mardi 13 août 2013

Le procès de Socrate*. - 5


70 ans passés et 3 enfants, dont deux en bas âge. Ses leçons au peuple athénien et sa façon d’interpeller ses concitoyens riches et les puissants lui ont créé des inimitiés sévères, quand bien même ces leçons étaient gratuites.

L’accusation devant ses 500 (ou 501) juges, sera portée par Mélètos (un rimailleur) avec, pour témoins à charge, Anytos un riche tailleur, stratège, politique et Lycon, orateur : Socrate, ne reconnaissant pas les dieux de l’Etat, en introduirait de nouveaux et corromprait, ainsi, la jeunesse.

Le système de justice athénien obligeait Socrate à proposer une peine en cas de condamnation. Pour l'accusation, c’est la mort. Les juges ne pouvaient choisir que l’une des deux peines en cas de condamnation, sans pouvoir en proposer aucune. Mais Socrate ne demandera, en fin de comptes, qu'une légère peine d'argent.
  
Hermogène s’étonnait que son ami ne pensât pas à sa défense :
-Ne te semble-t-il pas, répondit-il, que je m’en suis occupé toute ma vie ?
-Et comment ?
-En vivant sans commettre aucune injustice.
Socrate ne voulait pas exciter la piété de la Justice en arguant de son grand-âge, ni de ses enfants... Hermogène lui faisait savoir que bien des innocents avaient déjà été condamnés et qu’il devait préparer sérieusement sa défense. Il répond que son signe divin l'en avait détourné. 
( Apologie de Socrate, par Xénophon, 3 et 4). 

Socrate se défendit lui-même dans un discours qu’il n’écrivit pas, avec pour seul système de ne dire que la vérité mais commis l’erreur d’axer trop longuement son propos sur des accusations fumeuses, étrangères au procès et trop anciennes et sur le fait qu’il ne craignait pas la mort.
Non, dit-il : il ne cherche pas à percer le secret de la nature, ni à enseigner de mauvaises actions à faire par ses élèves Et, oui : il ne fait pas payer ses leçons à la manière des sophistes. A preuve ? Il est pauvre.

Il a été déclaré le plus sage des hommes par l’oracle de Delphes. Par modestie (ou fausse modestie), il aura voulu s’en assurer en interrogeant les plus sages, artisans, poètes et hommes d’Etat. Par sa recherche, il leur a démontré que, se croyant sages, ils ne l’étaient pas et que sa supériorité sur eux était qu’il savait n’être pas plus sage qu’eux.
-Ce sont ces enquêtes, athéniens qui ont soulevé contre moi tant de haine… 
(Apologie de Socrate, par Platon IX. (trad., notices et notes par Emile CHAMBRY, GF Flammarion). 

Ses élèves, les jeunes gens qui suivaient ses entretiens ont fait de même avec d’autres, se moquant de leurs interlocuteurs et voilà pourquoi on reproche à un certain Socrate, un scélérat, de corrompre la jeunesse, et tous ces gens violents et nombreux, blessés dans leur amour propre, remplissent encore aujourd’hui les oreilles des juges contre moi, dit-il. 

-Maintenant, c’est à Mélètos, cet honnête homme si dévoué à la cité, à ce qu’il m’assure, et à mes récents accusateurs que je vais essayer de répondre (XI). Socrate questionne Mélètos :
-Tu sais quel est l’homme qui rend les jeunes gens meilleurs puisque tu t’attaches à les rendre aussi vertueux que possible. Tu as découvert l’homme qui les corrompt et c’est pourquoi tu me traduis en justice. Qui les rend meilleurs ?
-Les lois répond Mélètos.
-Ce n’est pas cela que je te demande (XII).
-Ce sont les hommes que tu as devant-toi, Socrate, les juges. 

