mercredi 4 février 2015

Rose toute d'inconstance !* - 1


Parce que l'inconstance porte toujours en elle ses propres épines, il nous faut en parler gravement. Comme des roses !
Il était une fois certains, que je ne citerai pas pour ne pas me les mettre à dos, qui prônaient une inconstance minimale* indispensable à la bonne marche du couple. 

Ici, nous n'aborderons pas les aspects moraux, même si, comme certains le disent s'exonérant ainsi de toute responsabilité, l'homme est bien trop souvent cet animal sans morale. Mais, que répondre à cela ? 
(*Ndlr : l'inconstance est avant tout animale. Jamais minimale. Américo dixit).

Sans morale ? Personne ne l'est, quand bien même, se déconnectant de la vie, il se ferait bourricot pour s'en aller évoquer de ces affaires qui ne le concernent pas. Croyez plutôt que cet être amoral ne serait, bien trop souvent, que le philosophe que nous sommes parfois lorsque nous n'aurions qu'un moral de fâcheux.
Qu'en pensez-vous, et serais-je dans le vrai ?

Posons les prémisses du syllogisme qui nous importe ici : dans la majeure, disons que tous les hommes sont des coureurs spécifiques. La mineure affirme, elle, et sans ambiguïté, que je suis homme de par nature.
La conclusion s’impose en cette affirmation plus que démontrée : coureur je suis et le demeure, quoique j'y fasse, moi qui suis né homme faible issu d'une mère qui m'aimait quelles que fussent mes vilénies. Alors, pourquoi aller contre dame nature et le plaisir que maman éprouvait pour son petit monstre taquin ? Je nous le demande !

Continuons notre propos : nous sentons bien cette lassitude dans notre couple qui vivote pour finir par battre de l’aile, s'étioler et mourir. Nous en sommes meurtris de tout cet ennui. Mais qu'y faire ?
Un beau jour, l'un des membres du couple, et ici, nous n’allons pas commencer à jeter la pierre sur Dominique ou sur Pierre, disons que quelqu’un aura voulu raviver, rafraîchir, si l’on préfère ses ardeurs amoureuses pour que, en sorte de poulie d’entraînement, l’ensemble du couple puisse en bénéficier.

Ah ! Mais alors, pourquoi se refuser ce plaisir des escapades si utiles au couple pour agrandir notre monde ? N'est-ce pas assez de s'être fait rogner les ailes pour complaire à sa dame d'amour ?* 
*Oui, Fanny, j'ai dit rogner les ailes ! Eh, oui. J'accepte tout de toi. Par amour ? Tu peux le croire !

Mais encor, vouloir s'éclaircir les yeux vers des ailleurs où le ciel est bien plus bleu, est-ce condamnable ? Et quel est cet autre qui pourrait nous en empêcher ?

Vous m’avez donc compris : pour que le couple exulte, il convient d’urgence de l’agrandir en y introduisant un membre plus vigoureux qui se doit de rester caché, non par amour de la cachotterie ou veule lâcheté, non, mais en toute charité bien ordonnée car toute peine causée à l'un rejaillit sur tout le couple. 

Voyez comme bon nous sommes... quoique il y aurait à gloser sur l'utilité manifeste des tourments en amour, ces titillements en prélude à toute jouissance. Et, n'est-ce pas bien vivre que de jouir de soi, de l'autre, et encore d'un autre, et de la vie, aussi ? Je vous le demande ! Et qu'y aurait-il de nouveau sous le soleil, et de plus beau, de plus vivant et de plus exaltant que d'accepter de petits coups de canif au contrat ?

Aussi, quels plaisirs que ces parties de cache-cache en amoureux ! Mais, avec toujours le même qui s'y colle !

Et puis, ce nouveau partenaire, notre booster, il ne faudra pas l'aimer par crainte que le couple ne meure. Oui,  et vous l’avez compris, l’inconstance est ici érigée en absolue nécessité comme seule valeur gardienne de la solidité du couple, sauf si l'aboutement exigeait sa juste part d'amour. 

