vendredi 20 juillet 2012

Penseries du 20 juillet.*


J’ai toujours aimé l’ombre.

Mon nom berbère signifierait l’ombre. Depuis ma tendre enfance, je n’ai jamais fait confiance au soleil, tout comme ma mère qui s’émerveillait de la laiteur de sa peau et de la blancheur de la mienne, Fatima madame ma mère si tendre !

 

La montagne kabyle, à 800m d’altitude. Deux mois de neige en hiver, de la glace puis de la boue. Enfin, un soleil à vous tanner la peau avant l’heure, à la rétrécir, l’écorner. Et des ânes riant au soleil avec leurs grandes dents plates : han ! hi-han ! Bien bandants…

 

Je ne ferai rien de bon de ma vie, je l'ai su tout petit, même si ma mère, Fatima, me regardais en silence, les yeux tout embués de cet amour que les femmes me porteront plus tard, sachant qu’elles, aussi, ne feraient rien de bon de moi. Mais, je savais que je me reposerai sur elles en permanence, oisif, contemplatif, poète, songeur creux impénitent.

 

Ma mère me contemplait amoureusement quand je faisais mes devoirs le soir, et moi, tout petit, à 6-7 ans, j'étais le roi, son soleil à elle qui ne savait pas écrire, qui ne le saura jamais et qui aimait tant l’instruction.

 

Un incapable, j'étais. Et puis, après tout, Yakouren ne signifiait-il pas "les in-fruits" ?

 

Envie de rien. Ma vie s’écoulait tranquille comme dans un sablier. Fallait juste le retourner à l’occasion. Un seul besoin irrépressible : lire, apprendre, étudier, connaître, savoir, découvrir, réfléchir à tout et à rien, une barre soucieuse au front, regard perdu, ailleurs, rêvassant dans un grand vide, me complaisant en songeries irréelles, irréalistes, irréalisables. 

 

Ma vie fut peu productive, si ce n’est en penseries futiles, inutiles, à l’image de mon petit village de montagne des in-fruits. Quand je vois Pierrot et ses réalisations, et Américo ? J’ai honte de moi.

 

Et lorsque l’on ne fait que penser, dans le vide, sans mémoire, sans perspectives d’avenir, sans parole à donner et à recevoir, à partager, on s'amuït et sa vie n’a plus aucune espèce d’importance et rien de ce qui m'arrivait ne me touchait, ne m'importait.

 

Alors, plus rien n’existe, tout est sans morale, sans saveur. Mort. L’inconsistant se veut seul de mise.

 

La vie aurait dû se mettre en perspective vers tout ce qui a été, vient et deviendra. J’étais immature, immatériel. Je le suis demeuré. Je ne suis rien.... Mon ombre devait-elle passer quelques temps à l’ombre?

 

Texte improbable. A Françoise du lac.

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Le 20 juillet 2012. Comme en garde à vue à la Gendarmeriedu Vigan, aucune évacuation haute et basse, l’air stagne,aucun courant d’air dans ma cellule de la Maison d'Arrêt.Quand le temps est chaud et humide, impossible de se rafraichir. La sueur ne s’évacue pas. Il faut marcher de long en large pour sentir un peu de fraîcheur, brasser de l’air, du vent.

Mais, marcher en large dans une cellule, c'est franchement impossible !
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Samedi 21/7/12. Ce jour, pas de douche, car pas de parloir. Récré 8h15-9h45. J’apprends que mon pote des arrivants, Olivier est notre gréviste de la faim.
Ça me fait chaud au cœur.
J’ai fait 20 tours dans la Grand’Cour. Akim me dit de courir moins vite. La course est mon Viagra (Ndlr: même le Viagra serait inefficace !).
Les oiseaux de malheur du 3ème, peu nombreux, ont jeté quelques bombes d'eau.

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