Socrate demande à Mélètos si ce sont les juges qui rendent les jeunes gens meilleurs. Le sont-ils tous ? Aucun ne les rend-il pas meilleurs ? Donc tous, à part moi les rendent meilleurs, beaux et bons et je suis le seul qui les corromps ? Les autres les bonifient ?… Etrange.
Socrate fait un parallèle avec les chevaux et leurs dresseurs. Ils y a peu de bons dresseurs, plus de mauvais, comme pour les éducateurs de la jeunesse. Socrate accuse Mélètos :
-Tu ne t’es jamais soucié des choses pour lesquelles tu me poursuis.
Et même, dit Socrate, si je corrompais quelqu’un, ce ne serait pas volontairement. Alors, on pourrait m’admonester, me faire des remontrances. Mais pas me châtier.

La deuxième accusation touche aux faux dieux. Si le soleil est une pierre et la lune une terre, cette théorie est d’Anaxagore. Ses livres peuvent s’acheter et donc tous ses élèves peuvent en connaître l’origine. Et Socrate ne peut pas se ridiculiser en donnant cette théorie comme sienne.  Mélètos a proposé une énigme au tribunal :
-Socrate est coupable de ne pas croire qu’il y a des dieux, mais de croire qu’il y en a. C’est tout bonnement une plaisanterie. En effet, Socrate croit aux démons, les fils des dieux. Et, dit-il :
-Y a-t-il quelqu’un qui croie qu’il y a des choses démoniaques et qui ne croie pas aux démons ? 

La défense de Socrate est valable, pourtant il sera condamné. A-t-il peur de la mort ?
-Mais quelqu’un me dira peut-être :
-Alors, tu n’as pas honte, Socrate, d’avoir embrassé un genre de vie d’où tu risques aujourd’hui de mourir ?… Voici, en effet, Athéniens, la vraie règle de conduite : tout homme qui a choisi un poste parce qu’il le jugeait le plus honorable… doit, selon moi, y rester, quel que soit le danger, et ne considérer ni la mort ni aucun péril, mais avant tout l’honneur.
Et, Socrate ne peut déserter le poste où il s’est imaginé et persuadé que le dieu l’appelait de vivre en philosophant. 

De la mort. Est-elle le plus grand des biens ou le plus grand des maux pour l’homme ? Socrate affirme différer de la plupart des hommes, et s’il osait se dire plus sage qu’un autre en quelque chose, c’est en ceci que, ne sachant pas suffisamment ce qui se passe dans l’Hadès, il ne pense pas non plus le savoir…
-Je crains donc les maux que je connais pour tels ; mais les choses dont je ne sais si elles ne sont pas des biens, jamais je ne les craindrai ni ne les fuirai. 

-Mais  si vous, juges, deviez m’acquitter mais, à une condition c’est que je ne passerai plus mon temps à examiner ainsi les gens et à philosopher ; et si l’on me prenait à le faire, je mourrais… je vous dirais, que je préfère obéir au dieu qu’à vous. A vous qui amassez des biens, recherchez la réputation et les honneurs, je dirai de vous soucier plus de la raison, de la vérité et de votre âme qu’il faudrait perfectionner sans cesse. 

-Soyez persuadés que, si vous me faites mourir, sans égard à l’homme que je prétends être, ce n’est pas à moi que vous ferez le plus grand mal, c’est à vous-même.
Socrate rappelle, ensuite, qu’il a été sénateur et qu’il s’est opposé pour la justice, au péril de sa vie, à la condamnation des généraux qui n'avaient pu, suite  à la tempête, recueillir le corps des soldats et marins ayant péri en mer. Il dit avoir mis la justice au dessus de tout durant toute sa vie et ne s’être jamais enrichi.
-… je m’en remets à vous et au dieu de décider ce qui doit être le mieux et pour vous et pour moi. 

Premier arrêt de condamnation. A mort !
Question… pourquoi Socrate fut-il condamné ? Nous le verrons dans l’épisode qui suivra, sans nul doute, si dieu...
-Ô, Dieu ! Prête-moi vie, je te prie. Au moins, pour nos internautes !
 


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