mardi 24 septembre 2013

Le racisme en prime* !


-Dis, Americo, c’est quoi le racisme ?
-Va vivre dans le 93. Même toi l’arabe, tu y ferais tes humanités.
-Oui, mais encore ?

-Moi, j’ai mon bon arabe, toi ! Observe comment certains ont éduqué leurs gosses, les grands parents n’ayant pas mieux réussi.
-Seuls les arabes seraient cause de délinquance ?

-Je suis portugais et j'affirme que la racaille nous a emmerdé moi et mes voisins : on insulte les vieux gaulois, on dégrade le mobilier urbain, on vole, on maltraite les filles qui portent jupe. Quant à la drogue, n'en parlons pas !

-Attends encore : une nuit, j’ai rêvé de la Gendarmerie algérienne, l’espérée qui venait aider nos policiers et leur apprendre à mieux aimer nos jeunes beurs si tendres. Et de l’utilité du bâton. Mon réveil fut triste car rien n’avait changé dans la cité. Horreur, malheur, comme tu dis si bien.

Youssef, passant la tête dans l’encoignure de la porte, se régalant d’une dispute et qui, comme tout algérien qui se respecte ne peut pas ne pas y mettre son grain de sel.
-Eh ben, mon Rico. Tu nous es revenu de Saint-Denis en sanctifié. 
-Avec deux arabes, je ne fais plus le poids !
-Pas d’amalgame, Américo. Ici, nous avons un arabo-algéro-canadien-musulman, Youssef, un franco-algérien-berbèro-chrétien, moi-même et un portugais sans aucun doute athée, et de ce fait ni musulman ni chrétien, le pire en humanité pour tout bon croyant qui se respecte.

-Foin de terminologie. Dans le 93, que la racaille soit algérienne, franco-algérienne ou algéro-canadienne, musulmane ou autre, on n’en a cure. On ne regarde qu’aux règles de bon voisinage.
-Cher, très cher sociologue, que penses-tu des phénomènes racistes ?
-Le racisme a toujours existé et se nomme la connerie humaine, induite par des comportements inacceptables d’une communauté que je ne citerai pas pour ne pas être taxé de raciste-préférentiel. Si certains n’ont pas compris que le bien vivre est la seule règle à ne jamais transgresser et qui pensent qu’à force de tracasser le voisinage on finira par se faire aimer, ils se mettent le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

-Tu estimes que le racisme est un brandon allumé par le non-respect de l'autre ?
-Tu vois, Gilou, que tu finiras par devenir intelligent à mon contact : le racisme, c’est un gros mot. Un mot qui tue, parfois.

-Tu disais, Youssef ?
-Le racisme est toujours une réponse collective : l’individu se réclamant de SA société est interdit d’amener une réponse individuelle, raisonnée, intelligente pour bien vivre. Interdit par les deux groupes en contact conflictuel.
-Mais encore, Youssef ? 

-Il s’agit de deux réponses divergentes antagonistes qui pensent protéger des fondamentaux existentiels en danger : puis-je vivre avec tous individus issus de tel peuple ? Dois-je évoluer, accepter leurs coutumes sans risque d’une contagion irrémédiable qui détruiraient les bases de ma civilisation et de ma culture ?
-Donc le racisme ne serait qu’une réponse communautaire au questionnement du vivre avec et sans danger ? Oui,... Américo ?

-Le racisme demeure un constat de faillite en fin de non-recevoir : je ne veux ni connaître, ni relationner, ni intégrer, ni maintenant, ni jamais, quels que soient les efforts consentis.  Pour accepter les différences, encore faut-il qu’elles soient reconnues comme bonnes, valables pour l’ensemble de la société intégrante. Le sont-elles ?
-Le racisme, négation de l'autre, n'est qu'un constat d’échec exprimant, non le rejet de l’autre, mais de tous les autres. Qu’en penses-tu, Américo ?

-Excuse, Américo… mais nul ne peut, dans la société religieuse s’intégrer s’il ne prend la religion dominante, ne change de prénom et façon de vivre. L’intégration sociale est chose individuelle. Or, tant que l’Etat se trouve en présence de l’arrivée sur le sol national d’un groupe fortement constitué en bloc résolu, incassable, l’intégration ne se peut faire. 

-Pas d’accord. Vois les indochinois qui s’intègrent parfaitement à la république française. Et rapidement.
-Effectivement, mais leurs mœurs et leur religion ne sont  pas perçus comme dangereux. Mais, à long ou court terme, on ne voit rien venir dans l’intégration des musulmans. Désespérant.

-Le racisme se vivrait en sentiment… Tu disais, Américo ?
-Sentiment, je t’en foutrai. Vas vivre en Seine-Saint-Denis et tu m’en reparleras. L’Islam ne pose pas problème. Ce sont les comportements. Voyez les Roumains, pourtant chrétiens qui sont sujets au racisme et à l’exclusion parce qu'on les confond avec les Roms considérés comme inassimilables. On les expulse, donc.

