dimanche 28 octobre 2012

Suis-je dangereux ?*


 Dessin de René BOUSCHET (R&B).

«Une lettre pour mon bon plaisir !» à Madame le psychiatre de la Prison.

Madame, je vous avais posé la question de ma dangerosité. La réponse étant évidente, vous vous êtes abstenue de la donner : on ne l’est pas mais on peut le devenir ponctuellement ou lorsque la dangerosité devient la seule réponse utilisée dans la vie, à toute situation.

On pourrait paraphraser Sacha GUITRY : 

-Suis-je dangereux ?
Moi je prétends que non, car je me connais bien !
J’aurais dû poser la question différemment. La réponse aurait été plus adaptée :
-Suis-je dangereux en permanence ? dites, madame, vous qui vous inquiétiez de ma santé mentale :
-Suis-je fou?
Ma mère le prétendait, avec de l’admiration plein les yeux !

Par exemple, je crois en Dieu, et cela est folie, mais je ne brûle pas de bougie les samedis ou dimanches, par croyance mais pour la beauté de la flamme, pour la fête.
Et puis, quand j’étais en prison, j’ai demandé à Dieu de ne pas venir avec son fils m’assister car la prison n’est pas le lieu idéal pour un enfant. Et le petit Jésus aurait été choqué. J’ai cru entendre Dieu me dire :
-Fils, démerde-toi !

Quoique… de 9 à 11 ans, j’ai vu la guerre en Algérie. Et des blessés et des cadavres par balles. Les choses étant dans la normalité, nous continuions à jouer à la guerre avec nos petits camarades, à suivre les soldats en manœuvres.
-Ai-je été traumatisé ? Ben, non ! 
-En suis-je culpabilisé ? (QUID des parloirs et des enfants ? Réponse ?).

J’ai été plus choqué quand j’ai entendu un type se faire assassiner à plus de 3km à vol d’oiseau, en Kabylie. Non par les hurlements d’épouvante qui ont duré longuement.
Non ! J’ai été touché profondément par les pleurs de l’enfant de cet homme, dans les bras de son oncle : il savait que son père était assassiné. Ce sont ces pleurs qui m’ont fait savoir que l’homme hurlant à la mort était le père de cet enfant. J’étais choqué. Très.
Mon père, que je n’ai pas connu, pouvait mourir ainsi.

La Prison m’a-t-elle appris quelque chose ? A ne plus être naïf en amour. Cela changera les rapports de confiance et posera la question :
-peut-on aimer sans confiance ? Merde ! Ca, c’est un problème existentiel ! Plutôt cocu que vivre sans amour confiant. Pas vrai ?
-Ai-je changé en prison ? Ben oui, c’te blague.
-Suis-je meilleur ? Ben non.
-Plus attentif à l’humanité ? Oui. Et peut-être plus aimant. Plus confiant dans l’être humain.
-Et plus naïf ? Pour sûr. Disons que je me suis légèrement bonifié. Légèrement.

En prison, j’ai beaucoup écrit. Sur ce que je ressentais, sur mes camarades de Promotion, sur les gardiens, le service de santé.
J’ai écrit des choses marrantes, d’autres coquines. Je me reprocherai, peut-être, quelque jour, quelques écrits peut-être trop osés. Mais, quand on aime écrire, on ose tout !
Mais, dans l’ensemble, mes écrits me permettront de mieux appréhender, comprendre comment fonctionne la justice : comment, d’une nécessité sociale, on arrive à faire des injustices. Pour frapper lourdement les pauvres, les imbéciles !

Mais, voyez-vous, mes 4 mois de détention n’auront pas été perdus. J’ai fait de belles rencontres, certaines me marqueront à vie. Et de belles amitiés (gardiens compris).
Quant à mon intelligence… Mon Dieu, elle s’est affutée.

Maintenant laissons parler Sacha Guitry :
-Suis-je vaniteux ? Lui, non. Moi oui car je ne me connais pas assez bien.
S’il vous plaît : je confie à vos bons soins Olivier et Christophe.

