samedi 16 avril 2016

L'enfant-roi - 2


... le roi je ferais !

Les parents, on s’en fout chère petite Nadège ? Personne, ma chère enfant, ni d'une bonne fessée, même si nous te comprenons, nous qui sommes à ce jour peut-être un peu tes descendants. Et aussi parents.
Dans l'histoire d'Antonin, les plus perspicaces d'entre-vous auront relevé l'absence d'une bonne fée et de sa méchante sorcière, les sortilèges plus... que sais-je ? Pour trouver les jeteurs de mauvais sort, nous vous conseillons vos politiques de tous bords qui vivent à vos crochets avec leurs leçons et autres fadaises, ces sans foi ni loi qui ne croient plus à rien, encore moins à eux, n'auront jamais rien fait de leurs dix doigts et vous exhorteront à travailler à la solidarité en se foutant de vous.

Revenons à nos enfants de 2016. Eux non plus ne croient plus à rien, ni en leurs parents, même que le père Noël, dégoûté s'est effacé devant les vidéos porno qu'ils dévorent en SVT (si, ça existe les cours de science de la vie et de la terre), sans mener le souk au soulagement de leurs profs, les yeux rivés à leur portable dernier cri. Payé par des parents aimants. Un enfant occupé ne peut qu'être un enfant sage. Connerie !
Ben, non : seul l'enfant qui fait du bruit ne fait pas de bêtises. Et on sait où il est présentement. Parents, méfiez-vous des taiseux.

Attends, Pierrot pour le moment nous n'en sommes qu'à une révolution larvée bien innocente. Tiens, Firmin me signale que, pour se cacher des parents qui croyaient les connaître, nos mômes inventèrent un cryptolangage, « le jeu de gueux ». Pour l’expliquer en un mot ? Difficile… bien que la chose perdure de nos jours dans toutes les classes du primaire.

La révolution enfantine ne se voulait pas simple jacquerie en s’enracinant dans un principe de menterie tous azimuts : on comptait bien en laisser intact au moins l'esprit aux générations futures. Comment la déclencher ? Simple : suffisait, pour appartenir à la bande, de tous mentir sans jamais se faire attraper.
Puis, on décida mieux : dire la vérité mais de façon telle qu'elle devenait incroyable, et celui qui sortait à ses parents ce qui semblait une craque énorme, histoire vraie à dormir debout, celui-là même recevait une bonne poignée de main de Victor devant l’assemblée réunie. Je ne vous dis pas la fierté qu’il en ressentait.
Vous voulez un exemple ? Valériane, pas encore 8 ans, une blondinette, finette, doucette à la face d'ange avait dévoré tous les gâteaux réservés pour le dimanche. Qui l'eut cru ?
- Maman, c'est moi qui a tout mangé les gâteaux.
- Menteuse, disait la mère. D'abord on ne dit pas c'est moi qui a. On dit... Aaron, viens ici, garnement. Viens prendre ta fessée !
 
Par contre, et trop facile, si on avait dérobé la bourse des parents et qu’on pouvait leur faire croire que c’était la pie, le tout dit avec plein de bonbons dans la poche, la bouche encombrée de sucrerie, celui-là n'était pas récompensé. Toutefois, le jeu du facile dans lequel on se voyait, chacun son tour menteur et spectateur amusait fort l'acteur, mais aussi le parterre, le poulailler et la galerie de ce théâtre vivant impromptu. Logiquement, on décida de s'atteler à faire de tous des dupes, des parents, du guet, du Maître d'école, des adultes... et même de ses copains nunuches.
Mais, par suite de la crédulité sans nom des parents pour leurs bambins, le jeu commença à n'amuser que les plus effrontés, ceux qui tentait même le diable et les fessées terribles de papa.

Plus difficile, tiens : Albin qui arrivait sur ses 7 ans mit un jour en doute l’instituteur en lui affirmant qu’il avait bien rendu ses multiplications et divisions du soir et s’entendit répondre :
-Bien possible. Je l’aurais égaré. Combien croit-tu qu’il valait, ce devoir ?
-Ben, M’sieur… Peut-être bien 12. Sais pas, moi ! S'il recevait un 14/20, que je vous raconte la fête pour le héros du jour. Sans compter un bisou de Carina, sa petite amoureuse. Mais, malheur à qui présentait au Maître ses doigts réunis pour y recevoir un bon coup de règle en bois dur, 
- Aie, M’sieur, mais ça fait mal ! Oui, ça fait très mal. Mais, c'était le bon temps des bons Maîtres.

Quelqu'un décida de vider les burettes du curé. Pardon ? Oui, j'ai bien parlé de celles du curé. Vous eussiez voulu que je remplace le curé par un abbé ? Pas d'accord. Donc, un enfant de choeur vida les dites burettes, oh ! pas tant pour le goût du vin, pouah ! que pour voir l'ahurissement du prêtre lorsqu'il en arriverait à l'eucharistie en constatant que le miracle du vin ne se pouvait plus reproduire, un calice vide. 
Mais, lorsque notre bon curé attrapa le coupable, son enfant de choeur au long cou, on eut une parfaite illustration de la douceur et de la véracité des Ecritures, surtout lorsque Urbain dut présenter la joue. Tendre l'autre aussi. Dès ce jour, celui-ci faisait toujours un large crochet, même devant l'autel, à l'approche de ce curé musclé et colérique. Excellent chrétien, toutefois, que ce bon serviteur de Dieu.