Mais alors, comment s'intégrer quand on est Roumain et pas autorisé par la France, "pays d'accueil", ni à résider, ni à travailler ou qu'on est algérien et qu'on estime que la France nous doit toute une part de colonisation non soldée. Ceci expliquant le cela de cette "impossibilité" à s'intégrer. 

-Dites, les gars… je vous propose de prendre l’apéro. Je te sers un pastis, Youssef ?
-Pas pour moi, Gilou, je suis musulman.
-Je le savais, mon garçon. C’était pour te taquiner !
-Tu m’as bien fait rire, mon Gilou. Ouais !

-Dites, les gars, j’aimerais bien qu’on puisse approfondir la connotation sexuelle du racisme.
-Il est vrai que du temps de la colonisation en Algérie, le colon se tapait les petites fathmas, nos filles, mais interdisait que l’on puisse se marier avec les leurs et, même les regarder impliquait la bastonnade du bougnoule, la française d’Algérie étant tabou. 

-Evidement, la pureté de la race implique l’impossibilité de croisements inter-ethnies. Il suffisait de  maintenir l’autre en sujétion, poser en règles générales l’interdiction du "mariage" des peuples et déclarer l'autre inassimilable, l'autre étant trop différent.
 
-C’est vrai que le racisme juge l’autre dangereux, non reconnu en sujet mais devenant objet.
-Oui, ici une race est supérieure à l’autre. Et c’est le dominant qui détermine le rapport de sujétion parce qu’il dicte le droit et interdit l’intégration.

-Et puis, vous avez remarqué tous ces petits noms d’animaux : le bougnoule, le bicot, l’arbi, le métèque, le petit-gris, le 99. Quant aux blagues racistes, elles sont nauséabondes et jamais innocentes.
-C’est vrai, Youssef. Comment nommer les natifs d’Algérie et leurs enfants nés en France ? 
Les Pieds-noirs, on sait qu’ils ne sont pas musulmans. Mais, dit-on d’eux les franco-chrétiens, les maghrébo-chrétiens ? Pour les autres ce sont : les arabes, les musulmans, les franco-musulmans, les maghrébins, les franco-algériens, les franco-maghrébins, les beurs (alors que la plupart sont français de souche, nés en France de parents d’origine algérienne,  français de droit). Tu disais, Américo ?

-Eux-mêmes se disent musulmans avant que de revendiquer d’être français. Ah! tu vois ?D’un côté nous avons le raciste qui refuse d’intégrer l’autre qui, n’étant pas désiré, n’a cure d’intégrer la communauté nationale. 
Et puis, si les musulmans français voulaient s’intégrer, cela se saurait depuis qu’ils sont en France, depuis au moins la guerre de 1870, hein, Youssef ?

-M’enfin Américo, ils ont voulu être français pendant l’occupation française en Algérie. On leur a toujours refusé, ou alors avec des conditions tant draconiennes que c’était impossible. Même la France, sous prétexte de les respecter les a laissé avec trois codes de lois. Celles de la république, la Charia et les règles tribales berbère, les kanouns.

-Si je comprends bien, l’Etat français empêchait l’intégration des algériens pendant que les tribus algériennes juives ont été francisées en 1870 par le décret Crémieux, pas les musulmans considérés à l’époque de la colonisation comme non-intégrables.
-Oui. Et quand on sait que la Communauté musulmane était a-étatique puisqu’elle ne percevait pas l’impôt* auprès des musulmans du temps des califats, l’Etat devant faire la guerre ou la course des corsaires en Méditerranée  pour subsister…
* (seuls les chrétiens et juifs étaient assujettis à l’impôt).

-Sachant encore que seul l’Etat peut intégrer et protéger le citoyen du racisme et octroyer la liberté de religion, tu ne peux pas dire, Américo que…
-Youssef, du passé, faisons table rase. Nous sommes en France, en 2013. Il n’y aura pas d’intégration possible des musulmans de France tant que le communautarisme sera de règle chez certains religieux qui empêchent tout un chacun à pouvoir vivre à sa façon son Islam.

-C’est comme casser le noyau de l’atome : l’énergie déployée est tant colossale que tout atteint à la démesure et que les actes de rejet, de délinquance, de racisme et de contre-racisme sont devenus la nature des choses.
Et la mauvaiseté des actions de certains rejaillit sur l’ensemble. Voilà pourquoi, au moyen-âge certains disaient : « tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ».
-Oui, Youssef ?

-Le racisme n’est jamais bon enfant et recouvre un ressenti déclencheur de phénomènes de défense. Pourtant, le racisme ne protège personne, quand bien même il se veut barrière en réponse à des peurs viscérales. Et tant que l’homme sera l’homme, qu’il aura peur de s’ouvrir à toute humanité, le racisme aura de beaux jours devant lui.

-Et puis,  qui peut dire qu’il n’est pas raciste ? Ah! voyez ! Vous aussi…

Mardi 24 septembre, an de Grâce 2013. Pont-d’Hérault-Sumène. Excuse, mon René. Beaucoup trop de mots.


 

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