Merci encore de m’avoir lu, Gilles PATRICE.

jeudi 18 octobre 2012

Bis repetita... placent.*


Illustration de René BOUSCHET (R&B).
LETTRE au Directeur de la Prison le jeudi 18 octobre 2012.

BIS REPETITA PLACENT ! (ce qui est répété plaît).

Monsieur le Directeur,
A ce jour, ni votre prédécesseur, ni vous même n’avez donné suite à mes demandes. Et pourtant !

Et pourtant, pourtant je n’ai voulu que du raisonnable : un ventilateur anti-caniculaire (ou un thermomètre cassé placébo), par deux fois demandés. Avec le thermomètre cassé cela aurait fait trois plis. Pardon : cela n’aura pas fait un pli. Exact ?

Que n’ai-je réclamé encore ? Ah ! oui ! Je vous avais signalé que le fou de la 110 (récidiviste en feu) était en danger moral et physique. Mon signalement était-il mal venu ? Suivi d’effet ? Que nenni, monsieur le Directeur. 
A la vue de la peinture de sa porte de cellule brûlée, des fumées toxiques, des respirateurs utilisés, nous n’avons pas été loin de la Une de «Midi Libre» ou de la 3ème Chaîne, comme si notre bonne prison avait besoin de cette publicité tant il est vrai que Ro-b-en, le fou, a failli rôtir. 
Et cela aurait été de la faute à pas de chance. Ah, le barbecue d'été, plaisir !

Je vous avais aussi signalé les quelques gentils agissements des «Animals» du 3ème étage à mon encontre. Basta. Aucune réponse hiérarchique. Chic-chic ! Certains, ici, disent que vous êtes absent pour cause de vacance. D’autres, plus malicieux que je ne suivrai pas ricanent :
- Non ! Parlons plutôt de direction absente pour cause de vacance ou de vacances. C’est au choix ! Les plus féroces, musiciens en diable chantent, mezza voce :
- La direction n’est pas assistée, voilà pourquoi ! Dans le mur, dans le mur ! 
Le mur de la prison, quoi ! Moi, j’affirme que certains se permettent n’importe quoi dans la prison. Vous suivez, Directeur ? Bien !

Mais, quelque réflexion que l'on puisse s’autoriser sur l’absence, la vacance, ou la non-assistance, seul résultat tangible : quelques frémissements. Mais rien ne bouge vraiment. Vous me rétorquerez :
- Monsieur PATRICE, vous êtes connu !
- Pardon, Monsieur le Directeur, vous m’avez donné du Monsieur ?   Je croyais avoir entendu…
- PATRICE, vous êtes connu pour vos blagues !

Bien évidemment, j’ai réclamé des bancs, (bancs publics) car on m’appelle BRASSENS, j’ai joué sur le mot tartan entre le tissu du Kilt et la piste de course à pieds (on m’appelle aussi MIMOUN).
Ce n’était pas une blague et vous le savez bien, pour les bancs !

Je me suis encore amusé à réclamer à la cantine du papier XXL pour rouler des cigarettes (je ne fume pas !), de l’eau de Cologne en litres pour sentir la rose et autres coquineries (on s’ennuie tant en prison). Mais pas de quoi fouetter un chat. Quoiqu'on lapide bien les chats, mais rien à voir avec des pierres et galets à tuer un boeuf lancés sur votre serviteur, Monsieur Patrice !

Mais, dans une lettre dénonçant des faits graves (jets de pierres), la non-réponse de vos services m’interpelle :
- Me permettriez-vous de pierrer les gardiens et gardiennes, leur cracher dessus (on dit crachoter ou crachouiller ?) et rester impuni ? Les insulter du soir au matin sans intervention de votre part ? Ou, si vous préférez : 
- Sommes-nous sous protection de la Providence, vos services étant aux abonnés absents ?  Mon Dieu !

Effectivement, Monsieur le Directeur, on ne dit pas pierrer. Cela vous choque. La mauvaise utilisation d'un mot. Mal dit ! Nous devrions plutôt dire : empierrer ? Je ne sais. Caillasser serait mieux venu, quoique. Mais, un gros caillou, mal venu, cela fait mal, Monsieur de votre direction flottante.
NDLR : lorsque c'est le Gilou-Gilou qui se fait lapider, il n'y a pas de quoi casser trois pattes à un canard. On s'en fout. Et l'avait qu'à pas aller en zonzon !

