mardi 27 décembre 2016

Il était une fois rien - 1



Il était une fois… C’est ainsi que commençait l’histoire de Noël que je prenais plaisir à vous confectionner en sorte de petit conte traditionnel. Bien calé par d'épais coussins dans mon lit, je m'attelais à une lourde tâche, croyez-le avec la hantise de la page blanche...
J’attendais d’avoir achevé mon œuvre pour en trouver le titre. De l'histoire qui vous émerveillerait je n'avais pas le moindre début de commencement, ni l'argument, ni la trame, ni les dialogues. Rien de rien. 

"Il était une fois... m'ayant toujours réussi, j'écrivis ces mots, les scruptais longuement puis me mis à rêvasser. L'histoire... oui, mon histoire je la placerais au XVIIème siècle lorsque les villages de nos Cévennes bruissaient de vie, d'amour et de ce doux contentement de soi d'avoir avancé, si ce n'est achevé son dur labeur après chaque journée. Je m'y voyais, transporté à l'époque et transfiguré et, pour une fois dans ma vie je pouvais contempler cet autre moi-même dans ses habits de pauvre paysan cévenol.

Et, voilà que dans le cantou, le soir à la veillée, je me mettais à redécouvrir ce passage merveilleux de Luc (Ch II, v. 1 à 7) sur la Nativité dans la grosse Ostervald signée par le Pasteur Jacques Blanc en 1681 et offerte au temple de Bréau à la communion de Carles Baptiste, l'aïeul qui eut soin d'y inscrire "Que celui qui trouvera cette Sainte Bible la ramène à Carles, Jean-Baptiste de Bréau ou à ses enfants", puis son ascendance suivait avec tous les Elie, Abraham, Gédéon ses pères et Françoise, Anne, Elisabeth ses mères disparus depuis des temps bibliques immémoriaux... 

Cette Bible enserrait, pour les conserver et toujours à rattacher à son passé de huguenot les noms avec les dates de naissance, de baptême, les mariages suivis toujours d'une croix et d'une autre date pour bien marquer la fin d'une vie terrestre et bien signifier qu'ils étaient en attente de la Vie Eternelle. Et que nous les y retrouverons un jour.
S'y trouvaient aussi les évènements importantes, les années de disette, le décès d'un ami cher, le passage d'un pasteur célèbre tel dimanche au temple de Bréau ou les inondations catastrophiques avec des annotations telles que "23 oct. 1779, le Pont de Bréau-Salagosse emporté. 4 poules noyées", le tout écrit sur la page de garde qui n'y suffisait plus par des mains malhabiles trop habituées aux durs travaux.

Puis, éclairés par la lampe à pétrole familiale et le feu dans la cheminée, des châtaignes grillant en éclatant, mon pantalon de travail pendu séchant à la douce chaleur, avec l'aïeule acagnardée se faisant oublier dans son coin et s'esquintant les yeux à repriser ma chemise, maman et nos chiards ensommeillés mais pas encore couchés et quelques voisins, ce bonheur tranquille nous suffisait. Ensuite ? Nous entonnions quelques beaux psaumes traditionnels, tiens, le XXIIIème de Marot si difficile à bien tenir parce que modal et que sa musique, par commodité scinde malheureusement en trois strophes ce psaume du bon Berger.

Du monde dans toutes les maisons, les traversiers cultivés, les sources et les béals bien entretenus, les vergers de châtaigniers jusqu'aux hauts des montagnettes, tous nettoyés et les pacages épierrés. Et des chèvres, et des ânes, et des mulets partout. Et des poules. Et des cochons. Et plein d'enfants. Tiens, j'espérais une bonne récolte d'olive, le raisin déjà pressé, les châtaignons remisés bien au sec et aérés. Avec le seigle et le blé, plus les fruits secs, le potager, on pouvait voir venir l'année, le tabac, c'était pour ceux de la ville.

Or donc, dans des veillées j'avais entendu raconter plein d'histoires terribles sur  l'abbaye du Bonheur, de perditions et je me faisais fort de mettre en perspective le récit qui commençait à prendre corps dans ces restes de forêts profondes, étouffantes un pays aux chemins peu fréquentés ni sûrs. Des brigands, on n'en avait moins en notre pays où on ne plaisantait pas avec la Loi donnée à Moïse, non. Mais, le danger est qu'ici, en Cévennes on tourne trop souvent en rond autour de la religion et on finit par s'égarer en perdant les autres avec soi dans des guerres heureusement terminée, que Dieu bénisse notre grand Roi Louis le XIV exultait toute la gent catholique cévenole.

Ah, oui je mettrais dans mon récit beaucoup de neige. Plus un jeune paysan. Mais il faudrait trembler pour lui. Et si on le faisait se perdre dans la neige, et parce que la neige c'est immaculé, et que cela marque mieux un récit de Noël ? Je veux surtout des loups, et affamés si possible. Mais la neige, c'est froid, j'y pense, mais qu'est-ce qui pouvait bien motiver cet écervelé à ainsi risquer de perdre sa vie vers l'abbaye du Bonheur, et en un hiver de chutes abondantes ? J'ai trouvé : c'était un novio qui, rejoignant sa promise se sera perdu. Bravo, Gilou. De l'amour, ça fleure toujours bon. Et d'où venait-il ? Et qu'allait-il y faire ?
On verra ça après.

Donc, la neige et le brouillard à 1100 mètres d'altitude. Les forêts profondes. L'autre abruti se sera bel et bien perdu dans le brouillard qui occultait le soleil. Ouuuu, le loup ! Oui, oui, des loups et une poursuite acharnée. Le rattraperont-ils, se battrait-il contre ?... Vous le découvrirez tout comme moi, patience.
Non, pas de combat féroce. Faudra bien qu'il atteigne in extremis l'abbaye. Mais la cloche qu'on tirait pendant toutes les nuits de danger, on ne l'entendait pas. Pourtant, on devrait car on n'en était pas si loin. Oui, mais le brouillard et la neige étouffaient les sons.
-Mon Dieu, je suis perdu. J'implore votre secours.
  
Catholique, il voussoyait Dieu. Normal, ceux de la montagne, voussoyeurs de Dieu sont souvent et plus polis et plus que serviables avec les humains que ceux des vallées, nos raïols tutoyeurs qui ne craignent que le courroux de Jéhovah.

A suivre...

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