samedi 2 mars 2019

L'An Un... post-68-12


Religion ou mouvement politique ? Me plonger parmi les Gilets-jaunes me mettait mal à l'aise. Je cherchais un mouvement de revendications et ne rencontrai aucune culture politique, comme si la république ne signifiait plus rien. La révolutions française, les Lumières, le mouvement ouvrier, l'organisation de la république, tout avait disparu. Seul le peuple comptait. Le Peuple !

On ne savait plus que l'égalité ne se rencontrait que dans l'urne, la différence niée parce qu'on refusait d'établir le débat démocratique. De ma différence, mes combats syndicaux, mes visées politiques tout passait à la trappe et je ne rencontrais que de la convivialité, celle des pots de l'amitié et tout procédait de l'insignifiant, de l'air du temps, sans aucun frémissement social. Pourtant, quelque chose de puissant rassemblait ce mouvement.
 

Comment classer ces gueux de la république ? Jacqueries, frondes, révoltes d’esclaves ou remake de la 1ère Croisade ? Impossible de se prononcer si ce n’est que dans nos luttes inorganisées nous faisions tout pour perdre et acceptions, comme si cela allait de soi nos blessés graves aux manifs et les morts aux abords des ronds-points, la sécurité des usagers n’étant pas. Curieusement, personne ne s'en était soucié et tous rendaient Macron et ses policiers incivils seuls responsables des dommages collatéraux de ce grand foutoir.

La religion du peuple : curieusement, je pensais que les gilets-jaunes n'auraient pu naître qu'en terre cévenole. En effet, leur façon de se positionner ressemble à la guerre des camisards par son intransigeance à exiger un droit qu'on estimait être dû, la liberté de culte. Pendant le temps qu'on étripait les Dragons (les gendarmes de l'époque), on brûlait, cassait et violait en bouffant du curé tout en se revendiquant du message d'amour du Christ et en priant pour la sauvegarde du roi. On ne remettait pas en cause l'Etat mais, las d'attendre une faveur on agissait violemment pour ce droit, Dieu à nos côtés.

2018. J'avais le sentiment que nous entrions dans le sacré où rien ne s'expliquait, tout étant du domaine du non-dit, du consensuel et tout reposait sur la croyance aveugle d'une communion entre-nous. Comme dans une célébration religieuse.
Nos Ronds-points ressemblent à ces petites églises du Désert d'antan qui, interdites par le Roi n'avaient pas besoin de s'organiser pour se concerter, leur légitimité tirée de leur  juste combat de frères en la foi palliant à toute structure. De 1702 à 1710, pendant la guerre des Camisards, la lutte sainte se menait par le petit troupeau protestant sans pasteurs, sans synodes ni modérateurs par les plus violents ou, le sacré devenu réalité palliait l'inorganisation. Curieusement, à l'époque des prophètes et prophétesses, sans aucun pouvoir sortaient du peuple et on écartait les anciens (aujourd'hui les syndicalistes, maires, élus...).

Aujourd'hui, le peuple, c'est Dieu : nous ne l'avons jamais rencontré mais nous connaissons ses voies. Nous les entendons et y répondons.

L'après 1968 : En terre cévenole, des communautés  s'organisaient hors de toutes structures étatiques ou sociales. Loin de tout et du temps. On redécouvrait le groupe humain, on se structurait entre égaux, personne ne dirigeait, seule la vie décidait. Des gourous sortaient du peuple soixante-huitard. Commença alors la déliquescence et les groupes finirent par se disloquer, l'idée égalitaire ne pouvant survivre aux réalités de la terre cévenole et à la nature de toute humanité : cette structuration indispensable à la survie de toute société humaine. 

2018-2019.... : Des anarcho-syndicalistes ? Nos G-J se comportent comme ces communistes libertaires, réfugiés espagnols en Cévennes depuis 1936 intégrés au Parti Communiste et à la CGT que j'ai fréquentés dans les années 70-80, des camarades ingérables qui, à force de croire qu'ils n'avaient de compte à rendre qu'au peuple s'opposaient à toute structure qui dépassait le groupe restreint d'une dizaine de membres soudés par l'histoire commune des combats ouvriers.
Communistes, soit mais s'ils aimaient la République c'était uniquement parce qu'ils se sentaient sortis du peuple en s'estimant seuls dépositaires pour mener les luttes. Tout en étant libertaires et n'obéissant à aucune structure républicaine établie, cela va de soi.

Aujourd'hui comme pour nos républicains espagnols, Dieu serait le peuple que personne n'aura jamais vu, Internet les voix du Seigneur, les bénis nos nouveaux prophètes. Pour tout message messianique et signe de reconnaissance, l'égalité et le gilet jaune, telle une aube. La communion et la chambre haute, la Cène ?  Les repas conviviaux sur les ronds points. La culte sabbatique et les grandes messes ? Les manifestation dans les villes, sans oublier nos martyrs sur les ronds-points, et que dire de toutes les excommunions des déviants.
Notre légitimité ? Les voies du Seigneur, celles du peuple toujours impénétrables garantes de l'irresponsabilité. 