Après ces enfantillages, les enfants décidèrent de faire des picoureilles en chapardage dans les vergers voisins. Manque de chance, et comme le prévoyait Antonin, ce fut un fiasco avec force fessées à la clef. En effet, les enfants volaient tous les fruits en se collant aux saisons, fraises, cerises, abricots, reines-claude, figues, mûres des jardins, pommes, poires, groseilles et châtaignes, sans distinction aucune comme une volée de moineaux. Seuls, les coings échappèrent à leurs larcins. Si encore, on ne dégustait que sur l'arbre ? Mais, non. On cassait la branche du cerisier pour ramener au repaire les fruits. Fastoche, ben oui, plus facile !
La vindicte enfantine cessa par suite de rossées bien appliquées, et parce que les gosses se rendirent compte qu'ils se volaient les uns les autres.

- Et le verger du Roi. Pour notre bon plaisir à se faire une bonne guerre de pommes ? Qui en eut l'idée ? Mystère et boule de gomme. Victor, en général en chef  barbare trouva le lieu de la bataille, les près, plaça la rivière en ligne de front puis constitua les camps. Les armées ? Les filles contre les garçons. Pourquoi cette imbécilité ? Aurélien vous l’expliquera dans la suite du récit.
Une fin de vacances d’été on déroba donc par escalade, à chaque jour suffisant sa peine, autant de pommes que nécessaires à la guerre, pommes de reinette et pommes d'api de sa majesté pour en faire des boulets que l’on se catapultait de part et d’autre de la rivière. Il y eut bien quelques blessures, mais sans gravité surtout chez les garçons-manqués qui rechignaient à batailler, au grand désespoir de Victor.

Plus fort. Maintenant, la révolution consista à l'Imitation pour de Faux des Parents, pour s'en moquer d'abord et ainsi mieux comprendre la psychologie de l’ennemi, les adultes. En cela Victor se révéla fin stratège quand bien même l’idée lui vint d’Antonin qui, lui, poursuivait des buts cachés plus personnels.
Donc, à l’imitation des parents mais attention : uniquement dans le domaine du faire semblant. Pas leur ressembler. Oh, que non ! Parce que nos bambins ne pouvaient concevoir que l’on puisse dire que l’on s'aime pour de vrai et tricher tout de suite après, prenant maîtresse comme les parents, répudiant en roi ou s’en allant visiter la voisine en cachette du copain occupé ailleurs à taper le bout de gras. Pour ensuite partager le bonbon de l’amitié avec le cocu, son voisin ? Ça va pas, eh ? Oh ! 

- On va s'amuser à s'aimer disait Antonin. Oui, à papa-maman, mais pour de faux. Chouette, pas vrai ? Juste on joue. Pas de risque. La dînette... Nos lecteurs remarqueront que le bambin n'adressait sa supplique qu'à Juliette, pas à Annabelle, Valériane... mais toutes se sentaient écoeurées. Même la Juliette.
 - Oui, mais, non, disaient les filles, l’amour, c’est de l’amour et nous, on ne veut pas faire semblant, oh que non ! Pas nous !
- Et voila, disaient les garçons, toujours les filles à faire la tête. Comment veux-tu jouer avec ?
- Ah, non. La dînette, c’est la dînette-de-gueux à la marchande. L’amour, c’est l’amour-de-gueux, répondaient les filles, boudeuses, et on peut les comprendre.

-Victor, explique-leur ! Oui, mais Victor, de sa voix pas encore de fausset ne trouvait pas les mots adéquats. Cette grande gueule, encore dans la confusion des sexes n’en était resté qu’au stade des rapports des forces pour ne considérer les filles, sans exception aucune que comme des garçons manqués avec qui on pouvait se bastonner, ignorer à la rigueur. Mais pas plus. Pour les bisous et les câlins ? Pouah ! Un mimi sur la bouche ? Beurk ! Dégoûtante, va !
Il faut savoir que c’est à dater de ces temps d’antan que les bambins imitent leurs parents. Depuis, la sauce à bien pris dans nos crèches, jusqu'à nos écoles des grands du primaire.

Victor, tout juste 7 ans, le costaud de la bande resté un gros bébé dans sa tête n’avait pas encore passé le stade des jeux agréables du docteur et de sa patiente qui, bonne petite marchande vendait sa salade au petit toubib si curieux des choses de la vie, tout comme elle.
Voila pour Victor, le chef des bambins émeutiers qui mettait en exergue la règle du :
- « On fait ça qu’on veut. Comme les parents, et tant pis pour le roi. Pourquoi ? Parce que. ».
- Et pourquoi parce que ? s’inquiétait le chœur des bambins des volées de fessées à venir et du Maître à la règle si dure.
- Parce que ! tonnait l'impérieux Victor, cette grande gueule, petit début de racaille qui prenait maintenant grand plaisir à trôner, régnant sur son petit monde. Le pied !

Au fait, notre Victor qu'Antonin ne citera plus dans sa chanson de geste, on ne sut jamais bien ce qu'il devint à l'âge adulte, si ce n'est qu'il épousa Annabelle, lui fit de beaux enfants qui se feront petits émeutiers tout comme lui mais qu'il ne fessa jamais, aux grand dam de son épouse, attendant que cela leur passe comme cela lui avait passé, puis devint jardinier du roi. Et, respecté et aimé de tous, même de son vénéré Maître vieillissant qui ne lui en voulait plus de ses enfantillages. 
Notez que Victor, devenu pacifiste ne toléra plus le vol de boulets de pommes de reinette et de pommes d'api du verger royal. Ainsi va de toute bonne éducation. Parents, qu'on se le dise !

16 avril. 2016 Et mes souvenirs. Allons faire promenade, ce jour à la rivière à cochons.

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