Maintenant, le couple éclaté s'ouvre à une sorte de triolisme boiteux dans lequel un fantôme, s'y cachant, serait interdit d’accès à l'amour, à l'entière reconnaissance et à la jouissance d'un des membres du couple primitif, celui qui ne sait pas encore qu'il est le cocu de toutes les histoires d'amour qui veulent durer, si vous préférez.
Est-ce bien clair pour tous ?

Et, pourquoi tout ce mic-mac causé par l'inconstance ? Mes enfants, réfléchissez encore ! Pour que le couple puisse perdurer !

-Mais, Gilou... tu affirmes tout et son contraire : si on amène une autre personne dans le couple, trois partenaires forment plus qu'un couple !
 
-Right, Américo, mais le couple initial persiste toujours tant qu'un intrus, (ou plus) demeure caché. Et, puis, que t'importe si au moins l'un des partenaire est heureux, alors la duperie aura été utile à tout le couple... éclaté ? Non, tant qu'on ne divulgue pas la chose !

Et, pourtant, cette situation paradoxale est la négation du couple.
-L’incontinence, Gilou ? Tu racontes ton opération de la prostate ?... Non ? Peut-être, mais articules, je te prie. 
-Tu disais, Charlie ?

-L’incontinence de Rolando ne serait-elle pas le pendant dans les affaires de vessies à cette sorte d'incontinence d'amour de quelqu’un qui ne pourrait se retenir dans ses épanchements...

-… tout en courant la prétantaine de ses pulsions ? Il est vrai que le parallèle est amusant. Mais, non. Parce que l’une est voulue, recherchée ardemment, tandis que l’autre, tu sais ce que j’en dis ? C’est d’un pénible ! Et, je ne te raconte pas les parties de chasse et de drague. Pourquoi ? Mais, parce que la caille te renifle à une portée supérieure à celle de ton coup de fusil ! Hou là là ! 

Moi, je préfère m'émoustiller de ces tendres et fraîches senteurs de roses nouvellettes ! Et, saviez-vous qu’aucune… je dis bien : aucune rose n’exhale la même fragrance, et c’est ce qui plaît dans la cueillette de cette fleur si délicate qui ne se ramasse qu’une après l’autre, en y prenant des gants et tout son temps.  

-J'entends, me diriez-vous, quoique ce qui est agréable n'est pas toujours bon. Pour l'autre, cela s'entend ! 

-Voyez-vous : moi, j'aimerais bien connaître celui, ou celle qui se permettrait de m'interdire la cueillette de tendres roses toutes fraîches pour y retenir leurs senteurs nouvellettes !...
-... tu disais, Fannie ?

Suite et fin au 2ème, ou bien au troisième épisode de "Rose toute d'inconstance".

                                 _______________________
Le dessin de René BOUSCHET (R&B) emprunte le texte de la Chanson de Brassens dont les 3 premières strophes sont de Pierre Corneille et la dernière de Tristan BERNARD.
 

Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu'à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.

Le temps aux plus belle choses
Se plaît à faire un affront
Et saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.

Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits ;
On m'a vu ce que vous êtes :
Vous serez ce que je suis. 

Peut-être que je serais vieille,
Répond Marquise, cependant
J'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille, 
Et je t'emmerde en attendant !

J'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille
Et je t'emmerde en attendant !

Le poème de Pierre Corneille fut écrit en 1658 pour Marquise-Thérèse de Gorle, dite Mlle Du Parc, danseuse et comédienne de la troupe de Molière.
La demoiselle quitta Corneille et ne revint pas auprès de lui malgré les stances qu'il lui adressa, lui préférant Molière. Elle eut quelque excuse : Corneille avait 52 ans, elle environ 28.
                                                                                     (d’après TEXTES A TOUT VENT).





 

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