Ou les vendanges en ces années 70… Ou encore, Monsieur mon beau père. J’ai hésité. Qui était le héros de cette historiette ? Ou encore… Yaya !
Moktar, donc sera le héros de cette histoire avec Jean, le viticulteur, et Yaya et toute la colle, et même le tracteur. Un Ford 3000 (pub gratuite… la vérité nous oblige à cela).
Mon
beau-père aimait Chirac. Le seul ministre de l’agriculture valable à ses yeux.
Bonnet ? Il avait dit que les viticulteurs du midi ne produisaient que de la
bibine. Effectivement, on récoltait par tous temps, qu’il pleuve ou non. La vendange n’était pas assez mûre avec trop de cépages gros producteurs de
raisin et d’hybrides.
Mais, Bonnet
avait raison et permis les progrès actuels de la viticulture.
Jean Louvel,
viticulteur de Côtes du Rhône avait des conceptions bien particulières :
-Beau-père,
annoncez le tonnage récolté matin et après midi !
-Mais, cela ne regarde que moi. Pas même la
famille. Ni vous !
Effectivement,
pour Jean, le viticulteur, il y avait :
-Moi d’abord, ensuite ma famille, puis vous, mon gendre, et après, tous les autres, les
étrangers.
-Beau-père,
annoncez les chiffres ! La colle les dépassera tous les jours. C’est bon pour
vous.
-Si vous croyez !
Effectivement,
cela marchait comme je l’avais prédit. On battait des records de production.
Le beau père avait de drôles d'idées pour faire
marcher sa colle : les arabes, à droite du chemin du tracteur, les espagnols
et les étudiants de l’autre. Tiens, vous aussi remarquez l'étrangeté de cette distribution malheureuse selon
les continents ? Pourquoi les
européens à gauche des africains ? C’est une position aberrante. En contradiction avec… Mais, à quoi ?
Et donc, dès le premier quart d’heure, on voyait bien toute la colle
déséquilibrée : tu aurais dit un funambule, prêt à tomber de son fil, corps
tordu, ou un oiseau blessé à l’aile.
La
gauche avait pris un retard impressionnant, comme d’habitude en France.
Mais, mon ami Yaya, le porteur droitier aurait dû s’inquiéter de l’avance droitière qui pouvait aussi être cause du retard de la gauche… Comprenez-vous ?
Dans la vie, on s'inquiète trop souvent des retards. Pas assez des avances ! Quoiqu'il en soit, il faut dire que je n’ai jamais vu un vendangeur travailler aussi vite que Yaya, porteur-coupeur.
Mais, mon ami Yaya, le porteur droitier aurait dû s’inquiéter de l’avance droitière qui pouvait aussi être cause du retard de la gauche… Comprenez-vous ?
Dans la vie, on s'inquiète trop souvent des retards. Pas assez des avances ! Quoiqu'il en soit, il faut dire que je n’ai jamais vu un vendangeur travailler aussi vite que Yaya, porteur-coupeur.
Et donc,
Yaya commençait à se plaindre : trop d’avance nuisait à l'équilibre de son monde. Il avait beau donner un coup de main à l'aile gauche, rien n'y faisait. Et puis, les gentils étudiants faisaient du gringue aux belles et jeunes étudiantes et ceci expliquait aussi celà !
C’était le
Tourmalet : Yaya, malheureux meneur de la colle, largement en tête, suivi des algériens, à droite, avec leurs 50 mètres d’avance sur les espagnols, à leur
gauche. Quant aux français, en queue de peloton, complètement largués, dépassés.
Et les écarts se creusaient trop rapidement au fil du temps.
La colle devenait ingérable, les déplacements du tracteur ne pouvaient compenser le merdier.
La colle devenait ingérable, les déplacements du tracteur ne pouvaient compenser le merdier.
-Beau-père, j’organise la colle ! Yaya, déplaceras
le tracteur. Bien. Tu prends la raie près du tracteur, à gauche. Porteur-coupeur.
Tu contrôles, tu aides partout.
De droite à gauche : Espagne-France-Algérie et on recommence. Obligation d’assistance. La colle avance d’un même pas. Patron de la colle, Yaya… Tu surveilles : pas de drague ! Pas pendant la récolte. Au repos, d’accord. Merci !
-Beau père… C’est bon ?
De droite à gauche : Espagne-France-Algérie et on recommence. Obligation d’assistance. La colle avance d’un même pas. Patron de la colle, Yaya… Tu surveilles : pas de drague ! Pas pendant la récolte. Au repos, d’accord. Merci !
-Beau père… C’est bon ?
-Pas d’accord !
-Qu’est-ce que tu dis, Moktar ?
-C’est pas
de jeu. Même en Algérie, un arabe n’obéit pas à un autre arabe. C’est pas bon !
Mon
beau-père était estomaqué.
-Yaya est
gentil mais, moi vivant je n’obéirai pas à un arabe. A toi, Jean et à Gilles, oui. Vous êtes
français !
-Tu as fini de nous em…der ? Tu n’as rien à
dire. C’est moi qui commande ici. Tu fais ce qu’on te dit.
-Non,
Jeannot !
