vendredi 22 septembre 2017

D’une acculturation au Psautier. -2

Pourquoi cet intérêt pour les psaumes originaux de la réforme ? Pour faire simple, je dirai qu’il est la résultante d’une acculturation non désirée, de ma profonde adhésion au protestantisme, de cet amour immodéré pour la musique « occidentale » et de cette passion pour la France et sa langue, la plus belle au monde que mon premier instituteur, Monsieur Batista m’avait transmise. Ce corse et sa femme se seront démenés comme des diables pour que tous les petits berbères, garçons et filles kabyles issus de notre Algérie clochardisée par la France (dixit Charles de Gaulle en 1943) puissent bénéficier de la République laïque.
Pourquoi ? Par esprit de liberté, d’égalité, de fraternité et surtout d’humanité. Devenir français, soit mais tout en permettant que le peuple algérien puissent vivre dignement en étant respecté de tous, pieds-noirs surtout. Appelons cela les bienfaits de la colonisation. Certainement les seuls. Et barka !

J’ai été élevé à Yakouren (Haute-Kabylie) par Fatima, ma mère qui fut proprement dépouillée par sa famille et jetée à la rue et qui, recueillie par la Mission Rolland s'usa comme femme à tout faire pour pouvoir élever ses trois orphelins.  
Cette mission était issue de la North American Mission qui se francisa lorsque le gouvernement français, dès la fin du 19ème siècle obligea tous les organismes religieux étrangers à passer la main à des pasteurs ou des prêtres français.

Le statut de l’Algérie française fut toujours ambigu, tout d’abord à cause de l’Islam que l’on considérait incompatible avec l’intégration française, tous les pasteurs en étant convaincus. Son territoire, déclaré partie intégrante de la France avait un statut d’indigénat et, dans notre république pas si laïque que cela, pour devenir français à part entière il convenait de se convertir au christianisme, prendre un prénom français et, ainsi renoncer à recourir au droit de l’indigénat.

Administrativement, la province d’Algérie fut composé de communes de plein exercice (les villes et gros bourgs) perdues au milieu de zones de droit approximatif composées d’immenses communes mixes gérées à la façon romaine par des agents de l’Etat où, dans les douars reculés de montagne les indigènes rechignaient à déclarer les garçons à "l’état civil". Dès 1943 et le débarquement américain en Afrique du nord, ce phénomène de résistance "civique" s’accentua car le petit peuple délaissé ne voulait pas que ses nouveau-nés puissent "bénéficier" de la conscription pour servir de chair à canon à la France.
Mais de ça, je vous en avais déjà causé.

Tout naturellement, en 1945, ma mère n’avait encore jamais connu de français ni d’administrateur dans son douar, si ce n’étaient les gendarmes qui terrorisaient les indigènes par une brutalité d’un autre temps.

Une autre méthode consistait à déclarer des enfants nés de parents inconnus sur le territoire français, l'Algérie en faisant partie intégrante pour les faire enter de facto dans le cadre de la nationalité, d’où toutes les dérives et les drames familiaux. Dans la foulée, on les affublait de deux prénoms français, l’un faisant office de nom patronymique, ce qui accélérait l'acculturation.

C’est ainsi, qu’avec ma mère je découvrirais à onze ans sur ma carte d’identité nécessaire pour émigrer en France que je m’appelais Patrice, "né de père et mère inconnus". Tel quel.
Ma mère alla chercher sa petite hachette soigneusement aiguisée réservée au cou des poules et à son petit bois pour s’en aller tuer les deux missionnaires qui n’y étaient pour rien. Une folle hystérique.
La peur de ma vie.
-Allez, mon fils, on s’en va.
-Non, maman. Je veux aller en France.
Faut croire qu’elle aimait particulièrement son "amazouz" car elle se résigna à m’accompagner.

Le petit berbère que j’étais, tiré charitablement du statut de l’indigénat fut élevé en bon français protestant d’obédience baptiste qui se mit à aimer chanter en voix nos cantiques que je découvrais avec les deux sœurs missionnaires suisses allemandes qui les apprenaient, ainsi que la langue française, en même temps que moi.

Toutefois, si j’aimais les mélodies de Cruger, Bach, Haendel, Beethoven, Bishop, Bortniansky, Brahms, Croft, Doane, Excell, Grabrieli, Gastorius, Hammerschmidt, Hassler, Haydn, Malan, Lutteroth, Malan, Mozart, Naegeli, Monod, Nicholaï, Neumark, O’Kane, Palestrina, Purday, Richter, Sankey, Schubert, Smart, Stanley, Isaak, Teschner, Urlhan, Wesley et autres compositeurs de nos beaux chants, les psaumes français me posaient question dans les altérations de leurs mélodies et de leurs rythmes (souvent archaïques) et dans les changements continuels de paroles que je trouvais dans nos différents recueils de louange.

Quant à l’harmonisation de nos vieux psaumes, tout un poème. Y était spécifié : d’après Goudimel qui, j’en suis sûr se retourne dans sa tombe. Comme si on pouvait faire mieux que ce maître.
Concernant les nouvelles paroles de Roger Chapal (1970), je dirais : consternantes. Aux dernières nouvelles, Marot et Théodore de Bèze se tapent sur les cuisses au paradis. Enfin, en ce qui concerne Marot, grand pécheur devant l’Eternel, je ne suis pas certain qu’il ne se sentirait pas mieux aux enfers à jurer, à se pochetronner, à courir la gueuse et à jouer aux dés.
Et à blasphémer tout en chantonnant son 1er pseaume, le 6ème :

Ne vueille pas, ô Sire, 
Me reprendre en ton ire,
Moi qui t'ay irrité,
N'en ta fureur terrible,
Me punir de l'horrible
Tourment qu'ay mérité.

Quand on le compare avec la nouvelle mouture de Roger Chapal (1970) je vous laisse apprécier. Et seuls juges : 

Seigneur qui voit la peine
Où le péché me mène,
Cesse d'être irrité !
Dans ta juste colère 
Ne sois pas si sévère
Que je l'ai mérité.

Entre nous, seul le point d'exclamation de Chapal modernise le texte de Marot. Le reste n'en est que très mauvais. Que de progrès dans la langue et la poésie faits depuis 1539 en 478 années. On en tombe sur le cul.

A suivre : la langue de Marot.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire