samedi 21 mai 2016

La taule avec sursis


Nous recevons un courrier d’Anne A. très inquiète car son compagnon, condamné au Tribunal de Grand Instance de B. ne réalise pas la gravité de la situation, mais alors là, pas du tout.

- Chère Ménie. Je sais que Gilou a écopé d’une peine d'un an de prison pour violence volontaire réduite à 4 mois en appel, effectuée à la maison d’arrêt de Nîmes, assortie de deux ans de mise à l’épreuve avec 6 mois d’obligation de soins.
Mon copain, lui clame à tous que le tribunal, en faisant preuve de clémence montrait que son affaire ne présentait pas de gravité exceptionnelle. Pourquoi ? En ne suivant pas les lourdes réquisitions du procureur, mettant ainsi en doute la parole des gendarmes qui faisaient état d’un refus d’obtempérer à se soumettre à une prise de sang.

Or, je suis inquiète car j’ai beau lui expliquer que, d’abord le tribunal n’a en aucun cas infirmé le rapport de gendarmerie, qu'ensuite les 8 mois de prison même si assortis de 2 ans de sursis, l'amende de 135 euros, (il est au RSA), l'obligation de 6 mois de soins pour conduite en état d’ivresse (positif au ballon), refus d’obtempérer à se soumettre à une prise de sang (ce qui n’est pas de la responsabilité de mon compagnon, il est vrai, la gendarmerie aurait dû le contraindre), non présentation de l’attestation d’assurance, cela fait fait beaucoup.
Si je dois remercier les juges pour leur clémence, mon compagnon n’a encore rien compris de la gravité de sa condamnation et des obligations draconiennes qui en résultent. Et donc des risques encourus.

Il est vrai que nous n’avons pas encore reçu les attendus du jugement, mais moi je sais que mon mari, en minimisant sa condamnation, se met en danger parce qu’il n’a pas bien compris la sanction qu’il traite à la légère pour fanfaronner. Tenez, il croit même qu’il lui suffit d’avoir un certificat médical de son médecin traitant pour montrer qu’il est guéri. Mais, moi je lui dis qu’il doit se soigner pour son alcoolisme en allant suivre une thérapie chez un psychiatre. Parce qu’il boit souvent, et souvent trop. Lui, il se moque de moi. Pareil, il me demande : "C'est quoi cette connerie de SPIP, encore un sigle qui sert à rien ?"
Voila le but de ma lettre : pourriez-vous demander à Gilou, que mon copain adore pour son humour lui expliquer les choses mieux que moi pour lui mettre un peu de plomb dans la cervelle ?».

PS : Mon compagnon, ayant refusé l’assistance d’un avocat et de faire appel me dit encore que s’il y avait eu recours, son affaire se serait déballonnée au tribunal, surtout pour les gendarmes. Il est fou ! J’oubliais de dire que son affaire a été jugée en dernier, ce qui pour lui était un bon signe.
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La réponse de Ménie : Chère Anne. Merci de nous témoigner autant de confiance. Votre lettre méritait une prompte réponse et, Gilou absent pour cause d'une semaine de prolongation pour décuver de sa Féria de Pentecôte de Nîmes, je prends la liberté de vous répondre de femme à femme. Toutefois, j'ai demandé le péremptoire conseil de l'ami Américo qui, tout poète soit-il n'en a pas moins les pieds sur terre. Je vous livre son appréciation :

- Ménie, mais qu'est-ce qu'elle peut bien foutre, ta copine Anne avec ce type, cet abruti de naissance. Croire qu'il peut évoluer en mieux ? Foutaise ! Elle doit aussi avoir un pet au casque à s'inquiéter sur ce moins que rien qui met tout le monde en danger au volant en croyant faire la nique aux flics et aux juges.

Ma chère Anne, vous voudrez bien excuser le franc parler d'Américo. On ne le changera pas. Et, comme il dit si bien : "Ménie, fallait pas me demander mon avis, si c'est pour te fâcher." Voyez, Anne qu'un avis n'est jamais de trop, même si Américo pousse un tantinet.

Sachez, tout d’abord que lorsque nos hommes se font mauvais garçons, ils ne font pas dans la dentelle. Ce qui saute aux yeux dans votre lettre est votre désarroi bien compréhensible. Si je m’autorisais une privauté, et je sais que vous ne m’en voudrez pas, nous devrions constater toutes deux qu'Américo ne peut qu'avoir raison : votre homme ne serait qu'un parfait imbécile. Quoique abruti soit plus adapté.

Entre-nous, la femme que je suis se met à votre place et nous savons la gravité de toute condamnation et son inscription au casier judiciaire. De plus, elle crée un précédent qui aggravera toute condamnation future en indisposant les juges, et surtout cette mesure de clémence se retournera contre lui  en cas de nouvelle condamnation : on y fera référence.
- Voyez, on lui fait confiance pour s’amender. Et quel en aura été le résultat ? Une récidive. Tapons un peu plus fort, cette fois.

L’amende, vous le constatez est proportionnée à ses revenus, et même inférieure à ce que nous pourrions nous attendre dans un tel cas, quoique votre compagnon dise. Par contre, l’obligation de soin, pour anodine qu’elle soit sera du ressort d’un psychiatre et son suivi contrôlé à chaque convocation d’un service judiciaire, le SPIP. Et, gare à ce que votre compagnon s’y soumette bien, faute de quoi il serait convoqué par le Juge des Liberté qui pourrait le placer directement, et sans autre forme de procès pour effectuer ses 8 mois de prison à la moindre incartade.

Passons maintenant au sursis de 2 ans accordé à votre compagnon. C’est ici que les juges, en accordant cette sorte « d’indulgence » dans leur jugement se montrent redoutables pour le condamné. En effet, à la moindre infraction constatée par les services de police dans laquelle votre compagnon serait impliqué, la prison ferme serait de rigueur : que ce soit pour l’alcool au volant, le défaut d’assurance, un refus d’obtempérer ou pour tous autres délits ne relevant pas du code de la route transmis au Procureur de la République, le sursis tomberait.

Après avoir transmis ma réponse à votre lettre à Gilou pour qu’il me donne son avis, il me charge de vous transmettre ses salutations ainsi qu’à votre abruti et me demande de vous rappeler ceci :

PS de Gilou :
Une affaire jugée en dernier ? Quand il n’y a plus d’avocats et que vous ne pouvez plus y recourir si vous vous sentez en danger ? Et sans public, l’affaire jugée au nom du peuple français se déroulant en une sorte de huis-clos…  quand bien même ce serait la honte du système judiciaire français, et il n’aura pas senti le danger ? Votre compagnon est réellement abruti, comme le dit si bien Ménie.

Croire le sursis de deux années de prison anodin serait se tromper lourdement sur la volonté du juge. Celui-ci en use pour diverses raisons trop longues à énumérer. Mais, sachez bien que cette mansuétude n’est qu’un cadeau intelligemment empoisonné offert par le juge  qui, se lavant les mains de toute détention d’un condamné ne signifie pas moins qu'il le place face à ses responsabilités et que, s’il se retrouvait incarcéré il ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même.

Mon dernier conseil, Anne ? Que votre abruti se tienne tranquille pendant deux ans, qu'il fasse montre de sa bonne volonté en allant voir un psychiatre et le SPIP pour éviter le Juge de la Détention et des Libertés qui pourrait le faire incarcérer, et peut-être que cette période d’apprentissage salutaire lui permettra de ne plus se mettre en danger sur la route ni risquer d’écraser son prochain suite à une alcoolémie redoutable pour tous. Et vérifiez-bien qu’il ne boive plus et assure son véhicule, quand bien même la conduite sous emprise alcoolique ou la drogue équivaut à une conduite sans assurance.

Et qu’il arrête de croire qu’il peut narguer impunément la maréchaussée : ils sont dix chats de gouttière à la brigade contre un gros chien perdu sans collier qui se croirait permis de caguer* sur la voie publique en oubliant la fourrière. Et, rappelez-lui qu’un chat qui veut tuer son chien l’accuse toujours de la rage. A lui de prouver le contraire !

*caguer : faire ses déjections.

Mon dernier conseil ? S’il ne veut ou ne peut s’amender ? Ne le menacez surtout pas de le quitter. Oh que non !  Un vaurien doublé d’un ivrogne mériterait-il votre inquiétude ? Non. C’est pourquoi vous le quitterez sans regret : à tant faire le con, il ne vous aime pas !
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Nous recevons ce jour, 23 mai 2016 à 23h15 une boulette bien sentie au parfum de chiotte du copain d'Anne qui ne semble plus apprécier l'humour de Gilou dont l'intitulé : "Gilou, je t'emmerde !" est tout un poème. Suivent quelques mots de la même eau de toilette : "Tes conseil, tu sais ou je me les met ? Au chiote. Abruti toi-même !" (sic).


Réponse du berger à la bergère :
"Collègue, écoper d'un sursis de deux ans c'est comme si tu étais en prison sans y être tout en y étant. La différence ? Simple : tu es à la fois le détenu et ton propre gardien, crapule et maton à la fois... tu arrives à vivre avec ça ? Comme cela ne coûte pas un rond à l'état, ni pour le gardiennage, ni pour nourrir le détenu, imagine que pour une fois tu te rendes utile. Les juges ne t'auraient-ils pas couillonné quand même pendant deux ans, et deux ans c'est d'un long, long comme le carême espèce d'abruti qui n'a rien compris à rien. Capice ? Aussi Gilou te retourne ton compliment enveloppé dans un joli paquet cadeau. Et ruban assorti. Et à chacun sa merde ! Espèce d'abruti. 
                                                  Signé : Gilou, ton copain."

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