jeudi 18 juin 2020

Les trois baisers d’Eve. -1



Aujourd’hui, je me suis senti de vous servir bien chaud un petit conte véridique.
J’avoue que l’expression idiomatique,  je me suis senti, courante dans mon midi de la France semble du petit nègre et, en ces temps où la bien-disance et la bien-pensance s’étouffent mutuellement, j’ai aussi voulu rappeler mon origine africaine et mon amour de la langue française.

Comme tous les abrutis qui parlent de tout sans jamais savoir rien, avant que d’avancer dans mon récit j’ai tenu à ce petit aparté en constatant que  la nature humaine est xénophobe par nature. Quant au racisme, il y faut une théorie sur les races et donc c’est « l’intelligence » qui le crée, le met en œuvre et, une fois en marche, elle ne peut plus l’arrêter. C’est aussi l’intelligence qui combat la xénophobie... disons plutôt qu’elle l’atténue pour le mieux vivre ensemble. 

Ce jour j’ai décidé de me faire plaisir en surprenant Fanny qui me tarabuste depuis de trop nombreuses années pour que je divulgue ce texte. Vingt-six ans qu’elle attend. Actuellement, elle est en Haïti. Un cadeau à ma doudou.
La première page du poème, je l’avais déjà déclamée à mon neveu Naïm, l’amoureux des poètes kabyles et français, rien que la première page. Pas plus.
-Tonton, une copie s’il te plaît !
-Voilà, Naïm. Aujourd’hui, je peux. Rien qu’une petite partie de la première page.
Donc je vous servirai un conte véridique… Des sornettes ? Que nenni et que l’on se rassure : mon récit, une page de mon vécu vous semblera un conte tiré de mon imagination, mais détrompez-vous. Tout est vrai, sans fioritures. Du lourd !

C’est l’histoire d’un long poème qu’on m’offrit, il y a longtemps. Un seul exemplaire dactylographié. Je pouvais en faire ce que bon me semblait : le signer, l’éditer, le détruire. Il y a peu, j’ai préféré le rendre à son auteur (féminisez si cela vous chante, moi, ça me gave). A ce jour je ne sais toujours pas s’il a été édité. C’est encore l’histoire de rapports humains compliqués où l’on se demande encore à quoi peuvent bien penser les hommes. Et les femmes pensent, faut le dire…
Allons, allons Gilou… un nouveau Cantique des Cantiques ? Certainement. Qu’on en juge par la première page de ce poème.

Notre auteur ? Une journaliste. Seule une femme pouvait écrire ces mots :


                                                       LES TROIS BAISER D’EVE                                                        
                                                                  Regarde-moi ! 
Regarde-moi. Je sens la pluie qui me lisse le cœur et me procure une paix d’émotions. Je te donne de loin ma lèvre mauve et douce tout embuée de chaud. Regarde-moi. Attends-moi. J’aspire à te donner ma créature intérieure, ma bête luisante comme un coin d’aurore, puisque je m’agenouille au-dedans de mon propre ravage, que je te donne à main nue mon trophée d’aubépine et ma virginité d’arbre fendu en long. Le gui égoutte ses feuilles dures et je te cerne d’aussi loin que je peux en oblique de la pluie. Comme je t’ai griffé et comme je bouge encore de toutes mes ramifications, ton dos, tes reins se souviendront de m’avoir foulée et tenue par le ventre en travers de l’obscurité.

Il faudrait raconter. Mais comment t’embarquer à ma suite dans ces commencements d’aujourd’hui bâclés, dévorés, sans en percevoir tout le suc. On a si peu de temps qu’il faut s’étreindre avant que d’ouvrir la bouche, s’arracher par lambeaux un peu de bleu sur la peau, et creuser ses stigmates en attendant de se rire au visage. Je voudrai tout te dire en trois baisers. Un à ta nuque comme un figuier, un au poignet pour t’immoler, l’autre à l’aine pour te voir renverser la tête.

Et le poème continue ainsi longtemps.
                                                                                     à   s u i v r e…