samedi 7 juin 2014

Lettre à un camarade de Gauche*!


Camarade de Gauche,
et très cher Ami, sais-tu que moi, ton bailleur je suis bien plus pauvre que toi, et cependant, tu ne m’as jamais vu me plaindre ? Non, non, ne proteste pas. 

Vois comme la vie est injuste : en effet, j’ai beaucoup plus travaillé que toi et lorsque tu vois le résultat… En douterais-tu ? 

N’avais-tu pas senti les callosités de mes mains lorsque nous nous saluions? Des mains dures, sèches, toujours douloureuses le soir d’avoir trop trimé. Non, non, ne m’interromps pas, je te prie. Oui j’ai beaucoup travaillé pour te permettre, par exemple de trouver un logement décent à des conditions défiant toute concurrence.
Cher, très cher locataire et encore ami de Gauche, comment peux-tu trouver normal de recevoir une retraite tous les mois et, dans le même temps me couper mes moyens d’existence ?

Moi, je suis pauvre. En doutes-tu encore ? Alors, parions. La mise ? Oh, simplement ces 3 euros et quelques centimes que je te réclame en augmentation de loyer mensuels et que tu me refuses. Oui, ces trois euros et quelques centimes que tu me plains et dont tu fais tout un plat, un casus belli.

Hé, ho ! Pourquoi enfourcher ton destrier des combats inutiles ? La guerre, tu sais y entrer mais, pour en sortir, tu risques fortement  de vider les lieux avant peu.
Hé, oui : un locataire qui refuse de payer l’intégralité du loyer se voit toujours expulsé, ce qui n’a rien que de très normal. Tu serais à ma place que tu ferais comme moi si, en bel abruti, je refusais de te payer l’augmentation modérée de loyer que tu me réclamerais, camarade de Gauche.

Il est un sujet qui m’inquiète grandement et dont j’aimerai bien m’ouvrir auprès de toi. Vois-tu, les quittances de loyer, tu estimes à bon droit me régler le loyer au plus juste prix, le tien, celui que tu penses raisonnable, cela s’entend mais tu ne tiens pas compte de deux facteurs importants. 
Tout d’abord, en bon français, quittance de loyer signifie qu’en contrepartie du règlement en argent de l’intégralité d’une location, tu es autorisé à occuper les lieux que je mets à ta disposition et je te remets un papier attestant du versement intégral du prix du loyer.

Ensuite, ta signature t’oblige, sur l’honneur, à respecter tous les termes du bail, si j’ose m’exprimer ainsi. Et comme le dit si bien notre grand et bien-aimé camarade Mélenchon, dont nous sommes les suiveurs, toi et moi, ce n’est pas bien ce que tu me fais, à moi ton camarade. Tu me dirais : 
-Mais l’indice à la construction, on s’en fout. Et puis, qu’est-ce ? Une ruse des riches pour abuser des pauvres…
Mais non. Tout simplement un encadrement des loyers pour que tous y trouvent leur compte, du locataire protégé d’un dérapage "abusif" du prix du loyer à l'entretien de l'immeuble par une légère augmentation du coût à la construction.
Je te vois me dire, pensant avoir raison :
-Le coût de la construction ? En quoi me concerne-t-il ?

Mais, cher Ami et Locataire adoré, ton logement en ses murs et communs, ses toitures, assises, et raccordements, tout cela s’entretient ce qui, à juste raison,  t'incombe comme locataire.
Pourquoi ? Mais parce que je mets à ta disposition mon bien immobilier et que si tu ne l’entretenais pas, tu aurais de mauvaises surprises dues, par exemple, à une toiture qui ne serait pas étanche. Aussi, imagine être celui qui serait sous la gouttière…
Alors, soit tu entretiens ta partie de l’immeuble, soit tu y participes et me laisses le faire.
 -Mais, ce n’est pas moi qui suis cause de la vétusté de ton immeuble.


Bien raisonné, mais en refusant de régler ton loyer, tu ne me permets pas  d’entretenir mon immeuble. Cette augmentation de loyer que tu me dois de par la gentillesse que j’ai eue à t’accepter comme locataire, ce que je commence à regretter, était plus que raisonnable.
Voilà pourquoi, si je ne peux compter sur toi pour les réparations futures et actuelles du logement que tu uses, je me verrai dans l’obligation de constater :
-soit que j’accepte que l’immeuble se dégrade si je te maintiens en ces lieux,
-soit que pour l’entretenir il me faudra trouver un locataire moins "regardant" que toi pour 3 euros et quelques centimes par mois d’augmentation.
Que ferais-tu à ma place ? Eh, oui, accordons-nous pour n’entrevoir qu’une et une seule solution possible qui est dans tes mains.

Tu dis toucher une retraite ridiculement petite : je te l’accorde mais elle est compensée par une allocation logement plus que substantielle, d’aides ponctuelles et de la Couverture Médicale Universelle.
Et dire que j’ai eu pitié de toi lorsque je t’ai accepté comme locataire ! Donne à Bertrand, il te le rend en caguant, oui !

De plus, tu travailles dans un organisme de bienfaisance dont tu as fait ta chose. La générosité publique te donne gracieusement des biens que tu t’empresses de revendre et qui te rapportent la moitié du prix de la vente, une certaine façon "gauche" de s’activer à faire du pognon qui entre dans ta poche. En te servant copieusement. Gratos, quoi !
-Messire  camarade de la charrette à bras, premier servi !

Ton petit bizness, si j’ai bien compris, tu n'en as même pas eu l’idée. Tu n’y investis rien, ni ne transforme. Pire, tu utilises un local sans en payer l'électricité, ni le loyer, encore une fois. Tu récupères gratuitement des dons, tu les vends pour en détourner la moitié du prix à ton profit personnel.
Je trouve, cher ami que tu commences à abuser.

Suis-je ridicule en cette demande d’augmentation ? Tu manques de discernement car je ne réclame qu’un dû que, tôt ou tard, tu devras acquitter faute de quoi, tu devras vider les lieux pour essayer de trouver un appartement au loyer aussi modique que celui que j’ai mis à ta disposition. Et, avant que tu ne trouves, les poules auront des dents.

Je ne te veux pas de mal, mais réfléchis bien. Pauvre camarade de gauche retraité, en toutes choses il faut raison garder : tu te payes au bistrot des cafés à 1 euro 30 tous les jours et ne peut me régler cette augmentation mesurée qui ne représente que trois petits noirs chaque mois. Se faire expulser de son logement pour si peu, est-ce bien raisonnable ? 
Allons, allons, mon bon ami. Il te suffit de vendre une peluche ou deux par mois "à tes pauvres" pour pouvoir t’acquitter, en honnête homme, du loyer en sa totalité.

Soyons sérieux, mon cher camarade de la lutte des classes, je ne suis que ton gentil bailleur de gauche qui ne dispose que de maigres loyers pour vivre. Alors, si tu avais la délicatesse… allons, disons plutôt l’intelligence de me les payer ces tout petits loyers, je serais capable d’arroser cette avancée et suis prêt à t’offrir le café. N’ayant le luxe de pouvoir me payer le bistrot, nous prendrons ce café à la maison, cela s’entend.


Un gentil petit bailleur de Gauche, ce samedi soir, lendemain du débarquement de Normandie, au Vigan.


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