Le fatigué. Ou l’indéfroissable.
Dans nos belles Cévennes, comme le dit si bien Michel, le maçon-linguiste de la vallée de Valleraugue (petite localité pleine de charme au pied du Mont Aigoual, région la plus arrosée de France), nous avons des mots savoureux bien particuliers comme par exemple…
Dans nos belles Cévennes, comme le dit si bien Michel, le maçon-linguiste de la vallée de Valleraugue (petite localité pleine de charme au pied du Mont Aigoual, région la plus arrosée de France), nous avons des mots savoureux bien particuliers comme par exemple…
-Le réboussier ? J’en ai déjà parlé. Tu dis blanc, il
te répond noir.
-Oui, l'empêcheur de
virer en rond qui te fait tourner en bourrique. Ici, on dit vire que tu vires.
-Il a son
utilité pour te faire réfléchir et aller plus loin.
-Et le voisin qui fait la gueule sans que tu n’aies rien fait pour le mériter, on le nomme
comment ?
-Celui qui te regarde comme une crotte de chien ? Comme un
ci-devant noble toisait ses métayers ?
-Le type qui au regard d’allumé complètement éteint quand bien même il te voit comme si tu
n’existais pas.
-Comment on
l’appelle ? Comment t’appelles-tu déjà...
-Michel. Toi, c’est
bien Gilles, hein ?
Michel est ce gentil voiturier qui a eu la gentillesse, que dis-je la délicatesse, disons-même l’amabilité de ne pas
me laisser en rade à Pont d’Hérault pour aller au marché du Vigan ce samedi 10
août. L’intelligence, oui. Et qui a permis cette réflexion profonde à deux
inconnus qui se sont rencontrés par l’effet du hasard et du stop qui fait bien
les choses. Oui. Le stop.
Et, louons encore la générosité insigne qu’il a eu de
vouloir m’offrir un café aux « Cévennes » avant que d'aller faire son loto…
-Mais, si. Mais,
si. J’y tiens, ce café qui ne pouvait se refuser. Ne fâchons personne, Michel
encore moins.
Je dois signaler que je soupçonne cet individu d’être
méfiant pour n’avoir pas voulu me révéler ses numéros fétiches. Pourtant, je
lui avais proposé de composer sa grille de Loto avant le café, et peut-être même ne
voulait-il pas que je connaisse la somme qu’il comptait parier ?
Ce type doit être accro aux jeux d’argent. Ah ! Vous remarquez comme je suis perspicace ? Cela embellit ma vie, et celle des autres, cette connaissance fine des hommes et de leurs petits travers.
Ce type doit être accro aux jeux d’argent. Ah ! Vous remarquez comme je suis perspicace ? Cela embellit ma vie, et celle des autres, cette connaissance fine des hommes et de leurs petits travers.
-Je ferai mon Loto après, me dit-il.
Revenons, si vous le voulez bien à ces allumés-éteints qui
fatiguent.
-On dit de ces
personnes froissées qui font la gueule en permanence,
qu’elles sont fatiguées.
-Au Vigan, ont dit pareil. Il y a longtemps que je n’avais
pas entendu ce terme.
-Tu remarqueras que
l’adverbe devant, importe aussi. Très fatigué n’est pas un peu. Fatigué, on
l’est tous mais, bien fatigué a une connotation touchant à l’impossibilité
à communiquer, à la bêtise, l’imbécilité, la connerie et parfois la folie
légère pénible, pour le voisinage.
-D’accord, mais la fatigue et l’alcool vont de pair aussi, non ?
-Tout à fait. Si je
dis que je suis fatigué, le sens normal s’impose. Mais, si je rajoute que j’ai
fait la noce et j’ai été bien fatigué, cela signifie que je me suis bien
alcoolisé.
-C’est vrai. Par exemple, on ne dira pas de François
Hollande qu’il est fatigué, même s'il n'est pas tenu de trop se fouler et, parce qu’il semble être tempérant n’a pas une tête de boute-en-train
à s’encanailler et se pochtronner.
-Il peut même m’éviter à la garden-party du 14 juillet. Pour la Légion d’Honneur, comme il ne me connait pas, il peut même m'éviter. Rien que de très normal, et on s'en fout. Le Président de la République a bien le droit de faire semblant d’être très fatigué, quand même, non ?
-Il peut même m’éviter à la garden-party du 14 juillet. Pour la Légion d’Honneur, comme il ne me connait pas, il peut même m'éviter. Rien que de très normal, et on s'en fout. Le Président de la République a bien le droit de faire semblant d’être très fatigué, quand même, non ?
-Oui, mais non. Pas
tout à fait car, si tu étais Jean-Marc Ayrault ou Madame Royal… pardon ? mais je
sais que tu n’es pas Ségolène, ce n'est que pour l’exemple et donc, s’il te faisait la
gueule sans raison, comme à Manuel Vals qui commence sérieusement à
le gonfler, on pourrait dire qu’il est un peu fatigué. Mais, il y a un mais !
-Oui. La chose serait ici d’importance. Et la France ne
supporterait pas cet état de fatigue réelle.
-Oui mais, si Hollande
faisait la gueule à Manuel Vals, son ministre de l’Intérieur sarkozyste qui
commence sérieusement à le gonfler, on pourrait dire que Manuel fatigue la
Présidence de la République en général, le Parti Socialiste dans sa large
majorité et François Hollande en particulier. Tu saisis la différence entre
fatigue et fatigue, non ? Il ne s'agit pas ici de faire la gueule gracieusement.
