, de tribun, de philosophe et la mauvaise foi
évidente de ses accusateurs seraient suffisantes pour le sortir de ce mauvais
pas. De plus, se défendre seul, sans avocat de renom, n’est pas bonne chose. Il
semblerait que la fierté de Socrate ait incommodé grandement ses juges.
Même en
France, voyez Sarkozy l’ancien Président de la République française qui arrive
à court-circuiter tout le système judiciaire français en déstabilisant les
juges. Et qui fait le beau... et qui fait le fier !
Ne voulant pas que Mohammed, qui avait bien
commencé ne dérape…
-Si je vous ai compris, vous affirmez que Socrate
aurait dû adopter un autre système de défense…
-Non,
Monsieur le Professeur. Vous ne m’avez pas suivi. J’avais demandé que l’on ne
m’interrompe pas durant le déroulé de mon discours, et pas de passe-droit ! Veuillez ne pas m’en vouloir… donc…
-Je disais
donc que l’ancien Président… Mais, on s’en fout, n’est-ce pas ? Il s’agit de
Socrate qui aura indisposé, Mesdames et Messieurs ces Messieurs les juges. Je suis convaincu
que le tribunal ne serait pas entré en voie d'une condamnation lourde si Socrate avait accepté le jugement et
proposé une peine acceptable par tous.
Socrate
aura-il péché par orgueil ? Je n’ai pas pu le déterminer. Mais, pour finir…
... oui, pour finir j’aimerai
vous faire partager une autre des beautés du texte de Platon. Toujours, dans
son dialogue avec Criton, Socrate dit: « Considère aussi cet autre principe, que
le plus important n’est pas de vivre, mais de bien vivre… ».
-Même si en
finissant mon exposé je vous disais que Socrate pourrait bien être, à y
regarder de plus près, mort par… sa bêtise, plus vraisemblablement par son
orgueil, certains diraient sa fierté, sa fin est un exemple de la puissance
certaine de l’esprit sur la chair.
-Quoiqu’il en
soit, Socrate aurait entendu une voix
divine qui l’aura conseillé dans son entêtement. Pensait-il ne pas
risquer sa vie ? Lorsqu’il parle à ses
juges, reçoit ses amis, ne veut pas s’échapper et qu’il boit la cigüe sans
sourcilier, tout ce cinéma ne doit pas être pris pour de l’inconscience ni du
courage.
Ou même comme un vieillard qui se suicide de belle façon… stoïque.
Ou même comme un vieillard qui se suicide de belle façon… stoïque.
Non, non ! Socrate
est la personnification de l’entêtement d’un homme qui sait qu’il a raison, qui
remets les juges devant leurs responsabilités et qui veut que sa mort soit à
l’exemple de sa vie : glorieuse.
-Mais
surtout, Socrate savait que, par la beauté de sa plaidoirie, puis par son
admonestation à ses juges après sa condamnation, il passerait à la postérité. Alors
qu’importait la mort ? Socrate aura tout sacrifié pour ses mots,
la force des idées et son art oratoire, sa philosophie appliquée jusqu'à la mort.
-Voilà
Socrate, le philosophe, l’homme le plus laid de la terre : adulé pour la
beauté de ses discours, et pleuré dans sa mort. Et qui sera réhabilité par ses
juges et par les écrits de Platon.
J’attends
vos questions, s’il vous plaît.
Durant un
temps qui parut très long, l’auditoire semblait assommé. Nous étions transportés
dans le monde de Socrate. Bien évidemment, chacun se réveilla et les questions
fusèrent.
-Momo, les sophistes, c’est qui ? Tu parles des écrits de Platon, et le nom des
accusateurs,... et le prytanée, c'est quoi ?
-Les sophistes ? Ben, tu regardes
sur Internet, t’en sauras plus. Et Platon n’est pas le seul à avoir écrit sur le
procès de Socrate et sa mort. Mais, c’est le plus crédible bien que ses
dialogues seront exécutés (pardon, le mot est mal venu) plus de trois ans après
la mort de Socrate. Autre chose ?
-Douter
et faire douter. C’était la philosophie de Socrate. On ne peut pas dire qu’il ait réussi à
faire douter ses juges. Il est mort de n’avoir pas, lui-même douté. Pas vrai,
Momo ?
-Tu as
raison, André-Charles mais… il a bien été réhabilité. Et donc, comme dans tout
procès, le doute aura bénéficié à Socrate. Non ?
-Ca lui aura fait une belle jambe, à Monsieur Socrate. Il est
quand même mort empoisonné.
-Merci,
Monsieur Mohammed pour ce cours magistral. Très bien. Je n’ai rien à rajouter
sauf à vous demander à tous de mettre au clair votre retranscription du discours.
Je vous demanderai de travailler seul pour nous permettre de noter les
distorsions dans la perception de la parole. Vous noterez aussi, si vous le
pouviez, la façon de parler, le débit, la puissance… enfin le phrasé de
Mohammed. Ce serait bien. Merci. Le cours est terminé. Vous pouvez applaudir
votre orateur.
(1)-Sources de Momo : « PLATON
Apologie de Socrate, Criton-Phédon » Emile Chambry GF-Flammarion que nous
remercions.
PS: lorsque vous viendrez dans mon café "des Cévennes" au Vigan, demandez Anthony, mon serveur préféré et saluez-le de ma part. Gilles, ce Lundi 13 mai de l'An de Grâce 2013.
Et, si vous êtes une belle brune, embrassez-le de ma part. Mais, si vous êtes une blond-vénitien, embrassez Gilou.
À la Saint Rolande, seuls ce qui ne travaillent pas glandent ! (René dixit).
Tableau : la mort de Socrate (1650-extrait) par Charles Alphonse DUFRESNOY.
PS: lorsque vous viendrez dans mon café "des Cévennes" au Vigan, demandez Anthony, mon serveur préféré et saluez-le de ma part. Gilles, ce Lundi 13 mai de l'An de Grâce 2013.
Et, si vous êtes une belle brune, embrassez-le de ma part. Mais, si vous êtes une blond-vénitien, embrassez Gilou.
À la Saint Rolande, seuls ce qui ne travaillent pas glandent ! (René dixit).
Tableau : la mort de Socrate (1650-extrait) par Charles Alphonse DUFRESNOY.
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