Mes quatre mois de stage finissant ce jour, si je devais être obligé, après la Cassation de devoir retourner dans votre établissement, j’aimerais bien que l'on me donne du :
- Monsieur PATRICE !
- Bon, ben, faut pas rêver, me direz-vous.
Vous souhaitant bonne lecture de mon petit billet de sortie, je vous prie de recevoir, Monsieur le Directeur, mes salutations les plus respectueuses, sachant, comme disait un des gardiens de votre Maison (ah, ouais ?) d'Arrêts, lorsque je lui reprochais de ne rien faire contre cette pierraille :
- Mais, monsieur PATRICE, c'est vous qui allez nous tuer avec votre humour !
                                      
Monsieur PATRICE a l'honneur de vous dire : à ne plus vous revoir, Monsieur le Directeur.

PS : L’activité la plus importante en promenade étant la «gonflette», certains me proposent de vous demander d’inscrire votre bonne Maison à la Fédération de Culturisme, avec une section de Body Building. 
Si je revenais parmi vous, parmi nous, voilà une idée qu’elle est bonne ! 

Et, que les choses répétée plaisent !
                                   __________

Gilles le berbère à Mounir l'autre berbère. Le dimanche 20 octobre 2012.

Salut, pépère. Bien arrivé au Vigan.
Pas en le temps d’aller aux cèpes.
Ici, personne ne me traite de fils de pute.
Ça repose.

Je suis chez un portugais. Américo.
J’aime pas les portos.
J’ai vu les copains arabes. On s’est fait la bise.
J’aime pas les arbis.
Nous avons mangé et bu chez Rolando.
J’aime pas les macaronis.
Je me suis serré sur les nichons de Françoise.
J’aime pas les francaouis.
Mais j’aime les nichons de Françoise.

Donne le bonjour à Bruce, Monsieur Washington 
De la part du marquis de la Fayette.
Bisous, mon ami Mounir, Gilles.

PS : Et gare aux colis. C'est toi qu'ils puniraient, les matons !

lundi 1 octobre 2012

Argument de bâton !*


Illustrations de René BOUSCHET (R&B).
 
Monsieur le Directeur, 

                                    j’ai l’honneur de vous saisir d’un petit problème qui envenime les rapports entre détenus et l’Administration pénitentiaire. Pour m’expliquer, rien de mieux qu’un bel et bon exemple.

Non, Mr le Directeur, les colis ne concernent pas les poireaux-vinaigrette moisis du samedi 29 septembre au soir, ni les carottes râpées olé-olé ! du dimanche midi. Des carottes que même ma chienne Noémie me renverrait à la figure ! Excusez les carottes et poireaux : je suis constipé.

Les colis, ou paquets d’objets, sont transmis par un expéditeur à un destinataire. Le colis voyage, donc. En l’espèce, par les airs pour atterrir à la cour A.
Auparavant, imaginez une catapulte puissante qui enverrait des pierres de l'extérieur de la prison (un cimetière contigu) vers l'intérieur, dans cette cour A. Voyez-vous ces engins de guerre du moyen-âge ? C'est de cela qu'il s'agit. Sauf que les colis ici, c'est du shit enrobant un galet. 

Ne sachant si vous êtes de la Pénitentiaire, je me permets de vous rappeler (ou vous apprendre) qu’un colis n’est qu’un gros galet sur lequel aura été fixé soit de la viande hallal (en période de Ramadan) quelques fois assaisonnée d’un bâton de shit, soit en période normale, d’un portable, d’une puce, d’un chargeur mais plus souvent, de shit uniquement !

Le shit, vous n’êtes pas sans le savoir est une substance qui… que… Bref, interdite !

Donc, samedi 1ère promenade du matin. Et, voilà t’y pas qu’un pousse au crime rompt le cycle naturel des choses pour que le dimanche, rebelote : 1ère du matin en inversion. Comme c’est ballot, vu que les colis plombent les dernières promenades au soir des samedis et dimanches. Vraiment ballot ! 

