Mers les bains 1900 - Aquarelle d'Annie Desfrennes |
Ici, point de port mais galets en grève, falaises et une petite ville à qui les anglais, à la fin de la Grande Guerre (WW1) ont offert un char d’assaut !
Un peu plus bas sur la côte, le 19 août 1942, les anglo-canadiens ont essayé un débarquement d’engins chenillés, sur les plages de Puys et de Pourville. Avec le résultat catastrophique que l’on connaît de l’expérience de 1917 de ce char pataud sur les galets.
Mers les bains. Comme
au Tréport, une église pour pécheurs, que dis-je, un bateau qui aurait à
affronter toutes les tempêtes de la Manche, domine à peine la petite ville. Je
n’ai pas eu le temps de la visiter, mais je suis convaincu que les ex-voto
doivent être nombreux pour remercier saints et saintes de miracles ou de leur
aide précieuse en nos vies difficiles, le pécheur normand étant friand de ces
choses de la religion. Une chaire en beau bois sculpté, ne peut que trôner au
milieu de la nef, sur le côté droit. Comme à Eu et au Tréport, les sœurs.
Il faut savoir qu’on ne sait pas toujours nager, en ces
lieux. Parce que l’eau est très froide, et pour ce que cela sert sur un bateau
de pêche et qu'il vaut mieux ne pas tomber à la mer, surtout de nuit.
Entre savoir nager et confier ta vie à un bon bateau, un bon équipage, un
capitaine avec la baraka (on parle aussi arabe depuis la venue des armées de
Charles Quint en ces terres) et pourvu que sainte Rita, patronne des causes
désespérées t’ait à la bonne, c’est mieux, parce qu’alors, tu es paré, fin
prêt.
Près de la falaise, un panneau « Pèche aux moules
interdite sous peine d’amende ». Sur un embarcadère de bois qui ne peut en aucun
cas servir à cet usage, un petit panneau avec un plongeur en rouge barré. Effectivement,
à marée basse, si tu plonges, tu te reçois 9 mètres plus bas. Sur les galets.
Et quand la mer est haute ? Le résultat doit être identique.
Et quand la mer est haute ? Le résultat doit être identique.
La pèche aux moule est interdite à cause des falaises qui
peuvent s’ébouler mais surtout parce que certains détruisent les « champs » de
moules avec des racloirs en fer. La Normandie abrite autant d’imbéciles
qu’ailleurs. Ce qui n’est pas pour nous rassurer sur l’humanité.
Mers les Bains, les galets, les petites cabanes-cabines
pour les baigneurs peintes en blanc, son avenue front de mer bordée de petites
maisons croquignolettes. Toutes les rues y abouchant sont enjolivées de petits immeubles étroits, enchâssés les uns dans
les autres et sertis en rivière de diamants de toutes eaux, avec des colombages
incroyables peints de toutes couleurs.
Ici, tout est identique et tout est différent, avec des
toitures d’ardoise aussi étranges qu’improbables, de la brique, de la pierre, du
bois, du bois en trompe-l’œil…
Et impossible de déterminer la plus belle. Comme pour l’élection de Miss France, en robe du soir pour certaines et en maillot de bain pour d’autres.
Et les plus belles ont des noms tellement communs que c’en est d'une désespérance, comme les plus belles femmes. Louise. J’entrevoyais Barbarella la Haie ou encore Brigitte.
Et impossible de déterminer la plus belle. Comme pour l’élection de Miss France, en robe du soir pour certaines et en maillot de bain pour d’autres.
Et les plus belles ont des noms tellement communs que c’en est d'une désespérance, comme les plus belles femmes. Louise. J’entrevoyais Barbarella la Haie ou encore Brigitte.
Tu dirais qu’un peintre extraordinaire, doublé d’un
architecte génial se soit amusé à tendre une toile immense pour faire un tableau
et illustrer un conte de fées en imaginant
de petits immeubles sur un style
identique dans lequel tout est différent. La toile ainsi réalisée illumine les
ciels souvent gris de cette côte pour irradier, inonder de soleil cette la cité
balnéaire et sa sœur du Tréport.
Tu vois Mers les Bains et ses petits immeubles fardés,
sublimes dans leurs voiles vaporeux ou chatoyants des plus belles femmes du Harem
du Sultan de Bagdad ? C’est le château du Prince Charmant de toutes les petites filles
qui en rêvent encore et toujours, de celui de la Belle au bois dormant. Ces sont
des maisons de poupées, de baigneurs et de poupons-caractères en biscuit de fin
XIXème siècle, des bluettes des années 30, des celluloïds des années 50. Et de
Ken et Barbie...
... des maisons pour ces enfants que nous sommes tous restés,
avec ce plaisir des goûters, des anniversaires et de cette haine des siestes
qui gâchaient nos vacances d’enfants heureux.
