dimanche 29 septembre 2013

Una storia importante - 3


Tableau d'Isidore Pils (1813-1875)
(Musée de l'Assistance Publique - Paris)
L’année 1936 avait mal commencé. Ma mère est très malade. Une ambulance, gyrophare allumé stationne devant la porte de l’immeuble, deux infirmiers emportent ma mère sur une civière et l’un deux me dit qu’ils vont la placer dans un sanatorium à Berck, dans le nord de la France.
-Au bord de la mer, elle sera mieux…
-Bon, d’accord… Mais nous, qu’est-ce qu’on fait ?
-Ben, vous, vous allez à l’Assistance Publique. Vous verrez, vous y serez bien!

Tu parles, c’est un endroit sordide, l’assistance publique qu’ils l’appellent ! Moi, je dirais plutôt «la sentence publique».
Nous sommes logés, mon frère et moi, au quatrième étage avec d’autres gamins. Par la fenêtre de notre dortoir, on peut voir le Parc Monsouris, très beau mais de loin car on ne peut  y aller. Par la fenêtre du couloir, on peut voir la Prison de la Santé, très moche ! Même de loin, faut pas y aller.

Pendant ce temps-là, dans le monde…
A l’Hôtel Matignon se signent les Accords sur les 40 heures, les congés payés et les Conventions collectives, bravo, les gars !!!

1937. Nous partons, William et moi chez un couple de basques très gentils, dans un petit village à côté de Pau. C’est une belle petite maison couleur locale avec, en prime, les Pyrénées qui se dressent au loin.
Nous allons à l’école à pied, trois kilomètres aller, autant au retour à travers les prés, épiés par les vaches, des chevaux et toute la basse-cour, armés de nos cartables et notre casse-croute que nous dévorons à la récréation dans la cour de l’école. Le maître est très sympa, il me donne des leçons qui me font progresser dans mes études… je suis content, bravo, mon gars !!!

Mes camarades de classe ne sont pas vêtus de rouge mais je ne les aime pas quand même parce qu’ils me traitent de bâtard, mais ce n’est pas grave, j’ai d’autres choses en tête, ma mère me manque et mon frère n’arrête pas de pleurer.

Janvier 1938, les basques ne peuvent plus nous garder. Il fait froid, les prés verdoyants de l’été sont devenus tout blancs, les bras affectueux des pépés se sont refermés sur un dernier adieu. Nous voilà repartis dans le train, par monts et par vaux, regardant par la fenêtre les vaches et les veaux.
Dans le compartiment, une fumée nous agresse, la locomotive n’est pas loin.
Dans le couloir, des enfants heureux jouent avec leurs cadeaux de Noël. Nous les regardons tristement.

Paris, tout le monde descend, l’Assistance Publique est en vue. Eh, oui, c’est reparti pour un  tour et nous y revoilà avec tristesse et les même bonnes sœurs, plus sœur que bonnes, mais ce n’est pas grave, j’ai autre chose en tête, ma mère me manque.
Le temps passe et les frangines repassent dans cette prison pour orphelins dépressifs. Ma tante Berthe, la marchande de bonbons vient nous voir. Chouette, on va manger des chocolats, des caramels !

Non, non, non ! Tata Berthe nous a apporté des œufs. Pas des Pâques. Non, des œufs qui viennent tout droit du cul d’une poule, je veux les lui jeter à la figure mais trop tard, elle s’en va. Au revoir, tata Berthe et au plaisir de ne plus jamais se revoir, bravo la vieille.

Les mois ne font que passer, encore et encore, les carmélites sont froissées, tout m’est attristement quand, tout d’un coup surgit de derrière les fagots… qui çà ? je vous le donne Emile, ma tante Georgette, elle c’est la bonne, la mauvaise, c’est Berthe. Mais, attention, une mauvaise tante pourrait en cacher une autre.
-Viens. Je t’emmène. Tu vas habiter chez-moi pour le moment, me dit-elle, mais je ne peux pas prendre ton frère, je t’expliquerais çà plus tard.
Dommage. J’embrasse mon petit frère, je m’éloigne sans me retourner, avançant dans le couloir, descendant l’escalier. Arrivé dans le jardin de l’établissement «pénitentiaire», je craque et jette un regard en direction de notre dortoir et, derrière la fenêtre, j’aperçois William les yeux remplis de larmes. Cette image me restera en mémoire plusieurs années encore.

Pendant ce temps-là, dans le monde…
Cela va de plus en plus mal.

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