mercredi 27 avril 2016

L'enfant-roi - 4

Le roi et l'enfant. 

Dans cet épisode, le roi François, fatigué d'avoir créé l'obligation scolaire pour les garçons et filles quelques siècles avant Jules Ferry se posait toutefois questions sur le bien fondé de son édit puis, fatigué de ne rien faire délèguera tout comme ces parents qui ne savent que renvoyer leurs enfants à d'autres et à leurs chères études : 
- Pour le goûter, tu vois la bonne. Pourquoi crois-tu qu'on la garde ? Ton devoir de calcul ? Pas mon problème. Demande à Victor. Ou maman.
- Mais, Papa, Victor, il est nul ! Et maman, elle comprend rien !
- Allez, fous-moi le camp à l'école au lieu de rester dans mes pattes. En voila un bon papa qui se décharge de son devoir de parent comme si l'école, la servante et maman pouvaient tout gérer sans lui. Quant à Victor, Victor... Il est vrai qu'entre boulot, bistro et dodo avec maman toujours insatisfaite, ce père, seul à travailler pour le ménage baissait les bras. Comme notre roi...
- Et si tu l'inscrivais au centre aéré*, hein maman ?

* (Centre aérés et scouts, inventions utiles du XX° siècle pour bien se débarrasser des enfants. A l'extérieur de la maison. Les jeux vidéo et les portables au XXI°, à l'intérieur). 

Après avoir félicité ce bon père qui sait montrer à son fils qu'il l'aime en lui proposant des solutions utiles à son éducation, nous le quitterons pour rendre compte des amours enfantines.

- Donc, Antonin, tu me voudrais à une dînette d’amour-de-gueux ? Mais c’est nul. Pour finir séparés comme papa et maman ? Pour ce qu'ils se sont aimés ! Ça va pas la tête ? Demande à Romane. Elle voudra bien jouer avec toi.
Romane, amoureuse du garçon n'empêchait que ça n'allait pas, mais pas du tout pour Aurélien tout énamouré et plein de sa Juliette qui en connaissait un brin sur les grands et à qui il ne fallait pas en conter. Se cacher, tricher et lui mentir ? Pas moyen, ni de lui demander de faire comme les parents : 

- Tu copies. Oui, toi Antonin tu te voudrais mon mari. Pour de rire ? Tu ne crois pas qu'ils jouent aussi à ça, les parents, à faire semblant de s'aimer ? Pour ce qu'ils en font, de l'amour... Et ça te plaît d'être bête comme eux ?
- Pas vrai, Juliette: les adultes s’interdisent de faire semblant. Juste, ils mentent. Pour de vrai!
Bon, l'histoire des amours naissantes de Roméo et de sa Juliette, on vous l'aura déjà contée. La fillette se voulait catégorique : le jeu, pas question. Pour le garçon, seuls les parents jouent avec la vie sans vergogne dans le temps que les enfants, eux ne s'adonnent qu'aux plaisirs innocents. Dites donc, les jeux des grands et des petits serviraient-il d'exutoire à la timidité, et à la lâcheté ? Et pourquoi ne peut-on pas montrer ses vrais sentiments amoureux ou sa détestation profonde ?

Folles, les petites guêpes ? Pas tant qu'elles pouvaient vous amener dans leur jardin des rêves qu'elles se créent, cet outil indispensable à l'apprentissage de la vie qui vous permet d'exprimer vos sentiments profonds sans risques de rougir. En douceur et toute innocence, mais avec retour à l'envoyeur.

Voilà que maintenant, tous se mettaient à copier Aurélien dans sa supplique à sa dulcinée l'exhortant aux jeux de l'amour pour remplacer avantageusement les conflits causés par les guerres de pommes de reinette et pommes d'Api, le chapardage dans les échoppes, la chasse au chat de la voisine, l'import illégal de grillons à cacher en classe pour plaire au Maître, etc... Et, pourquoi ne pas ensuite se tourner vers la médecine scolaire à jouer pour de vrai au petit docteur es gynécologie qui ferait patienter la petite marchande souffrante pour de faux et, ceci ressortant de la sphère privée, sans grand risque lorsque les parents des mis en cause s'entendaient bien ?

Plus fort encore : on avait même décidé, pour ennuyer les adultes et se défatiguer du dur labeur de l'enfance de s’aliter affligé d'une vraie maladie diplomatique, obtenir une vraie dispense si reposante surtout pour le Maître qui ne se plaignait pas de l'absence du cancre. Ah ! que voilà le sommet des manipulations enfantines permettant de se propulser en bruyante et joyeuse délégation vers la maison du dégoûté du travail pour lui prodiguer force gâteries et encouragements à persister dans l'effort, quand devant les parents du malade on tirait des têtes attristées et silencieuses pour respecter le repos de l'éreinté.

Le jour ou toute la classe se retrouva au lit, qui en surmenage scolaire, l’excuse imparable, qui atteint de douleurs atroces, mais allez contrôler, qui pour rigoler ou se faire dorloter par des parents débordés aux petits soins du petit en s'inquiétant sans raison et pour rien… on sut que rien n'allait plus jusqu'à troubler la tranquillité du royaume, le médecin en burn-out. Ajoutez, en surcroît le dépouillement de ses jardins de la fin d'été, tout ce chambard ne permettait plus que sa Majesté fermât les yeux, aussi, convenait-il de frapper vite et fort. 
Sourcil froncé, le roi manda le bourgmestre de sa capitale, le sieur Manuel de faire saisir à corps l’ami Victor reconnu par le service du guet comme chef incontesté des trublions.

Comme toute bonne chose ne s'éternise jamais, et qu'à chaque fin d'année scolaire les enfants grandissaient, le raout s'étiolait progressivement à travers tout le royaume, et les chapardages dans les jardins du roi se voulaient plus bon enfant et seulement en périodes d'ennui. Par contre, les plus aguerris continuaient à mentir plus-plus aux parents, prenant tous risques, quand les timorés, en faux-jetons intelligents trichaient sur l'affect par des risettes d'angelots. Avec le Maître, personne ne forçait la dose à cause de sa foutue règle, rançon de l'échec scolaire. Ainsi, à part les plus abrutis invivables et autres graines de crapules endurcies, le jeu consistait à éviter la punition par l'observation plus attentive des comportements des adultes. Et ainsi, nos enfants gagnaient bibliquement en stature et en intelligence, si ce n'est en grâce.

Et pourtant, notre roi s’inquiétait à tort du bruit des enfants et de cette gaminerie d'épidémie, la coalition des « tous pétant la forme, tous grabataires » se défaisant faute de combattants. En effet, les parents interdisant aux vauriens de se visiter l’un l’autre par peur d'une bonne épidémie, et le vrai docteur, excédé conseillant aux parents comme médication une bonne grosse cuillerée à soupe en bois d'olivier rase d'huile de foie de morue matin, midi et soir en doublant puis triplant la dose au cours de l'évolution de la maladie, aussi ce jeu n’eut-il plus cours à dater du ras le bol des enfants. Pouah, car de ces enfantillages, sachez-le, il vous en restera le mauvais goût en bouche, même dans votre grand âge !

Soucieux de la santé précaire de leur petit Victor qui, seul de sa classe endurait l'huile, preuve qu'il était malade, le père adoptif de ce champis ne voulut obtempérer au mandement du Maire.
- Le petit est malade. Que le sieur Manuel se déplace ! Le père n'en démordait pas.
- Papa, gémissait la mère, comment recevoir ce noble personnage, nous qui sommes si pauvres. Que lui offriras-tu ?
- De la piquette ! Bonne pour nous, elle l’est pour tous.
Voyez que la grogne des petits gagnait tout le royaume, et risque de révolution il y avait.

Le Bourgmestre, accompagné de son conseil fit le déplacement à la chaumière de Samantha  et Ben ESCOUBILLE, les parents. S’asseyant sur le bord du lit :
- Mon petit Victor, tu peux comprendre que toi et tes petits amis avez fort chagriné sa majesté, le Roi François. D’abord, parce que lorsque vous sous exprimez, plus personne ne vous entend. Ajoute-y le Maître excédé qui pense que vous souffrez d'une sorte de maladie de Perlimpinpin, ce qu’il n’apprécie pas du tout, s'en plaignait amèrement auprès de sa Majesté. Sans compter les pommes du Roi. On me rapportait, pas plus tard qu'hier que tu t’ingéniais à le parodier... Un temps de réflexion...
Pour t'en moquer ? Je ne sais, mais cela dépasse l’entendement. Et, dis-moi : sont-ce des manières de bon sujet de sa majesté ? Mais, que je te rassure, ainsi que tes parents : je ne suis pas là pour gronder ni punir, mais comprendre.

- Mais, Monsieur le Bourgmestre, voyez par vous-même, je suis malade. De quoi ? Il ne dit, et ainsi faisait une réponse de jésuite (ndlr :  l'ordre des jésuites verra le jour bien plus tard, pardon pour cet anachronisme). Si le garçon avait bien trompé ses parents, pas le bourgmestre qui rapporterait au roi : Majesté, pas de quoi s’inquiéter. Non ! Une gaminerie, sire.
- Tu m’en diras tant, mon ami, répondit songeur le maire, puis apercevant des pommes sur la table familiale appuya son propos d’un sourire patelin. Surprenant le regard du bourgmestre sur la coupe de fruits, Victor frissonna, mais pas de fièvre puisqu’il n'était malade que pour de rire tout en endurant, pour de vrai des renvois nauséeux dus à l'huile de foie de morue. Pouah !
Antonin écrivit que lorsqu'il se rétablit, si on peut le dire sans rire, Victor reçu de sa classe la palme pour son courage et la perfection de sa perle, la belle des belles. Le Maître, plus avare, cela se conçoit n’y ajouta pas ses félicitations, rappelant la règle. Applicable à tous. Brrr !...

- Monsieur le Bourgmestre, vous prendrez bien un verre de vin à la santé du petit et du Roi ?
- Pardon, s’enquit-il ? Du roi... et de Victor ?
- Ben, oui. Pourquoi pas ? Vous nous feriez honneur.
A la santé du roi et de Victor, un champis retrouvé abandonné tout minot dans les champs et recueilli par Samantha et Benjamin Escoubille ?... Quelle comparaison ! L’édile municipal se demanda alors si l'irrespectueuse fronde enfantine n’avait pas aussi atteint les parents. Constatez ici que le plus rusé des renards, bourgmestre ou non se fait souvent attraper en tentant d’éviter un piège qui n’en est pas un, et c’est à ce moment qu’il changea son arquebuse d’épaule : le roi serait averti en secret d'un danger certain.

Et, qui aura voulu comprendre que le père de Victor faisait de son fils un roi, même trouvé abandonné dans les champs, si ce n’est le perspicace bourgmestre ? Personne, pas même toi, lecteur.

Pourtant, le bébé de parents, vilains ou non n'est-il jamais que leur enfant-roi ? Eh, oui !

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