mercredi 15 mars 2017

Le Voleu à Edf - 1

Et, allez donc : le 13 mars 2017, nous apprenions que des agents d’un service « public » d'EDF détourneraient de l’argent, le conditionnel s'imposant, la présomption d'innocence leur bénéficiant. Après François Fillon et autres responsables de la gabegie de l'Etat, moi je dis : pourquoi pas mais qu'ils rendent avant à la collectivité tout l'argent détourné, autrement, exigeons des noms. 
Ah, ça ira, ça ira...

Curieusement, on s’aperçoit que quelques fonctionnaires indélicats utilisent le secteur public à mauvais escient, les moins téméraires se permettant de voler leur salaire en toute bonne conscience, cela se dit mais on s'en fout tant on rêve d'être pépère à leur place dans la fonction publique*. Mais est-ce si important lorsque l'on constate que nos politiques traînent autant de casseroles, se votent sans vergogne des lois d'amnistie pour échapper à la prison comme si, dépouiller l'usager et  l'argent public était chose moins grave que voler une pomme. Nous ? On s'inquiète de fins de mois difficiles pendant que des juges rêvent comme nous à des millions d'euro facilement gagnés, certains devenant des politiques de renom, voila pourquoi les premiers, nos juges sévissent contre les derniers, nous les pauvres pour un simple vol à l'étalage, les gros poisson déchirant toujours le filet.

*Ne rigolez pas, la fonction publique c'est du sérieux, à preuve on peut y somnoler ou la détrousser à l'aise ! Et puis, qui me reprocherait un peu d'humour dans un texte grave à seule fin de l'égailler ? Certainement pas les bons fonctionnaires et politiques intègres, l'immense majorité, et puis... et puis, nos amis belges et suisses ne supportant plus nos blagues exigent que nous restions entre bons français. Quant à leurs fonctionnaires et tous politiques irréprochables, sans doute me pardonneront-ils ma saillie médisante.

Déjà en 1993 ou 94, ne travaillant plus en tant qu’éducateur-spécialisé pour l'AEMO (Aide éducative en milieu ouvert) mais ayant conservé des relations fortes avec certaines familles, je suis tombé sur un aigrefin de l'EDF qui sévissait sur une large échelle (environ 70.000 habitants) en détroussant allègrement les usagers quand, ni les services de contrôle-qualité d'EDF, ni la police et le procureur somnolents, encore moins les usagers ne se rendaient compte de rien tant la manœuvre de ce chacal se déroulait dans la confiance et avec doigté. Et voila que sa bricole tournant bien pour lui avec aucun investissement personnel de départ, il détournait le service rendu pour son enrichissement personnel en bon agent, mais certainement pas d'EDF.

Ce voleu* avait tapé du pognon au vieil Auguste lorsque je l'avais accompagné et, comme c'est ballot et ennuyeux pour lui, j'oubliais de décliner ma qualité d'éducateur à qui on ne la fait pas comme aux douaniers, aussi lorsque j'irai lui demander de mensualiser ma facture d'électricité, au vu de ma gueule d'arabe sorti directement du bled, enfin je pense qu'il le croyait fermement, ce salopard compétent me fera péter en douceur, à l’esbroufe 400 francs en liquide (66,15 euro, je crois), environ cinq bouteilles de pastis, une grosse paille, tout de même.
*Voleu : lisez voleur car en Normandie on bouffe les R comme en Afrique. 

La misère absolue, s'installant irrémédiablement avec l'expulsion du logement commence toujours par la perte de l'emploi et le départ du père ou de la mère qui accentuent la dégradation de la vie familiale : toilettes bouchées, eau manquant à l'évier, coupure du compteur électrique, laisser aller lié à la dépression du soutien de famille, aussi fermer les yeux sur l'état du logement en croyant faire un travail éducatif était impensable car, à ce moment l'urgence absolue consistait à remettre la maison en état, éviter l'expulsion, trouver avec l'assistante sociale les moyens financiers nécessaires à la survie pour éviter un placement d'office en maintenant l'enfant dans la sphère familiale ; disons, pour faire simple, traiter le problème dans sa globalité avant que de remettre l'enfant à l'école. Mais, pour cela, encore ne fallait-il ne pas être feignant, savoir travailler de ses mains, accepter de se salir et de moins s'occuper des situations "faciles" pendant un temps donné. 

Notre boulot s'inscrivait d'abord dans la protection de l'enfance contre tous : la misère, le désamour, la famille, l'école, la justice, la police et les mauvaises fréquentations de la rue. En effet, l'urgence et la sécurité de l'enfant étaient les parents de l'éducatif : nourriture, eau, électricité et gaz remis en marche, vitres remplacées, propreté du linge... Ensuite, nous traitions le symptôme en choisissant un outil de médiation approprié à l’objet de notre travail pour autoriser l'enfant à se poser, prendre le temps de souffler en faisant confiance à un adulte extérieur responsable pour qu'il puisse revivre en se situant comme acteur de sa vie et ainsi, avec des perspectives d'avenir, résoudre son problème.
Disons que nous reconstruisions, pour et avec l'enfant un espace sécurisant et valorisant pour qu'il puisse prendre le temps de grandir et, prenant conscience qu'il importait pour les autres parce qu'il comptait déjà pour nous, qu'il pouvait aimer et être aimé en devenant aimable, tout simplement en valorisant sa vie. 

