mercredi 19 juin 2013

L'écriture des Elfes* !


De solaire en bâtisseur.

Il est des jours où une simple rencontre rend heureux. Et, j’avais décidé d’être heureux. Ces choses-là se décident. 
Ouais ! 

Avec Rolando et un copain nous préméditions depuis quelques temps une virée à Ganges où il paraîtrait que le soleil serait plus beau. Et puis, toujours les mêmes filles, et puis, seraient-elles plus avenantes ? Et j’avais aussi urgent besoin de changer ma tête que je ne supportais plus, à force de la voir partout me faire la gueule.

Tu vas chez le coiffeur, pour le coup de peigne, quoi! Eh, hop-là! Tu deviens mignon!

Que je m’explique : selon que les gens te regardent de telle ou telle façon, tu sais es différent. La seule chose que tu décides, c’est d’aller te faire couper les tifs.
- Tu es allé chez le coiffeur ?
- Ben, non. J'ai rasé la moustache. 
- Ah, bon. Tu es sûr ? 
- Quel con !

On est si observateur, mais encore plus curieux des nouveautés. Pour faire simple, se payer un incognito à Ganges t’autorise à te laisser découvrir par d’autres regards d'étrangers. Parfois si étranges, et tu espères pouvoir intéresser. 
Dommage que cet instant de la nouveauté ne dure souvent que le temps d’un regard jeté, puis laissé en plan. On se blase si vite. Et on juge les gens à leur mine, sans prendre le temps nécessaire à la connaissance.

Donc, direction de Ganges, ville porte des Causse et Cévennes inscrits au patrimoine Mondial de l’Unesco. 17 kilomètres du Vigan. Au centre ville nous rencontrons une amie qui se laisse traîner dans notre sillage et, tous quatre allons au restaurant social, à trois euros le repas. 
Pas de vin, ni de poivre. Ni de viande le lundi. Pour cela, il faut venir le jeudi ou vendredi, mais pour le vin, c'est jamais. Et, comme d’habitude, le seul à râler pour son verre de rouge et le poivre qui manquent, c’est qui ? Ben, le vieux.

- La prochaine fois, je traine mon kil de rouge. Et le poivre !
- Bien Rolando. Voilà qui est intelligent. On se fera vider comme des malpropres. Bien, bien, bien !

Après cette faute de goût pour maussade-Rolando, ronchonneur par faute de vin et à qui on aurait voulu faire manger des concombres en salade... Ah, bon ? On ne les cuisine pas autrement ? Merci, bien. Sauf que pour Rolando, parlez-moi pas de toute cette engeance. Ni des endives.

Après le café du pauvre (je rappelle que nous sommes dans un gentil restaurant pour nécessiteux. N’y voyez aucune allusion au…) café du pauvre donnera des idées à notre amie qui aura voulu faire faire le coup du tour du propriétaire de son jardin où « chacun vient y mettre sa petite graine » (sic), tour réservé au seul copain qu’elle nous préfère, ce qui nous gave grave, à Rolando et à moi, aussi nous allons au bistrot. 

Tenir la chandelle en plein soleil, au risque d’entendre deux pigeons qui s’aimaient d’amour tendre, c’est du réchauffé, ne croyez-vous pas ? 
Donc, abstenons-nous de roucoulades et fadaises, merci bien, retour à la case départ sur la grande place pour consommer et voir si les filles de mon pays de Ganges sont plus sympa qu’au Vigan. Et elles sont à recommander.

Puis, avons retrouvé un copain philosophe et artiste, un vrai, celui-là, disparu de la circulation viganaise. Une sorte de Diogène qui aime boire son demi de bière au saut du lit. Pour la conservation, dit-il ! 

Tout à coup, je remarque une perle ou plutôt un soleil radieux attablé en terrasse de café. 24 ans, beau comme l’azur. Pardon ? Vous ne voyez pas la beauté de l’image ? Le soleil, le bleu du ciel ? Moi, cela ma chante !
Tu vois cet engin, dont je ne vous dirai le prénom que si je l’estime opportun, Mesdames et vous aussi, Messieurs alors tu te dis… Ben, tu te dis : merde et re-merde. Un pur diamant de mon pays. Berbère. Le diamant et le pays. Mais que peut-il faire à Ganges. Il y doit avoir problème de sertissage, d'enchâssage.

-Tiens, Gilou. Et pourquoi tu ne l’adopterais pas ? Demande à tes filles. Elles seraient d’accord.
Cher internaute, tu me connais. J’ai deux filles, aussi un enfant de plus à mon âge à adopter, déjà bien élevé, propre même à ce qu’il m’a paru au premier regard, pourquoi pas !

Et rien ne me fait peur : étant debout, avantagé par ma position, j’ai vue sur un dessin inconnu tracé dans le cou et remontant sous la chevelure de ce soleil éclaboussant de lumière.
- Est-ce que je peux voir votre tatouage, s’il vous plaît, je vous prie…? 

L’engin m’en prie. Et, d’un doigt je tire sur son chemisier, sa main relève ses cheveux délicatement et je lis dans le cou le tatouage. Enfin, je ne lis pas. Une écriture inconnue ne se lit pas.
- Mais, c’est quoi cette écriture et cette langue ? Ce n’est pas du berbère, du tamazirt…
- C’est de l’elfique !
- Pardon ?
- L’elfique est la langue des elfes.

Non, c’est vrai. Elle existe. Un truc d’artiste… Marrant !

J’ai trouvé cette chose tellement belle que j’en suis resté tout abasourdi, sans réaction. Vraiment frappé d’étonnement. Et je n’arrivais pas à réfléchir. Je me disais qu'il faut être complètement frappé pour se faire tatouer une écriture inconnue, un morceau de rêve de poète... 

Et voila, devant toi un petit bout de chou beau comme tu ne peux pas imaginer, confiant, mais avec la tête à l’envers. Folie. A enfermer ! Vite, je vous en prie.
Puis, j’ai regardé ses yeux souriants. Un bonheur de vivre. Vraiment. Je me suis éloigné, puis je suis revenu...

- Et votre prénom ?… Vous aimez écrire. N’est-ce pas ? Je ne me trompe jamais en ces choses.
- Oui, j’aime écrire, disait le sourire de lumière d'un soleil de juin. Oui, écrire, c’est une passion.
- Voulez-vous écrire dans mon blog ? Voilà l’adresse… parfois, il y a des coquineries qui peuvent choquer garçons et filles, les jeunes !  Mais nous sommes adultes, vous et moi. Ne vous y attardez pas ! Pardon… non, non, sur les textes olé-olé. Quoique, et envoyez-moi un texte court. Sur ce que vous voulez. Je le montre à René, mon illustrateur, j’en parle à Rolando et je vous prends comme plume sur le blog. Si vous faites l’affaire. D’accord ? Une seule condition : un peu de poésie et de folie. Toujours d’accord ?
- J’irai voir votre blog. Et je vous écrirai. Oui, je vous écrirai. Promis.
Mais, quand même, si l'elfique est une langue d'écrivain, comment se prononce-t-elle ? Et qui la parle ? N'est-elle qu'une langue écrite, et donc morte. Tiens, tiens. Curieux, non ?

Rentrés tous trois, Rolando, le pote et moi, heureux, me suis rendu au Café des Cévennes corriger mes écrits. C’est du boulot. Croyez-moi. À 17 heures, le ventre n’ayant pas de maître, commanda :

-À la bouffe, Patron. Eh, oui, mon ventre m’appelle Patron et je lui en suis si reconnaissant que je le nourris gracieusement. Mon ventre est chou et j’aime quand il m’appelle Maître alors que c’est lui qui commande ! Oui. Nous avons été élevés ensemble, et avons le même âge. C’est rigolo, non ? Vous ne me croyez pas, je le sens.

À la caisse du Super-U (pub gratuite, mais s’il vous plaît, de temps à autres une petite bouteille de Chusclan, oui, ce Côte du Rhône si délectable, ou encore un petit Costière de Nîmes… rosé de préférence, ce ne sera jamais de refus), un type derrière moi avec un seul gâteau à la main. Je suis pressé-grossier, no pasaran ! Nous nous saluons, sans plus.

En allant à ma 309 Peugeot de 27 ans d’âge que je finirai par appeler « la Rolando » ou la Rossinante, le type était garé à côté de moi. Et, en pipelettes (excusez, mes dames, la langue française est plus sexiste que moi. Pour être plus galant, disons en concierges), nous causons. Et il me raconte qu’il est d’une région cévenole où j’ai vécu, qu’il retape de vieux mas perdus dans la montagne, seul et qu’il écrit, qu’il a un rapport privilégié avec la nature.

- J’écoute la nature. Je restaure des sources, j’approche les animaux et ils ne me craignent pas !
Puis il me montre un poème et je pense à la Source d’Isis. Me parle de sa femme berbère. Et moi qui étais à la bourre, j’ouvre mon ordinateur pour lui montrer ce que je fais. On échange nos adresses.

- Et, tu t’appelles comment ?
André me parle des cheminées qu’il construit à l’ancienne. Et les enduits qu’il fait et à  qui il donne une patine dès le départ. C’est plus beau.
- Ne me raconte pas, André. Ecris-moi. On travaillera ensemble. Ce sera un  plaisir.

***

PS : Ben, le prénom du soleil c’est… Non ! Pas aujourd’hui. Non. Minaudons, je vous en prie. Vous pensez tous que c’est une fille ? Pas vrai ? Un garçon, une fille… est-ce si important, mais le soleil !... Alors, observez bien le texte. Il y a une petite indication qui spécifie.

Le Vigan-Ganges le 19 juin de l’An de Grâce 2013.

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