L'abstention s'explique donc : tous espéraient un homme providentiel mais, à trop investir sur le mauvais cheval, puis par trop de lassitude nous n'avons plus voté et donc rien exigé de nos politiques permettant à nos présidents successifs de conduire l'Etat à la va-comme-je-te-pousse sans aucun projet politique et à nous faire accepter n'importe quoi. 
Aujourd'hui nous avons élu un président, espèce de Dieu le Père incapable de se contrôler pour nous gouverner qui n'aura à son actif, hormis sa vitesse à tout expédier que la vantardise de ne jamais reculer pour ne pas ressembler à ses prédécesseurs plus intelligents que lui qui, eux ne nous ont jamais promis le paradis. Actuellement le pouvoir, en perdition ne sait plus où il habite entre promesses de campagne électorale et réalités du terrain, ne faisant que réagir, dans l'urgence absolue au mouvement des gilets-jaunes pour garder le pouvoir.

2018-19 ou La Révolution permanente ? Le 17 novembre, c’était le remake de la Révolution française qu’on rejouait. Une foule, pleine d’espoir réussit à affoler Macron espérant qu'il se démette ou chasse sa majorité. Rien que ça. Ce n’était que du théâtre de rue et le comédien Macron s’est laissé abuser et aura tremblé. Pourquoi n’être pas allé jusqu’au bout de la démarche ? A croire qu’on attendrait trop de l’Etat-providence : allocations familiales, chômage, fond de solidarité, soins gratuits, aide à l’énergie...

Fini ce temps de museler l’opposition parlementaire, de casser les corps intermédiaires, d’abandonner l’ISF pour booster l’entreprise, de privatiser en catimini la SNCF pour une meilleure desserte, de revoir la carte judiciaires pour plus de justice et de bricoler la laïcité tout en fermant les services de proximité, baissant les allocations, le tout sans préavis et En même temps sous prétexte de plus de performance !
Le temps est révolu de la gouvernance par les promesses, l’attente, les cachoteries, la gabegie, les faux-semblants, les Commissions, la carotte et le bâton. Et les réformes iniques. Les Gilets Jaunes enterrent le tout en grande pompe à chaque manif.

L’enfermement dans deux logiques : Avec un moi hypertrophié et une logique paranoïaque du tous pourris, les Gilets-jaunes répondent à celle démente de Macron qui veut que l'Etat, participant à l’enrichissement des riches, celui-ci ruisselle sur les pauvres. On nous prépare de beaux étés de canicule, gilets-jaunes à la plage !
En y ajoutant cette absurdité du Moi d’abord, aucune confiance en personne, la république des Gilets-jaunes n’arrivera pas à se constituer et celle de Macron ne sera qu’au service des puissants et de l’argent et tous, s’investissant d’une mission de salut public, personne pour remettre le monde à l’endroit affirment : 
-Je suis le Peuple. Si on veut !

A-t-on raté le coche ? Trop de buts et impossible à les sérier pour aller à l’essentiel. Les moyens que l’on se donnait ? Ridicules mais dangereux. Je constatais que nos bénis, aussi perdus que tous attendaient le murmure des réseaux sociaux. Les voix de Jeanne d'Arc. Entre temps, que faisions nous si ce n'était de mettre en place de l'information et des commissions de travail ?… Mais, des commissions, dans quel but ? Et pourquoi pas un RIC avec un débat national et un grand soir ? Va savoir.
Nous dérivons sur le radeau-frère de celui de la Méduse à Macron. On s’entre-dévorera en allant piller l’autre radeau, celui de l'Etat. Plausible.
C’était désespérant mais faudra-t-il en passer par là ? Je ne sais mais, à bien y réfléchir, les Gilets-jaunes ne peuvent rien créer ni Macron céder. Nous aurons raté le coche, mécontenté le peuple par notre violence et des relents d’idéologie nauséabonds car notre inorganisation n’autorise aucun discours moral.

A force de papoter, de papoter, de s'informer, d'informer on finissait par se tourner les pouces sur notre rond-point et, un peuple inorganisé, inoccupé ça finit par lasser son monde, casser ou rentrer chez-soi. Ou partir en goguette sur les champs élyséens.

Parce que, sans espérance que celle de glaner des coups de bâtons, notre bon prince ne s'intéressant au peuple que lorsqu'il descend dans la rue pour gueuler après lui et qu'il casse, qu'attendent les syndicats pour rentrer dans les bonnes grâces de Macron pour lui faire sa fête avec les gilets-jaunes ? N'y manquera que les jeunes des banlieues. Tiens, curieux qu'ils ne se soient pas encore immiscés dans les manifs.

Par avance, Emmanuel, te
souhaitons de bonnes, longues, grosses et nombreuses manifestations !   


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