-Et puis, tu me tutoies maintenant? Je m’appelle
Monsieur Louvel, pour toi. Compris?
-Ben oui, compris. Je dis vous à Monsieur Yaya. Monsieur Yaya !
Toi, Jean, je t’aime bien mais tu n’es plus rien ! C’est Yaya qui commande. C'est le Patron. Pas
toi, Jeannot.
Et pendant cet échange surréaliste, la colle était à l’arrêt, seuls les espagnols en retard linguistique sur les algériens (ça arrive, effectivement, pas souvent mais c’est ainsi), donc les espagnols qui ne comprenaient pas le français faisaient semblant de travailler.
Et pendant cet échange surréaliste, la colle était à l’arrêt, seuls les espagnols en retard linguistique sur les algériens (ça arrive, effectivement, pas souvent mais c’est ainsi), donc les espagnols qui ne comprenaient pas le français faisaient semblant de travailler.
-Moktar, tu fais ce qu’on te dit, tu ne m’appelles
pas Jean… ou tu fous le camp.
Moktar se
précipitait vers le patron, se jetait à ses pieds et disait, geignant :
-S’il ti
pli, misié Jean. Ti mi renvoié pas moi l’Algérie…
-Tu as fini de faire l’imbécile. Allez, on
reprend le boulot. Remplissez les comportes et les seaux. Allez, fissa-fissa !
Et
beau-papa commençait à prendre des expressions de là-bas !
Et toute la colle rigolait. Et, tandis que Jean, s’installant sur le tracteur pour le conduire à la cave coopérative donnait ses ordres, on entendait hurler à la cantonade :
Et toute la colle rigolait. Et, tandis que Jean, s’installant sur le tracteur pour le conduire à la cave coopérative donnait ses ordres, on entendait hurler à la cantonade :
-Un quart d’heure
de repos. Le patron est parti. Vous pouvez fumer.
Et toute le
colle se tournait vers le tracteur pour voir l’effet produit, et Jean gueulait :
-C’est quoi cette m…de ! Non mais ! Tu vas
nous em…der longtemps, Moktar !
-D’accord,
patron. Juste tu tournes le dos…
Et à la
colle, hurlant, les mains en porte-voix :
-Dès que
Jeannot et son tracteur auront disparu, quart d’heure syndical ! D’accord, Yaya ?
Moktar était
étudiant psychologue en Algérie et aimait venir faire les vendanges chez Jean. Un fameux boute-en-train.
Il faut dire que Jean, le viticulteur, était inquiet tout le mois d’Août de savoir si son Moktar viendrait, Moktar, le seul à tutoyer et faire rire Jean, à plaisanter, à le chiner. Parfois, tu le voyais devant le tracteur quand Jean revenait à vide de la coopérative.
Il faut dire que Jean, le viticulteur, était inquiet tout le mois d’Août de savoir si son Moktar viendrait, Moktar, le seul à tutoyer et faire rire Jean, à plaisanter, à le chiner. Parfois, tu le voyais devant le tracteur quand Jean revenait à vide de la coopérative.
Tu l'aurais
dit roi David dansant au retour de l’Arche d'Alliance à Jérusalem.
-Mais, t’as pas fini de faire le c.n. C'est pas possible ! Au travail !
-Dis, Jeannot, tu le manges le cochon, toi ?
-Dis, Jeannot, tu le manges le cochon, toi ?
-Et toi, le h’alouf… tu manges ?
-Comme dit l’adage
algérien, Jean: « Tu veux manger cochon ? Obligé tu rester au gourbi ».
-Et ça veut dire quoi ?
-Jeannot, tu
es intelligent. Parce que français. Si tu ne comprends pas, tu es arabe.
-Imbécile, va !
-Tu vois, tu
commences à parler arabe. Imbécile est devenu arabe. Le mot le plus utilisé
dans le langage courant en Algérie.
Et, à la cantonade :
-Li-li-li ! Mon Jeannot, tu deviens arabe, tu es mon frère !
-Non, mais, tu es impossible, Mocktar.
Travaille. Je te paie pour ça. Pas pour faire le pitre.
Et parfois, de très loin, on entendait Mocktar hurler des :
Et parfois, de très loin, on entendait Mocktar hurler des :
-Jeannot
Louvel, je t’aime…. J’ t’aime Jean ! Li-li-li-li !
Ou bien il
chantait les louanges de Jean le gentil patron qu’il aimait de tout son cœur,
qui lui donnerait beaucoup d'argent. Pour s'acheter une jolie femme dans le bled… Un hymne de louanges pour son Jeannot !
Et le
beau-père disait :
-Je crois que Mocktar est fou !
Mais je
sais que Jean et Moktar avaient grande joie à se rencontrer tous les ans
et que les vendanges moktariennes étaient les seules vacances que Jean pouvait
s’octroyer. Et les duettistes prenaient un tel plaisir que ce bonheur-là
ravissait toute la colle.
De mon café des Cévennes au Vigan ce
dimanche 24 mars, an de grâce 2013. Mais, qui a bien pu me raconter cette histoire ? L'ai-je vécue ? Moktar... on aimerait grandement te revoir !
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