Où sont nos crèches des temps heureux, avec le petit Jésus sur la paille fraiche ! |
Le village avait perdu le goût du bon vivre depuis que la
plupart des jeunes hommes étaient prisonniers. Plus rien ne bougeait en cet été froid ou les danses et les flirts des samedis soir n’étaient plus de mise. Tout se colorait en gris-tristesse car la
dépression semblait faire souche sur ce petit vignoble de France.
Ici, tout se desséchait. Pourtant, dans cette désespérance, la vie jaillissait encore et encore de l'école en longues cascade de rires cristallins, comme si la guerre n'avait jamais existé.
Dès son arrivée, Bernard alla aux nouvelles des manquants dont son meilleur ami et sa sœur disparus. Il questionna son père :
Ici, tout se desséchait. Pourtant, dans cette désespérance, la vie jaillissait encore et encore de l'école en longues cascade de rires cristallins, comme si la guerre n'avait jamais existé.
Dès son arrivée, Bernard alla aux nouvelles des manquants dont son meilleur ami et sa sœur disparus. Il questionna son père :
-Ton copain et sa sœur ?
Oui, Ils manquent tous deux à l’appel depuis début juin, il me semble.
-Ca, je le sais, papa. Mais, où sont-ils allés ?
-Se cacher, mon
fils. Se cacher !
-Ils se
cachaient déjà des fascistes italiens, chez nous. Ils ne peuvent pas, en plus se cacher
maintenant des français qui les ont toujours protégés.
-Tu as sans doute
raison… je n’y avais pas pensé. Tu devrais aller rendre une petite visite au
curé.
Bernard rencontra le curé qui, comme tout bon curé avait l’art consommé de ne jamais mentir, ou presque, ou si peu, mais seulement lorsqu'il ne pouvait faire autrement que c'en était touchant de voir cet homme si bon rougir :
Bernard rencontra le curé qui, comme tout bon curé avait l’art consommé de ne jamais mentir, ou presque, ou si peu, mais seulement lorsqu'il ne pouvait faire autrement que c'en était touchant de voir cet homme si bon rougir :
-Tu penses qu’ils se sont cachés pour se protéger ?
-Non, je pense qu’on les a cachés pour les sauver !
-Effectivement, vu
ainsi. Et tu viens me voir croyant débusquer le responsable de leur fuite. Quelle misère, mon ami !
-Faudra me la copier, Monsieur le curé, vous au courant
de tout ce qui se fait au village, parler de fuite… Elle est bien bonne,
celle-là.
-Tu penses que je ne te dirai rien à cause du secret de la confession ? Me croirais-tu responsable, Bernard ?
-Admettons. Et
si j’allais voir le secrétaire de Mairie, le Maire…
-… et pourquoi pas
les gendarmes, tant que tu y es !
Aussitôt dit, aussitôt fait, Bernard se rendit à la Gendarmerie,
dans le village voisin et demanda à rencontrer le gendarme-entraîneur de
l’équipe intercommunale de foot.
-Salut Bernard.
Content que tu nous sois revenu sur tes deux jambes.
-Bof ! Je
n’ai tiré aucun boche. Mais ce n’est pas de ça qu’il s’agit. Auriez-vous arrêté
Gianni et sa sœur, par hasard ?
-Si on l’avait
fait, je ne pourrais rien t’en dire. Mais non. Ils ont disparu du paysage. Le Duce les fait rechercher ? Mais, on se contrefout des exigences du bonhomme, voilà toute la consigne que nous nous
sommes donnée.
-Mais enfin, on ne peut pas disparaître ainsi quand on
est déjà fugitif. Il faut des protections, de l’argent, que sais-je ?
-Tu as raison.
Quelqu’un les cache. Et tu devrais suivre mon regard lorsqu’il se dirige vers le Ciel. Nous dirons que je ne t’ai rien dit.
D’accord ? Je peux comprendre les villageois de chez-toi. Rappelle-leur qu’on est mieux caché dans la foule qu’au désert parce que, si un
individu peut trahir, tout un village ne le peut pas*, et ça ne s’est jamais vu
de mémoire de gendarme. Mais, je ne t’ai rien dit !
*Leslie MABERT expliquait ainsi le sauvetage des juifs au Chambon/Lignon dans les années 40.
-Oui, mais Gianni, avec son accent italien…
*Leslie MABERT expliquait ainsi le sauvetage des juifs au Chambon/Lignon dans les années 40.
