jeudi 6 octobre 2016

La prison ? Bof, à éviter !

- Tu ne devrais pas dire que tu as été en prison. Tu passes pour un con !
- Exact. On peut dire ainsi mais toi, mon pote ne te vantes plus de tes relations qui te l'on évitée ! L'ami, tu m'insultes ! 

Voilà, c'est dit. Quelques chiffres : 70.000 détenus. Durée moyenne en détention 8 mois. En 30 ans, 2.800.000 citoyens français auraient écopé d'une peine de prison.
Autre conclusion, en prenant un an de prison ferme, cela signifiait que le juge me considérais comme particulièrement dangereux. Le substitut qui réclamait deux ans me trouvait extrêmement dangereux, entre vol à main armée et terrorisme. Les juges de l'appel, avec 4 mois estimaient que le premier juge s'était trompé mais que j'étais plus dangereux qu'un chauffard de bonne famille qui aurait tué toute une famille avec sa Ferrari. 

Regardez autour de vous, dans votre entourage, dans votre quartier tous ces dangereux emmerdeurs qui, eux ne risquent rien... Quant au taux de récidive, plus que négligeable, il tendrait à prouver que la détention serait d'utilité publique. Enfin, si on le pense, moi ce que j'en dis...
 
Ici, nous ne parlerons que de l'intérieur de la prison, une société qui possède sa propre prison : le cachot affectueusement appelé le mitard. Certains rêvent même d'un mitard des mitards. Aberration des aberrations ? Non, ça existerait : l'isolement.
En prison, vous y rencontrerez la seule personne en qui vous devrez vous fier entièrement : vous-même et vous avez intérêt à ne pas vous tromper dans vos "allants".

En ces lieux protégés de tous jugements, seul le temps s'allonge et tout le reste se réduit : une cour de 400 mètres carrés à ciel ouvert, deux heures par jour avec une dizaine de copains sur la vingtaine de détenus dans votre cour de promenade, le reste du temps vous occuperez une cellule de 9 mètres carrés conçue pour claustrophobes, asociaux, débiles et fous avec un ou deux codétenus pour seule compagnie 22 à 23 heures par jour.
Pour vous amuser, vous aurez deux heures à côtoyer les Animaux cracheurs, hurleurs du troisième étage de la ménagerie du zoo de la cour B, heureusement dans leur cage plus un directeur du cirque invisible, un capitaine peu disponible, des lieutenants et des surveillants. Et les services de santé. 

Il faudra déplaire ni au gardien ni au détenu car il leur suffirait de faire courir le bruit que vous êtes au premier étage, celui des "à protéger", les "pointeurs" et rien ne pourra arrêter la vindicte des autres détenus.
On apprend vite à respecter le gardien maître absolu du jeu ainsi que ses codétenus qui pourraient vous pourrir la vie. Tous contrôlent tout votre temps, perturbent votre intimité et pourtant, certains qui vous semblaient bizarre au début pourraient devenir des amis sincères et en peu de temps. Rappelez-vous : nous sommes tous un peu étranges en ces lieux, des détenus aux surveillants.

Votre cellule pourrait bien hériter d'un malade mental trop atteint, la Justice vous condamnant ainsi à la double peine. Dans ce cas, il vous faudra vous montrer attentif aux prises et au deal de médicaments ou gare à vous, surtout le week-end.

- J'ai oublié d'aller à l'infirmerie. Je peux pas attendre lundi.
- Un tranquillisant, ça t'irait ? Je vais demander au service des repas de te dépanner. 

En prison, point de demi-teinte : ici tout est extraordinaire car votre vie est anormale et, comme à l'armée on peut se respecter entre détenus et gardiens et j'appréciais les excuses de l'un d'entre-eux désolé d'avoir oublié de laisser téléphoner un de mes codétenus un soir à sa famille. Reconnaissons que la plupart des surveillants sont attentifs et prévenants malgré la servitude difficile. Et gentils.

