*Nous garderons leurs vrais prénoms. Par souci de véracité.
Il était une fois, Marcelle et Nanette, deux femmes qu'on pouvait rencontrer tous les jours dans une petite ville et qui ressemblaient comme des gouttes d'eau à nos mères. Elles ne sont plus et le monde s’en trouve appauvri, oui. Mais, je sais que leurs héritières, qui en sont fières, ne me feront pas procès. Ce petit texte insignifiant en sorte d'hommage sera pour ne pas les oublier, ainsi que le gendarme et d’autres inconnus.
Commençons donc. Vous connaissez la Cévenne, petit pays dur, glissant et coupant comme lauze, capable de tout lorsque des hommes, les plus humbles, sont bafoués. A bien y réfléchir, vous savez que nos petites montagnes s’inscrivent entre Liberté et Fraternité aussi, lorsque vous viendrez en curieux en nos Cévennes et qu'au premier abord tout vous semblera froid, poussez plus loin et vous y découvrirez les beautés de l'âme cévenole.
Voici donc l’histoire de Marcelle, Nanette et d’un ami gendarme.
(L'histoire que je vous sers m'a été contée par un mien ami éducateur. Le connaissant bien je puis vous en garantir l'authenticité).
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- Que Monsieur Robert F. passe voir le gendarme X… En début d’après-midi? Oui, c’est urgent.
-La turbulence des jeunes des années 70 m'obligeait à d’excellents rapports avec les gendarmes, sur un mode professionnel mais aussi d'amitié. Sachez qu'en ces temps reculé, la gendarmerie du bled n’était pas encore un camp retranché romain ou en béton-armé, tel un distributeur de billets (DAB).
Robert continue son propos.
- Je m’enquis auprès des collègues éducateurs et de la direction de l’établissement, personne ne comprenant l’objet et l’urgence de l’affaire. L’invitation à la brigade s’adressait à moi seul, et c’est pourquoi je demandais aux douze jeunes caracs* de mon groupe : (*Caracs pour mes caractériels que j’appelais affectueusement les chacals).
- Quelqu’un aurait-il fait une grosse connerie dont je n’aurais pas connaissance ? Vol de mobylette, dégradations, bagarre, insultes?
Comme de coutume, personne n’avait rien fait. Des petits saints tout auréolés…
- D’accord, mais si j’apprends quelque chose des gendarmes, on rigolera, les gars.
- A 14 heures, je me présente et suis accueilli par Jean-Louis*, mon copain gendarme qui, me prenant par le bras, me demande de faire quelques pas avec lui dans la cour.
* Il sera Jean-Louis pour vous.
- Je ne t’ai pas fait venir pour tes jeunes. Bon! Tu connais Marcel?
- Marcel? je ne connais que Marcelle C...
- C’est elle. L’affaire est délicate et je ne peux pas la joindre. Et, surtout qu’elle ne sache pas que l’information vient de la Gendarmerie. Tu comprends ? Il faut la prévenir. Vous êtes protestants, alors, j’ai pensé à toi.
- Mince, alors. Il m’inquiétait, mon copain gendarme!
- C’est quoi, cette histoire, Jean-Louis…
- Dis-lui juste que demain à 6 heures du matin, on fait une descente chez les D. au village de V.
- La, tu déconnes, mon pote. Je ne te comprends pas. C’est dangereux pour toi. Tes supérieurs risquent de savoir que tu m’as prévenu. Et, à Marcelle faudra bien que je lui dise d’où je tiens l’info.
- Quand tu auras donné les détails, Marcelle ne demandera pas son reste. Pour me choper ? Impossible, j’ai aussi convoqué des éducateurs de S., un autre Centre de Caractériels cas-sociaux. Et puis, avant de partir, tu vas me faire une déclaration de vol... disons d’autoradio. C’est un faux ? Et, alors !
-Attends, je vais la voir à son boulot, là directement ? Et, comment sais-tu qu’elle est impliquée ?
-Marcelle ? Une lettre anonyme. Aucun nom n’apparaît mais je la connais. J’ai mené mon enquête... Nanette aussi. Donc, en sortant de la brigade, dis-lui que le Procureur sait que des enfants algériens sont scolarisés sous de faux noms. Chez les D et aussi à l’école de V. Tu lui diras que la famille A est dans notre collimateur et qu’elle n’y place plus de gosses. Ni dans les écoles. Ah ! Suggère-lui Nîmes en recueil. Alès, à la rigueur.
- Et pourquoi tu fais ça, Jean-Louis ?
- Et pourquoi je ne le ferai pas, hein ? Parce que tu crois que ça nous plaît, à nous gendarmes, de réveiller au petit matin une femme et ses enfants pour les arracher à leurs copains d’école et les renvoyer loin de leur père qui travaille croyant sa famille en sécurité ? Et puis, le père, c’est un bosseur, je le connais, et tu ferais pareil.
- Le Proc, il le connait son nom à Marcelle, à Nanette ?
- Ça va pas, non ? Personne ne veut les mettre en cause, à la Brigade.
- J’ai vu. Alors, je me suis transporté rue des B. Marcelle était toujours heureuse de mes visites parce que je la faisais rigoler avec nos histoires dont une concernait une affiche de Tixier Vignancourt collée sur la porte de la sous-préfecture*. T'en souviens-tu, Gilou?
*Il y eut enquête de la Gendarmerie qui n’aboutit pas. Hé,hé, Andros. Hé, hé, hé, Gilou!
- On ne te vois pas souvent, Robert. C’est bien de passer…
- Oui, c’était bien de passer. J’ai donné l’information à Marcelle. Elle m’a donné les siennes, m’a expliqué. Je suis entré dans son environnement comme éclaireur et j’ai su qu'on cachait des femmes et des enfants pour les soustraire à l’expulsion, la France de Giscard d’Estaing ayant bloqué l’immigration familiale ce qui occasionnera des drames, des ruptures, des doubles foyers, une honte en ces années 76.
- Nanette était catholique et commerçante, Marcelle protestante et fonctionnaire, moi proto-socialiste* et éducateur, Jean-Louis neutre, (rapport à son statut) et gendarme, et d’autres inconnues athées, catholiques ou protestantes, la chaîne des mères de la Liberté et de la Fraternité.
*proto-socialiste: protestant et socialiste.
- J'ai plus connu Jean-Louis et Marcelle que Nanette, et tout ignoré des autres. Et que Nanette, Marcelle et les gendarmes des «70th» de cette petite ville me pardonnent cet écrit.
Pour valoir ce que de droit, Robert F.
Ce texte n’est que pour saluer des gens de bien.
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