-Oui, mais Gianni, avec son accent italien…
-Oh, un italien
avec des papiers corses ! Et, pour nous, les corses sont des français comme les
autres ! Mais, va voir ton curé !
Bernard fit confiance à la providence et à son entraîneur, qui ne lui avait rien dit bien évidemment, et n'alla donc pas revoir le curé. Quelques jours avant la Noël 40 arriva de Corse une bonne nouvelle qui fut le sujet d'une grande joie pour notre curé, nouvelle dont il ne souffla mot pour arranger l’affaire à sa façon.
Le 24 au soir, Bernard et sa famille, après le souper maigre entamèrent les 13 desserts disposés sur les trois napperons blancs puis, ensemble et avec d’autre villageois de rencontre, se dirigèrent vers l’église dans laquelle les femmes et les filles étaient les plus nombreuses pour la traditionnelle messe de minuit. Le village emplissait l’église, personne n'aurait osé manquer.
Cette veille de Noël, il fit un froid glacial et tous eurent une pensée émue pour l'enfant de la crèche.
Bernard fit confiance à la providence et à son entraîneur, qui ne lui avait rien dit bien évidemment, et n'alla donc pas revoir le curé. Quelques jours avant la Noël 40 arriva de Corse une bonne nouvelle qui fut le sujet d'une grande joie pour notre curé, nouvelle dont il ne souffla mot pour arranger l’affaire à sa façon.
Le 24 au soir, Bernard et sa famille, après le souper maigre entamèrent les 13 desserts disposés sur les trois napperons blancs puis, ensemble et avec d’autre villageois de rencontre, se dirigèrent vers l’église dans laquelle les femmes et les filles étaient les plus nombreuses pour la traditionnelle messe de minuit. Le village emplissait l’église, personne n'aurait osé manquer.
Cette veille de Noël, il fit un froid glacial et tous eurent une pensée émue pour l'enfant de la crèche.
Monsieur le curé monta en chaire pour la lecture du récit de la Nativité (Matthieu, chapitre 2). Après un bref sermon, il
finit ainsi :
-Comme les mages,
j’eus un songe qui me disait de ne pas retourner voir Hérode.
Puis, il entonna Peuple fidèle :
Adeste fideles
Laeti triumphantes
Venite, venite in Bethlehem.
Natum videte
Regem angelorum :
Venite adoremus (ter)
Dominum.
Encore en chaire lorsque les derniers accents de
la louange cessèrent, le curé rompit le silence pour les annonces :
-Frères et sœurs, notre
paroisse est heureuse d’accueillir deux nouveaux membres qui nous viennent de
Corse. Je vous prierai de recevoir comme il se doit Emile et Aliénor Barrière-Ponzetti.
Lorsqu’Emile et Aliénor pénétrèrent dans la nef, la liesse éclata en applaudissements lorsque tous reconnurent Gianni et Francesca.
En cette froidure de la nuit du 24 décembre 1940, l’étoile de Noël illumina nos villageois et tous surent qu’ils vivaient, en cet instant, un véritable conte de Noël.
Depuis ce beau jour de Noël, la joie revint visiter nôtre petit village, tout là-bas, entre Languedoc et Provence.
PS : On apprit à la libération que Gianni et Francesca n’étaient pas les vrais prénoms de nos amis réfugiés. Emile, pour taquiner sa sœur l’appelait parfois Marguerite ou Bianca. Ce à quoi Aliénor lui répondait :
En cette froidure de la nuit du 24 décembre 1940, l’étoile de Noël illumina nos villageois et tous surent qu’ils vivaient, en cet instant, un véritable conte de Noël.
Depuis ce beau jour de Noël, la joie revint visiter nôtre petit village, tout là-bas, entre Languedoc et Provence.
PS : On apprit à la libération que Gianni et Francesca n’étaient pas les vrais prénoms de nos amis réfugiés. Emile, pour taquiner sa sœur l’appelait parfois Marguerite ou Bianca. Ce à quoi Aliénor lui répondait :
« Mon frère, vous n’êtes qu’un imbécile et vous nous ferez
attraper, à jouer à ce petit jeu-là ! »
__________
Fin de ce conte de Noël !
______________
Puisse cette histoire merveilleuse accompagner tous les débonnaires de la terre en ces fêtes de la Nativité, ainsi que tous ceux qui ont gardé leur âme d'enfant !
Pour les autres, mon Dieu, nous dirons que c'est grand dommage !
Signé ce 24 décembre de l'an de Grâce 2014 :
R*B et G.P-K.
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