-Il est vrai que la fatigue se sent et qu’elle est
difficile à endurer. Parce que les relations du voisinage ou familiales deviennent tant délicates qu’elles pourrissent la vie de tous.
-Tu penses Michel que le fatigué est un agressif
ingérable ?
-Pas du tout. Il ne
fait que t’éviter et tu en fais de même. Ainsi, point de rencontres à
frictions.
-Existe-t-il un
remède à la fatigue ?
-Ben, non parce
qu’elle n’est jamais aigüe mais dure, dure, parfois toute une vie. Les raisons se
perdent dans le temps. Le fatigué n’a plus souvenance du pourquoi de sa gueule.
Mais, il sait qu’il en a de réelles et sérieuses parce que s’il n’en avait, il
se saurait fou. Et, comme il ne l’est pas…. enfin, on l’espère. Et puis, la
fatigue peut se transmettre par héritage à ses enfants qui continueront la
gueule.
-Chez-moi, on dit aussi faire la bèbe. Je ne sais pas
comment ça s’écrit.
-Et comment est perçu le fatigué par l’entourage ?
-On constate, on
hausse les épaules, on n’en parle plus et on en fait cas comme d’une merde de
chien à éviter. A ne surtout pas inviter sachant qu’il ne répondra même pas à
ta gentillesse. Et plus tu le rencontres et plus il t’évite, et plus il a la
haine de toi.
-Il est vrai aussi que l’entourage peut l’avoir fatigué,
non ?
-Oui. Dans ce cas,
on ne sait que faire, sauf à attendre que cela passe et que le fatigué ne se
défroisse de lui-même. Mais le cas est rare, désespérant car le fatigué
n’attend pas d’excuse de qui que ce soit. Et ne justifie jamais sa fatigue.
-Et moi, tu me trouves fatigué ?
-Non. Pourquoi ? Pour
être fatigué, il faut se connaître puis se méconnaître. Le
pire des fatigué est celui qui ne t’a jamais connu et sa
fatigue peut être engendrée par le racisme, la jalousie, la peur ou par des
racontars, des on-dit, la rumeur publique, l’invérifiable.
-Donc, un fatigué c’est celui qui se fait sourd-muet et
aveugle.
-Bien évidemment
puisqu’il t’évite, ne répond pas à ton salut, te regarde sans te voir. Pire, il ne dit même pas du mal de toi.
Par contre, tu peux crever la gueule ouverte, et là, sur le chemin, il t’évite pour ne pas se salir les souliers, et tu n’existes pas pour lui.
Par contre, tu peux crever la gueule ouverte, et là, sur le chemin, il t’évite pour ne pas se salir les souliers, et tu n’existes pas pour lui.
-Tu crois que le fatigué irait jusque-là ? Et qu’il est
fier de sa connerie ?
-Non. Il irait plus
loin s’il n’avait pas peur des retombées mais, sais-tu qu'elle est la seule chose qu’il
ferait pour te
dire combien il aime que tu sois son égal humain, son frère ? C’est la tête, la
gueule, son savoir-faire, son seul art de vivre ! Faire la gueule, et de s'y complaire, comme dans sa bauge.
Mais le plus incompréhensible
est lorsque tu n’y es pour rien dans la fâcherie du bien fatigué.
-C’est vrai que certains se froissent sans
raison, pour ne pas dévoiler leur insignifiance.
-Eh, bien, dis donc Michel, des fatigués, j’en croise à
la pelle chez-nous, en Cévennes. Des boit sans soif, des qui travaillent du
chapeau, des bêtes comme leurs pieds, ou à manger du foin. Nonobstant tous
jaloux, peureux, raciste, imbécile, qui t’évitent sans raison.
-Oui. La fatigue
vient vite à qui la mérite.
-Faudrait appeler tous ces types "les obligés de la bêtise
humaine" qui tend vers l’infinie petitesse. Des types qui s’efforcent à ne pas te
regarder pour éviter la rencontre, t’empêcher de les saluer bien civilement
comme il se doit, en fermant toutes portes à la communication. La gueule… faut
voir !
-Voir la tête qu'ils se font ? Mais,
oui, bien obligés de faire la gueule. S’ils te souriaient, ils s’embelliraient
pour permettre la rencontre. Parce que la rencontre est toujours un beau moment
de deux belles personnes. Mais, faire cette gueule froissée de fatigué si
caractéristique sied à leur animalité, crois-moi !
-Je connais même
deux types au Vigan qui, depuis 1956, font tout pour éviter de me saluer et répondre à mon salut. Imagine l’intelligence et les stratagèmes qu’ils déploient
pour ne pas croiser mon chemin et mon regard. Quelle énergie utilisée pour
faire la gueule. 56 ans de connerie, faut être d’une constance. Tiens, Michel : voilà le mot qui me manquait, la constance.
-Saluons la constance de ces froissés indéfroissables. La
connerie pérennisée, ouais, Michel.
-Je parie qu’ils
t’ont fatigué, non ?
-Non. Mais, si
tu voyais leur groin d’animal. Pas envie de les embrasser avec la gueule qu’ils
font. Beurk ! Surtout les filles fatiguées.
-Il y en aurait de par
chez-toi ?
-Devine, mon
pote. Devine.
De mon café des Cévennes ce mardi 20 août,
an de Grâce 2013. Et soyez prudents sur la route. Gardons nos distances, s’il
vous plaît (1)… nous vivrons plus longtemps et moins agressifs.
(1) sur la route, s’entend. Et ne nous faisons pas la gueule non plus. Personne ne le mérite.
(1) sur la route, s’entend. Et ne nous faisons pas la gueule non plus. Personne ne le mérite.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire