Dessin dédié à Marie Humbert (*) |
Et quand ma mère riait, elle en pleurait et ses larmes donnaient l’impression qu'elle s’était maquillée de Khol, et tout était prétexte à ces rires fous qui jaillissaient, irrépressibles, pour la rajeunir, lui rendant ses 16 ans.
La vie, plus que salope, n’aura pas épargné Fatima, ma mère.
Rien que d’y penser, j’en ai le cœur nauséeux. Mais, Dieu qu’elle a adoré la
vie. Elle prenait tout en plaisir comme ces poêlées de poivrons verts qu’elle
vous faisait rissoler pour les manger sans pain, pleurant et riant à la fois de
bonheur du piquant des poivrons et de me voir inquiet pour sa santé.
- Tu es folle, maman. Ce n’est pas bon pour l’estomac !
- Tu es folle, maman. Ce n’est pas bon pour l’estomac !
- J’m’a fous, mon
fils. ihR'ma ! (je m’en fous, mon fils, c'est chaud). Et elle riait, pleurant de contentement.
Parfois, on parlait avec ma mère de la vie. Jamais de la
mort. Il s’agissait de ne pas me faire de peine. Et moi, je faisais semblant de
croire qu’elle ne s’en irait jamais. Mais, je la voyais bien décliner.
De temps à autre, elle me parlait de la mort de ses amis.
Non pas à proprement parler de leur mort : il ne s’agissait que de leur fin de vie.
- Je ne supporterai pas qu'on me fasse ma toilette intime parce que je me serais oubliée.
Tous les soirs, Fatima remerciait le bon Dieu pour ses bienfaits. Ses prières me choquaient. Je lui disais parfois, à la mère.
- Je ne supporterai pas qu'on me fasse ma toilette intime parce que je me serais oubliée.
Tous les soirs, Fatima remerciait le bon Dieu pour ses bienfaits. Ses prières me choquaient. Je lui disais parfois, à la mère.
- Quels bienfaits, maman ?
- Mon fils, tu ne
connais rien. Tu es en vie, en pleine santé. Remercie Dieu, mon fils.
Dans sa vieillesse, elle demandait toujours à Dieu de ne pas la laisser tomber dans la déchéance, et moi, j’entendais ses supplications et cela m’attristait, et je me disais que la fin de vie est une belle saleté.
Et encore, et toujours Fatima, notre mère, remerciait Dieu pour la vie qu’il lui avait accordée. Merci mon Dieu !
Dans sa vieillesse, elle demandait toujours à Dieu de ne pas la laisser tomber dans la déchéance, et moi, j’entendais ses supplications et cela m’attristait, et je me disais que la fin de vie est une belle saleté.
Et encore, et toujours Fatima, notre mère, remerciait Dieu pour la vie qu’il lui avait accordée. Merci mon Dieu !
Et c’était à n’y rien comprendre, incroyable.
Un jour d’avoir été trop fatiguée par le ramadan, elle a glissé dans l'escalier. Sa tête a heurté une marche. J’étais à Dieppe. Ma sœur m’a appelé.
- Gilles. C’est grave. Fatima est à la Clinique de Ganges. Inconsciente depuis une heure.
- Gilles. C’est grave. Fatima est à la Clinique de Ganges. Inconsciente depuis une heure.
- Que disent les médecins ?
- Ils n’ont pas bon
espoir. Elle peut se relever du coma… mais avec le risque de séquelles importantes.
Je me suis mis à pleurer. Dans mes larmes, je me suis
tourné vers Dieu et j’ai prié pour lui demander de laisser partir ma mère dans
son sommeil.
- Maintenant, s’il te plaît !
J’ai invoqué Dieu comme jamais, sans honte de souhaiter la mort de ma mère, jusqu’à ce que Claire m’annonce que notre mère, Fatima était partie dignement comme elle le souhaitait.
- Maintenant, s’il te plaît !
J’ai invoqué Dieu comme jamais, sans honte de souhaiter la mort de ma mère, jusqu’à ce que Claire m’annonce que notre mère, Fatima était partie dignement comme elle le souhaitait.
Les yeux en éclat de rire s'en étaient allés rire au paradis. Chaque fois que je pense à ma
mère, je l’associe à cette joie du rire en pleurs, et c'est moi qui ai les larmes aux yeux, à cause des poivrons de ma mère. J’aurais aimé
qu’elle soit encore parmi nous. Et, d’un autre côté, je suis heureux qu’elle
soit partie dans la dignité.
Et comme la vie nous apprend que plus ça va, moins ça va,
mourir me sera un déchirement. Mais mourir dans la déchéance, perdre jusqu’à ma
plume, mon appareil photo, mes amis, mes guitares, finir par donner à mes filles et à
tous le spectacle de n’être plus qu’une loque, qui pourrait le supporter ? Pas moi, en tous cas !
Je ne voudrai pas d’acharnement car je veux mourir dans la
dignité.
Parce que la vie se doit d’être vécue dignement, comme
l’a si fort aimée notre mère, Fatima.
Voilà pourquoi, je me renseignerai à l’A.D.M.D.
(l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité).
Le Vigan le 20 juin de l'An de grâce 2013.
Le Vigan le 20 juin de l'An de grâce 2013.
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(*) Dessin paru en 2003 dans une revue étudiante montpelliéraine, lors de l'affaire Marie Humbert, qui avait tenté d'abréger les souffrances de son fils, tétraplégique à la suite d'un accident. Sa demande qu'il puisse mourir dans la dignité, combat qu'elle menait depuis des années, relança le nécessaire débat sur l'euthanasie.
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ADMD-Ecoute: 01.48.00.04.92.
50, rue de Chabrol. 75010 PARIS. info@admd.net
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