Des maisons aux noms de
rêve, qu’il suffit de lire : les Falaises, les Galets, les Epis d’Or,
Entrenous, les Goélands. Marjolaine, la Pervenche, Bironda (a), Madjang (b),
Fantan (c), Kermaria (d), Denise (10), le Poussin, le Tabellion (3), les
Mimosas, les Liserons, la Joconde, Bontemps, les Bengalis (4), Villa Suzanne
(10), Stella, Myosotis, villa Louise (10), Capria, Plaisance, Gracieuse,
Beaurivage, la Frégate, Carmen (la Dame à Pierrot), Mignon (e), Gay Logis, les
Algues. Et puis aussi…
Villa à Louer, la Bresle, Francillon (e), RIP, la Goélette, Mijarka, l’Embardée (5), Fou des mers, Cyrano, Miramar, L’eau vive, Bouton d’Or, Rayon de Soleil, Clair de Lune, le Tourbillon, Santa Maria, Santa Theresa, les Moussaillons, les Papillons, Pomme d’Api, Mes Vacances. Mais encore…
Villa à Louer, la Bresle, Francillon (e), RIP, la Goélette, Mijarka, l’Embardée (5), Fou des mers, Cyrano, Miramar, L’eau vive, Bouton d’Or, Rayon de Soleil, Clair de Lune, le Tourbillon, Santa Maria, Santa Theresa, les Moussaillons, les Papillons, Pomme d’Api, Mes Vacances. Mais encore…
Villa à Vendre, la Normandie, la Cabane, les Charmilles (6).
Mais aussi…Yvonne (7), la Sirène, la Trière (8), Monbijou (9)…
Et ce 28 août, la Journée des Baigneurs, beaucoup de
monde. Nous rencontrons un Monsieur tout de gris vêtu : costume trois-pièces,
chapeau haut de forme assorti, canne à la main que j’entendais cliqueter. Un
mersois heureux que je tiens à saluer encore une fois.
-Mais, c’est une canne-épée, Monsieur. C’est interdit !
-Ca ne l’était pas
à l’époque. Et nous sommes avant 1900.
-Mais, il s’agit d’une journée costumée, Monsieur…
-Quand savez-vous,
Mon cher ?
La Journée des Baigneur existe depuis plus de 140 ans, depuis l’arrivée des parisiens par le train, le Tréport déclaré port de Paris
sur la Manche pendant que Mers les bains devenait le lieu des baignades de la
capitale.
Comme à l’époque, des baigneurs en maillot une pièce en
coton, des femmes en crinoline, de curieuses tentes de plage, une jolie
chanteuse des rues avec son orgue de barbarie portatif qui nous fait chanter,
Christine, Rolando, moi et un autre touriste les chansons anciennes de nos
grands-mères (les grands-pères préférant les chansons de corps de garde et le
bistrot, comme à la Belle Epoque, ceci expliquant cela).
Mais pas beaucoup de baigneurs dans l’eau. Trop froide.
Et toujours le même braillard au micro :
-S’il vous plaît,
laissez passer les baigneurs… répété à l’infini, le tout pour occuper
l’espace sonore car, Mers les Bains est bien française : on y a peur du
vide, comme partout sur le territoire national. Alors on meuble avec du
n’importe quoi par un n’importe qui qui capitalise le micro et vous empêche de
jouir de l’instant présent.
Des Omnibus tirés par 3 chevaux de front transportant des
touristes, pas tous parisiens, de la gare vers le front de mer, avec un système
de grande poche accrochée à leur cul (des chevaux, cela s’entend) et à la carriole qui récupère le crottin (pas
les touristes, comme de bien entendu !), un truc d’époque, ingénieux… Et puis un
groupe de musicien lillois qui nous a donné du jazz Nouvelle-Orléans. De
l’excellente musique.
Et l’autre qui gueule toujours dans son micro :
-S’il vous plaît,
laissez passer les baigneurs…
-Et les
hirondelles, les hirondelles. Et les mouettes ! s’il vous plaît hurle
Rolando.
Ah, oui. J’oubliais le petit défilé de voitures anciennes.
Dommage que j’ai du signaler à beaucoup de conducteurs que leurs pneus étaient
souvent sous-gonflés. Et l’on m’a remercié de mon attitude citoyenne. Un
conducteur m’a même lancé, rigolard :
-C’est parce que
nous sommes en surcharge, voyez, cher monsieur.
Et si je ne l’ai pas compris, les trois dames qui
l’accompagnaient dans la guimbarde ne l’ont pas entendu. Quel dommage pour
moi !
-Vous êtes trop
aimable, monsieur ! m’a lancé, joyeuse une de ces belles de la belle
époque.
De chez-moi ce samedi 24 août de l’an de
Grâce 2013. Bisous à Christine et Bruno. Et merci pour votre accueil normand.
Rolando et Gilou.
(3) Le tabellion : officier public qui délivrait les
grosses des actes notariés.
(4) Les bengalis : oiseaux et humains originaires du
Bengale.
(5) L’embardée : écart brusque d’un véhicule. Ne pas
confondre avec embarcadère. Ni avec débarcadère. Comme si tu disais à Paul que
tu as une voiture plus belle que son auto qui en fait... des embarcadères.
(6) Les Charmilles : allée éventuellement couverte ou
forte haie de charmes taillée en topiaire (sculpture végétale).
(7) Yvonne. Première dame de France du temps
que Charles de Gaulle était à l’Elysée. Le propriétaire, de l’Yvonne, en 1880
était un inconditionnel du grand Baudelaire. Un visionnaire qui, reliant les
deux Charles à Yvonne… Voili-voilà.
(8) La trière, galère. Dont l’expression bien
française : « Et vogue la trière » quand on rame. Mais pas quand on va
tranquille de ci, de là, cahin-caha...
(9) Monbijou. Parce que cela fait rigoler Rolando. On se demande
bien pourquoi.
(10) Des connaissances. Doit-on dire des souvenances, des
réminiscences? Ne savons mais…
Pour a, b, c, d… ne savons pas mieux.
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