Dessin de Farid BENYAA |
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Sais-tu, ma belle Julie, que le seul rapport de ta grand-mère, Fatima à la beauté de la nature se réduisait aux fleurs que cultivait Dora ?
Oui, sans oublier les légumes du souquessou, toutes poules, œufs, et autres collier de mouton, joues de bœuf et tous pois-chiches. Et l’olive.
Parce que toute la vie de ma mère ne se résumait qu’à son dernier-né, de plaisir en gavage, et puis basta.
Ajoutez-y Poussinet, que vous prononcerez en langage-maman :
Poussinette, le chat angora. Un monstre.
Alors, oser imaginer mémé Fatima se penchant sur une fleur
pour la humer, à l’impossible nul n’est tenu.
- Même sur ta tombe, pas de fleurs, maman ?
- Allez, va ! Va
emmerder quelqu’un d’autre !
Voyez comme maman Fatima connaissait bien son dernier né,
son amazouz, le chéri, quoi !
Et, c’est pourquoi, cueillir une fleur m’a toujours
semblé un plaisir curieux, voire malsain et grossier.
- Gilles, tu voulais nous entretenir du charme de mémé, n’est-ce pas ?
Oui, ma mère au délicat charme de cyclamen. Pourtant, nonobstant elle disparue, qui pourrait me dire pourquoi les fleurs me ramènent à des souvenirs douloureux, toujours poignants ?
Oui, ma mère au délicat charme de cyclamen. Pourtant, nonobstant elle disparue, qui pourrait me dire pourquoi les fleurs me ramènent à des souvenirs douloureux, toujours poignants ?
Oui, et comme au détour des pages d’un livre où la seule évocation
d’un parfum vous arrête, tel pointer face à l’oiselle transie dans son
roncier. Oh, mais surtout, surtout ne bouge ni ne t’envole, petite. Alors, paupières closes,
page marquée d’un doigt, on cherche... On cherche...
Mais quoi donc ? Puis, le souvenir tâtonne, se concentre pour raccrocher le fil du temps des tristesses nostalgiques, ces bonbons acidulés.
Alors, votre respiration lente s’économise comme pour ne pas
souffler la bougie, ne pas affoler ce plaisir doux-amer et qu’il dure quelques
instants de plus et vous permette de redevenir celui que vous étiez jadis. Et puis...
Et puis, le froid vous saisit, et vous reprenez le fil du récit à cette fleur des souvenirs.
Et puis, le froid vous saisit, et vous reprenez le fil du récit à cette fleur des souvenirs.
- J’aime cette image des souvenirs et de mémé Fatima…
C’est exact ! Ma mère, les lilas et cette fragrance tenue si fugace de violette, parfum perdu de la femme aimée. Alors, vous cherchez
dans la foule : mais, où es-tu ?
Là-bas, une silhouette ! Vous priez. Elle se retourne… mais non, ce n’est pas elle. Et cette lettre retrouvée, et encore toute parfumée, et ces mots décolorés écrits à l’encre passée des feutres violets sans ces pleins et déliés, quand l’adorée vous refusait déjà toutes les nuances de la vie, alors...
Alors la souvenance ne se peut plus retrouver en ses chagrins tranquilles aux affolements d’allégresse, et vous voilà perdu.
Là-bas, une silhouette ! Vous priez. Elle se retourne… mais non, ce n’est pas elle. Et cette lettre retrouvée, et encore toute parfumée, et ces mots décolorés écrits à l’encre passée des feutres violets sans ces pleins et déliés, quand l’adorée vous refusait déjà toutes les nuances de la vie, alors...
Alors la souvenance ne se peut plus retrouver en ses chagrins tranquilles aux affolements d’allégresse, et vous voilà perdu.
Et, si la vie ne se définissait que par ce
mal scellé en mémoire pour seule réalité ? Et qu’importent les amours
présentes et à venir tant qu’il reste nos passions d’antan, ces amours
perdues qui nous fondent ?
Ah, pouvoir crier, ne serait-ce qu’une seule fois :
- Mais moi, j’ai aimé…
j’ai été adoré !
Alors, nos mots-fleurs des nostalgies organisent, au détour
des pages d’un livre, le jardin des amours qui n’existe que par le
souvenir, mots qui ne se conjugue ni au
présent, ni au futur, ni en quelque réalité que ce soit.
Parce que rien n’affirme l’amour où, seule, l’irréalité du discours du
souvenir fait foi du vécu de nos désirs et de la certitude de nos passions incertaines :
- ... nous nous sommes
tant aimés.
Mais alors, dire je t’aime, est-ce encore aimer ? Ou simplement signifier la réalité des amours ? Ou leur fin ? En attendant, il conviendrait de
dire :
- Nous nous étions
tant aimés…
Le charme de ma mère se continue...
Le charme de ma mère se continue...
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