samedi 21 juin 2014

Toutes fleurs artificielles*!


Ma Jeanne préférait l’artificiel en tout, sauf dans les rapports humains : de nylon contre soie, plastique contre cuir et, pour finir, des fleurs artificielles. C’était à n’y rien comprendre d'elle qui était si pétillante qu’elle vous donnait envie de croquer la vie à belles dents, sans artifice.

Cet appétit qu’elle te donnait m’avait fait la repérer au bord de l’Hudson River un soir d’automne où on ne voyait qu’elle dans les feuilles rousses d’automne précoce. Une flamboyance dans un poème, un tableau... que dis-je : un amour de rousse, senteur vanille.

Chez elle, j’étais invité tous les après-midi avec défense expresse de toucher à son corps, si ce n’était qu’un chaste baiser sur la bouche. Je ne deviendrai son amant gentil que bien plus tard, en France.

Jeanne aimait rectifier, à chacun de ses passage, un bouquet de fleurs artificielles, qui trônait sur le buffet du salon, dans un vase couleur bleu de Prusse.
-Serait-ce ce vase qui t’aurait fait aimer ces fleurs des morts ?
-Pardon ? Mais non ! Tu vois comme mes fleurs vivent plus "longuetemps", disait-elle avec l’accent rocailleux de Toulouse.
Oui, parce que Jeanne était française, artiste new-yorkais de fraîche date, toulousaine sûrement et sans nul doute extravagante.

-Mais, Jeanne, elles sentent moins bon que tes bas nylons !
-Mais enfin, Gilou, tu te permets d’aller renifler mes bas derrière mon dos ? Ce n’est pas bien !
-Pas bien ? Mais j’aime t'avoir dans le nez. Dieu, que tu sens bon !
-Mais Gilou, la corbeille de linge sale se trouve dans la salle de bain. Ne me dis pas que…
-Tes petites culottes ? Jamais, Jeanne, au grand jamais !
-Ah ! Tu me rassures. Mais, il faudra que je pense à les laver avant ton arrivée.
-Ce serait dommage, vois-tu ! Parce que tes petites culottes, rien à voir avec les parfums artificiels de tes fleurs. Oh, que non. Rien à voir ! Surtout les Well... quel délice !

Jeanne aimait les fleurs artificielles et le théâtre qu’elle préférait à la vie. Quant à l'amour, ce que je ne saurai que bien plus tard, en France, elle s'en régalait. Moi, je prisais nos rendez-vous timides d'après-midi et les petites culottes de Jeanne que je préférais au théâtre, et à ses fleurs artificielles.
-Comme tu es curieux en ces histoires de petites culottes, et comme tu es étrange, me disait Charlie qui aimait tous paradis, de celui du Diable à celui de Dieu, sans compter du sien propre. .. enfin, la vie, mon Charlie aime passionnément.  
-Mais, me disait-il, les petites culottes est-ce bien de la vie que l'on parle ici ?

Oui, et alors tout s’embellissait lorsque j’offrais ces fleurs à Jeanne qui, elle, pour me faire voir tout le plaisir qu’elle retirait de ce bouquet, fermait les yeux pour se plonger dans le parfum de ses artificielles et me permettre d’aller m’enfermer dans la salle de bain en tête à tête avec ses petites culottes.
Voyez comme la vie est bien faite et qu’un rien peut nous ravir !

Et vous, parlez-nous encore et toujours des senteurs de votre vie, s’il vous plaît, en cette fête de la Musique… Merci ! 
Merci qui ? Merci Jeanne, ma rouquine coquine !

Ce samedi 21 juin 2014, fête de la Musique. Gilou, pour son plaisir !

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