- Vous n'allez pas sortir en promenade en pyjamas. Enfin, regardez-vous ! Et puis, vous devriez vous raser.
- Mais, madame, c'est un pantalon. La preuve, il a des poches.  

La gardienne avait raison. Un clown. Je ressemblait à un clown avec ce pantalon de toile légère marron-caca trop grand pour moi mais qui avait l'avantage de sécher dans la nuit, vous comprenez ? Avant d'aller en promenade, je me trouvais moche et m'étais bien tiré la langue dans la glace mais ça n'y suffisait.  
Pour le rasage, je ferai un effort. Promis, et j'étais aux ordre de la dame !

Beaucoup de gardiens font montre de gentillesse et d'humour. Un jour, revenant de promenade :

- Patrice, vous aller nous faire mourir... Je croyais qu'il se moquait de moi. Non, mais !
- C'est plutôt vous qui allez me faire mourir en cellule.
- Mais, non ! Mourir de rire. Votre lettre d'hier pour acheter de l'eau de Cologne pour boire de l'alcool en cellule, et celle quand le directeur n'a pas répondu à votre demande d'un ventilateur pour, à défaut obtenir un thermomètre cassé bloqué sur 25 degrés pour vous rafraîchir. Ça, ce sont des lettres ! Où trouvez-vous vos idées ?

Des requêtes, j'en avais transmises des loufoques à l'administration ou à l'aumônier, et toutes plus croquignolettes les unes que les autres, faut bien rigoler, quoi ! Et mes copains de détention qui me demandaient, parfois de les aider dans leur courrier suivaient avec bonheur le cours de mes conneries épistolaires. Les gardiens aussi et, comme j'écrivais en lettres ouvertes à Madame Taubira, Ministre de la Justice, au Directeur de la Maison d'arrêt, aux procureurs et à l'aumônier, qui n'était pas le dernier à priser mes amusements, imaginez la rigolade. Pour ce qui est des officiers, je n'ai pas eu de retour mais je crois qu'ils n'appréciaient pas, surtout un certain lieutenant. Pas vrai, mon Capitaine ?

En prison, tous se disent victimes mais, jusqu'à la fin de sa peine le seul souci qui tiendra éveillé le détenu ne sera pas de savoir pourquoi mais comment il aura pu être aussi bête pour s'être fait coincer si connement. Et pourquoi pas, vu qu'en prison, tous se foutent de la réinsertion et n'espèrent qu'une chose : sortir très rapidement de cet asile d'aliénés, de cette parenthèse à votre vie.
Victimes aussi, non par la privation de liberté, on s'y fait mais par ce malaise permanent lié à la privation d'intimité, au fait qu'on ne peut jamais s'isoler en s'extrayant du regard de l'autre, de ses discours, du bruit permanent de la télé ou des vociférations. Pas moyen de se ressourcer, d'espérer. Et très difficile d'imposer des moments de silence. Pour ma part, j'avais obtenu que, dès quatre heure du matin jusqu'au lever la cellule soit dans un silence total.

Par ailleurs, la prison est conçue à seule fin de vous désarçonner pour casser toute amitié ou tentative d'organisation. Déboussoler pour contrôler en vue de contraindre à la docilité car, seule la tranquillité de la prison importe. Aussi, vous saisissez d'emblée tout l'intérêt à vous poser comme individu valable pour l'ensemble des membres de la cellule et des gardiens en apportant votre savoir faire, votre intelligence mais surtout en vous montrant sociable, discret, sans aucune dangerosité pour l'autre et pourtant il vous faudra vous efforcer de faire montre de caractère, de charisme et c'est pourquoi j'avais fait une grève de la faim de 17 jours. 
Votre atout ultime, votre seule force sera de rester discret en faisant respecter votre intimité par tous. 

Ne croyez surtout pas que la prison ne sera qu'une parenthèse dans votre vie. Vous n'en parlerez jamais comme ces femmes qui ont été violentées et qui se disent que c'est de leur faute. 
Si sous portez plainte contre vos conditions d'incarcération, le Procureur vous rassurera : les délais sont dépassés. Violés en bien baisés par la Justice.

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