Plomber est le terme idoine. Quelqu’un se sera-t-il trompé dans le cycle naturel des promenades ? Dominique T. recevra un colis sur l’épaule. Je ne vous explique pas ! Prendre un coup de H en prison, lui qu'a failli tuer un gendarme avec sa petite hachette. Faut le faire.

Et donc, ce qui devait arriver arriva. La vigie murmura :
-Colis !
Et Monsieur Mounir a dû ramasser le colis anémique qui n’arrivait pas à destination pour le re-propulser vers la cour B des Animals. 
N’ayant rien vu (mais entendu un choc sur le goudron), sachant que les gardiens et Madame le Commandant (présente) ont interpellé et fait sortir le dit Mounir (56Kg tout mouillé, pas d’argent pour cantiner, proie idéale pour les animaux du 3°, les réceptionneurs), je me suis senti tout tristounet pour le pauvre Mounir !

… et Mounir, extrait de promenade sera certainement puni par un rapport, par le cachot ou autres gentillesses. N’en doutons pas !
Mais, dites-moi, mon cher Directeur, avec tout le respect que je dois à votre haute fonction :
-Les réceptionneurs du 3ème, ont-ils été punis ? Ou vus par les caméras ?
-Pourquoi ne pas placer les Animaux du 3ème étage dans la cour A ?
-Pourquoi avoir inversé les promenades ?

Mais encore, Monsieur le Directeur, tout colis envoyé de la Cour A à la Cour B signifie inéluctablement le retour du gros (souligné) galet de la Cour B à la Cour A sur tous les pauvres qui auront refusé de renvoyer le colis de la cour A à la Cour B. Suis-je clair ?

Pour ma part, (et vos caméras ne semblent pas le remarquer), les galets, à tuer un bœuf, sont pour ma pomme. Souvent. Parce que je leur ai dit, aux Animals de la 3, que les seuls colis que je renverrai seront ceux qui contiendront des préservatifs, vu qu’ils me disent tout bonnement qu’ils niquent ma mère, ma grand-mère, ma fille…
Evitons de propager le SIDA !

Voilà pourquoi je reçois des pierres et des litres et demi d’eau, avec la bouteille évidemment. Et qu’on me menace et, lorsque l'on me crache dessus, certain chef me dit :
-Allez vous nettoyer, PATRICE. 
Que c’est beau !
Et, hier, BOUGHIZAM (en berbère: l'Homme de merde !) m’a fait, du pouce, le signe de m’égorger.

Le colis, vous l’avez vu ! Ce signe, non ! Les caméras sont sélectives. Eh, oui ! Voilà pourquoi certains ont peur et renvoient les colis. Pauvre Mounir, pauvre de toi !

J’attends votre réponse et vos arguments. Et j’ai l’honneur, Monsieur le Directeur, de vous saluer.

Gilles PATRICE, le 1er octobre 2012.

PS : Et que vos arguments ne soient pas de bâton ! Pas même de shit ! (ARGUMENTUM BACULINUM). Quant à Bruce de la 107, le monter au 3ème étage alors que son codétenu le réveillait tous les jours à 4 heures du matin, BRAVO ! BRAVISSIMO ! Les emmerdeurs sont récompensés !

2ème PS : La BASTON des LEGIONNAIRES et des ARABES se finira au 3ème étage. BRAVO !

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A Estelle. En allant à la douche, ai rencontré très belle dame gardienne black. Vraiment très, très belle!
-Je vais essayer de me faire beau. Cela va être difficile.
-Mais, non, Monsieur PATRICE, mais non!
-Je vous remercie, Madame. Cà l’a fait sourire.

Revenant de la douche, mon tee-shirt avait trempé dans l’eau, je suis revenu avec la serviette sur les épaules!
-Excusez-moi, le tee-shirt est tombé !
-Exceptionnellement, ça passe, Monsieur PATRICE.
-Vive l’exception!
Ah, oui encore. Que j’aime ces discours et ces sourires!