jeudi 12 janvier 2017

Une pause... - 1

Ce jour de la Saints Innocents, je reçois en cadeau un texte dans lequel, de but en blanc on me remercie par avance de le glisser sur le Blog. Rien que ça et comme si cela ne dépendait que de moi ! Bon, comme on me met au défi... mais, plus de ça entre nous, Alfred !
Comme Gilou balançe, je transmets à la rédaction dont voici le compte-rendu, en raccourci :
- Américo, ton sentiment, toi qui as lu.
- Moi ? Ce que j'en pense Ménie ? Mais que ton jugement peut se passer d'attendus. Sauf que c'est encore du Gilou déguisé en Alfred. Encore et toujours lui. Ne peut s'en empêcher !
- Mais, non. Mais, non ! Il en est incapable.
- Qu'est-ce qu'elle dit, Ménie ?
-Rolando, la dame te dit qu'Alfred raconte une belle histoire ! Et moi, je dis qu'Alfred n'est autre que notre incapable...
- Alfred qui ? Un incapable ?
- Alfred, oui et Fannie aurait reconnu son homme si elle n'était repartie en Afrique. Encore une histoire pour bonnes femmes avec plein de misères servies. Pas vrai, Américo ?
-Pas de ça, Pierrot. L'écriture plaît. Surprenante. De l'eau de rose ? Si on veut, mais pas mal. De la bonne et grosse tendresse. Pour nanas, oui mais pas que. Géniale ? Ben, si Ménie te le dit ! Pas vrai, Gilou ?
-C'est ce que tu penses aussi ? demandais-je à Américo.

Il m'a regardée, glissé un clin d’œil puis haussé les épaules d'un qui n'en avait rien à battre de ce texte. Sacré Américo, mais que je vous rassure, Alfred il vous apprécie. Une petite jalousie ? Avec lui, attendez-vous à tout !
Mon cher  Alfred, c’est moi qui vous remercie pour l’amitié que vous m’accordez en nous offrant ce gentil texte et, comme  je suis la meilleure amie de Fannie, je ne me refuse rien. Pas vrai, Gilou ?
Je vous embrasse, et toujours vôtre, et bonne et heureuse année, 
 
                                                                                          Ménie.
PS : Je ne connais par encore l’entièreté de l’écrit mais les premiers feuillets sont prometteurs. Je suis emballée. A découvrir ensemble.

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Dimanche 6 mars 1985.  Je vis avec ma télé qui parle, qui parle... A n'en plus finir. Elle ne cause même qu'à moi, je le sais sauf que j’peux pas lui répondre. Tu dirais mon ex. Oui, mais au moins me tient-t-elle compagnie. Parfois, elle cause pour ne rien dire, alors je lui coupe le sifflet. Ça ne la dérange pas. Toi, tu ferais la tête jusqu'à te refuser quand je t'énerve à faire semblant de t'écouter attentivement avec ces yeux de fou qui sont déjà à t'imaginer nue, couchée dans mes bras, toi encore toute habillée qui considère que le bonheur consiste à prendre son temps à parler, à se mettre à l'aise.
- Tu me prépares un thé ? Comme si on avait tout notre temps.
Tu gâches, chérie, tu gâches. 

Une pause...

Ah, oui, ma télé... je disais que j'hésite à lui couper trop longtemps le caquet, à ma télé car alors je me retrouve comme un môme seul dans le noir, les draps sur le tête pour me protéger du silence.
Bon Dieu, pourvu qu’elle ne tombe pas en panne ! Oh, que non, ma télé !

Et Tibère qui ne rentre que pour partager mon repas.

Une pause…
Tu peux me demander ce que tu veux : pas fumer, pas bander pour un beau fusil ou une peinture, ni chasser, ni manger, ni boire. Pas même respirer, je pourrais.
Mais ne me demande pas de me séparer de ma télé car, même quand je l'éteins, elle est belle et j'aime la regarder. On dira que j’aime un meuble ? Oui, comme tout ce qui m’est indispensable. Comme toi, mais qui serait toi en pire !
En pire ? Pardon je n'efface pas. C'est amusant... mais non, tu me comprends !
Tiens, là dans ton cadre fixé à la porte tu me souris comme lorsque tu franchis notre seuil en retirant ton manteau pour ensuite faire glisser lentement, telle une star ton écharpe de soie colorée le long de ton cou tout en m'embrassant du bout de tes lèvres peintes, et moi je sais à cet instant que tu ne repartiras jamais de chez nous, toi l'irréelle dont la venue me surprend toujours.

Une pause...

Mais, qu'est-ce qui m'a pris de te punaiser sur ma porte d'entrée. Quand je l'ouvre pour te recevoir, ton image disparait puis, lorsque je la referme, tu es encore et toujours sur le seuil, toujours en entrance, jamais en partance. Même quand tu es déjà au loin chez toi, tu es toujours avec moi à me sourire. C'est chaud et épuisant..

Une pause...
Tu sais, je ne sais pas vivre sans ma télé, alors que sans toi, tu m'as appris. Mais un apprentissage subi même si, aujourd’hui je ne sais que t’espérer en ne quémandant rien.
Elle au moins ma télé me permet de ne plus t’attendre en impatience. A tant vouloir que le temps ne respire plus, à tant le serrer et ne le garder que pour nous, je m'étiole. Et qui a dit qu'à trop serrer le temps ce n'est pas vivre parce que tout vous échappe ?
Tiens, on dirait que ma télé s'est rapprochée de moi. Une hallucination ? Je ne sais plus.
                                                                       
 J'allais oublier : je t’aime tant.

Une pause...

J’arrête d’écrire, la télé fermée, allumé la radio. Tiens, une info. Attends, attends... L'archevêque de Paris, Lustiger demande que la France n'aide pas financièrement le prochain film de Martin Scorsese, la Dernière Tentation du Christ, son nouveau film pas encore sorti. Après l'avoir vu avec des journalistes en avant-première ? On ne le dit pas. Rien que sur l'énoncé du titre ? On dirait. Suffisant pour forger son opinion ? Amusant.
Mais, nous, on s'en fout de Scorsese, de Lustiger, du Pape et du Saint Frusquin.
Et Tibère encore en goguette, à vadrouiller à la gueuse. Il ne rentrera que sur le matin par la chatière. Penser à le castrer ? Ça te déplairait, je le sais, mais pourquoi pas ? Pour te punir ? Oh, mais tu as de ces idées !

Une pause...

De toute façon, je peux te dire ce que je veux dans mon cahier puisque tu ne le liras jamais. Bon. Pour la castration de Tibère, pas question parce que j'aurais la sensation qu'elle s'appliquerait sur moi, déjà que quand tu ne viens pas, tu me rends impuissant pendant toutes mes longues attentes.

Une pause...
  
Tiens, un jour je me la glisserai sous les draps, ma télé, à bien me la fourrer au lit, ma télé. (Hé ! C’est une blague). Putain, qu’elle est lourde. Et encombrante. Mais, elle me tiendrait chaud toutes mes nuits sans toi et, Dieu seul en tient le décompte. Et si longues en ton attente.
Ce soir, j'ai encore mangé léger avec Tibère qui monte toujours sur la table à tout contrôler. Je sais que ça ne se fait pas de manger avec deux assiettes dont l'une pour le chat, mais tu n'auras qu'à venir plus souvent pour t'expliquer avec lui. Moi, je n'y arrive pas. Il quémande tout le temps du repas et je ne peux refuser sa compagnie à ma table. Après, il s'en va.

Le ventre léger, je dormirai mieux, sans rêves. Tiens, je m’avachis sur une chaise quelques instants, le nez sur mon cahier et je me dis que, sacré bon sang de bonsoir, faut que j’éteigne souvent ma télé pour rester un peu avec toi parce qu'à force, j'ai la sensation que ma télé se mettrait bien entre nous. Pour nous séparer, sans doute. T'en penses quoi ?

Une pause...
 
C’est pas vrai, pas croyable mais je sens que je t’aime encore plus quand tu es absente. Bien vrai, ça. Vrai de vrai. Certains diraient que je commence à tourner maboule, déjà que tout à l'heure j'ai en l'étrange sensation que ma télé s'était rapprochée de moi, tu vois ?
Mais, sans toi, j'ai besoin de ma télé. Et de Tibère. Et ça, tu peux comprendre. Mais, vous, ma belle ne me tenez compagnie que par votre seule absence plus pleine que vos présences trop vides parce que bien trop fugaces.

Une pause...
Dieu, que tu es belle et bonne pour moi. Et, Dieu sait que je t’aime. Mais tu n'es pas là. Bon. Je rallume la télé. Elle aussi est longue à chauffer. Aussi, j'en profite pour t’embrasser. Comme si je pouvais. Bonsoir, mon amour.
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Ndlr : Ménie s'est chargée de la mise en page. L'idée des "pauses" ? Elle y tenait absolument. Tant pis pour nous.

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