Entre le dire et l’agir, nous options pour proposer à l’ado une situation "amusante" dans laquelle il découvrirait la valeur de la "règle du jeu", la loi indispensable à toute bonne vie en société. Mais, d'abord, après la résolution au mieux des problèmes liés à l'environnement familial, et bien avant que d'introduire le temps de la parole, nous signifions clairement aux assistantes sociales, au juge, aux parents et à l'école qu’il nous fallait le temps de l'apprivoisement et que notre rapport ne se ferait que lorsque nous le jugerions utile et que, dans tous les cas, ce que nous y écririons serait donné à lire aux parents et à l'enfant.

Notre travail se faisait tout en douceur car il s’agissait surtout de ne pas demander : "voudrais-tu me parler de ce que tu vis et, ce que tu me révélerais, aimerais-tu que nous le signifions à tes parents, toi et moi  ?" mais, "que voudrais-tu que nous vivions ensemble, on verra après pour l'école. Te fabriquer une vélo ? Allons dans une casse trouver un cadre, des roues et mettons-nous à l’œuvre".
-Grégoire, tu veux me parler de ton père, il te manque ?
-Je préfère aller voir un film de guerre !
Mince, alors ! 

Nous faisions l’inverse des éducateurs "psycho-machins" et notre propos se voulait simple : l’agi dans une relation forte, seul pouvait ensuite introduire une parole vraie car, sans vécu commun et donc sans respect et confiance réciproque, point de parole partagée.
-Si tu viens me voir parce que tes parents ou le juge t’obligent, tu ne m’intéresses pas. Pour me dire que tu ne vas pas en classe parce que tu t’y ennuies, je m’en moque éperdument mais faudra que tu y retournes. On a le temps pour ça.

Mon boulot ? M’occuper de toi mais, si c’est pour ne rien glander, rentre chez-toi ou reste dans la rue. Pas mon problème et pas envie de m’emmerder. Tu as le projet de te faire un vélo, de bricoler une mobylette, là tu m’intéresses. Aller faire un tour au ciné, si tu veux, manger au resto, OK, te balader en bagnole, aller aux moules, faire des crêpes, de la photo, chanter, taper dans un ballon, là tu m’appelles. Pas avant.

Bien. Tu réfléchis et on se donne rendez-vous. J'oubliais : si c’est juste pour me dire bonjour, ça me fera plaisir, mais sans plus. Au fait, j’ai remarqué qu’il n’y avait plus d’eau chez-toi et, si tu aimes bricoler, je peux te présenter mon collègue Bruno qui sait faire de la plomberie. Enfin, réfléchis bien. Rien ne t'oblige à rien mais, si tu te pointes au service, c’est que tu t’engages. Au fait, si de ta vie tu t'en moques, alors moi aussi. Remarque que je suis libre mercredi matin. Si tu préfères le samedi, c'est toi qui vois, mais pas après 9 heures. Allez, à la revoyure, mon p'tit pote, j'ai pas que ça à faire.

Et donc, une belle rencontre que Benoît, onze ans le fils d'Auguste, 70 ans et ancien mineur silicosé du Nord puis docker, seul parent à s’en occuper à l'âge d'être grand-père qui se trouvait démuni dans son rôle de père et avait demandé l’aide du service. Le Benoît ? Un gosse super intelligent, déjà un maître à la belote, à la manille, au tarot, au mata (jeu de dominos). Pour l'école, ben ça le gonflait, tous les jeux de bistrot, ça il aimait. L'habitude d'y traîner avec son daron.
Et, voilà-t-y pas que la famille, après le médecin-conseil de la Faculté de Médecine des Miracles de Lourdes avait un autre petit souci avec EDF qui comptait lui couper le courant. Donc, ni une ni deux, le Gilou proposait son aide pour trouver la solution au problème de ce c’tit pépère que j’adorais. Et de son bézot qui me badait comme si j’étais Dieu le père.

-Allo. Oui, allo. Allo ? Midi trente, chez moi.
Pas de réponse. J’avais donné mon numéro de téléphone personnel à tous les mômes que je sentais en détresse. Paraîtrait que ça ne se fait pas au Service AEMO. Pas très professionnel, mais on s'en contrefout !
-Oh ! Benoît, c’est encore toi ?
Un temps.
-Ouais. Qu'est-ce que tu fais ?
-Je mange. Tu me veux quoi encore ?
-Rien… qu’est-ce que tu manges ?
-De la salade, un steak haché, des nouilles... Et toi ?
-J’sais pas, le daron l’est pas encore rentré.
-Il est à l’apéro au Normandie ?
-Ouais.
-Tu veux que j’aille le chercher ?
-Ouais.
-Bouge pas, je prends mon café et je te ramène ton daron.

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