jeudi 28 novembre 2013

L'insécurité auto-stoppée*...


Le stop, en mes voyages de pauvre me permet, pendant de courts instants, des rencontres de qualité, des discussions incroyables en cette bienfaisante confrontation polie de points de vue parfois tant divergents que c'en est un enrichissement.
Sans compter l’ouverture de mon horizon. 
Et, pendant quelques kilomètres, c’est incroyable le nombre de sujets si divers que nous pouvons aborder entre étrangers de rencontre. 

Par exemple, un gars m’a pris en Kangoo Renault samedi  2 novembre pour aller au marché du Vigan. Le type, issu d’un petit village de la vallée de Valleraugue, était coincé ce week-end, me disait-il, par le Rallye auto. Il avait émigré, il y a près de 25 ans dans le Sud-ouest pour revenir revoir amis et famille (ou l’inverse. Tiens, c’est étrange que je ne lui ai pas demandé de bien préciser). Nous nous sommes reconnus dans nos métiers du secteur social, ce qui crée des liens.

-Je suis choqué que la seule chose dont on me rebat les oreilles, ici, ne tourne qu’autour de l’insécurité. C’est fou. Tous s’excitent !
-On vous dit qu’hors Jeanne d’Arc, point de salut  ?
-Oui. Ils ont dû se donner le mot, ce n'est pas possible ! L’extrême droite et l’insécurité dans le chevelu de nos vallées cévenoles, loin de la délinquance des grands centres urbains ? Impossible !
-Oui. Même les chasseurs disent qu’ils ont des fusils, et qu’à l’occasion, tirer un petit coup, c’est agréable !
Mon chauffeur, tout à son propos, n’a pas relevé mon trait d’humour.

-Avez-vous connu les années du début 70, monsieur, lorsque certains se battaient contre le Parc National ? Les touristes ont supporté la grogne des jeunes et des chasseurs. Ajoutez-y les clous et l’huile sur la route, les arbres coupés, les accidents occasionnés. C’était violent quand même.
Nous y avons rajouté les habituelles bagarres des bals du samedi soir et les fêtes votives de tous nos villages, je ne vous raconte pas : Ganges contre le Vigan. Le Vigan et Sumène contre Ganges, Ganges et le Vigan contre Quissac… la baston bon enfant quoi ! Mais violente.
Dans les années 70, le phénomène était moins prégnant que pendant la décennie précédente. Et puis, le sport national était de casser et de cambrioler la villa des touristes. Fallait voir les dégâts, parce que les dommages collatéraux sur les résidences secondaires des autochtones, on ne pouvait éviter, certains pensant ainsi se battre contre l’installation du Parc National des Cévennes.

Si on y rajoute la délinquance routière et tous les copains morts trop jeunes d’avoir trop bu et trop mal conduit bien trop vite, plus les accidents de chasse, nos années passées étaient bien plus insécurisantes qu’aujourd’hui.  Pourtant, nous nous sentions en sécurité aussi bien dans les fêtes votives, les bals du samedi et sur la route (20.000 morts au lieu de 4.000/an aujourd’hui)… et ne parlons pas des nombreux accidents du travail qui ne faisaient pas la une des journaux.

Pour nous les jeunes, la vie était normale, en ces années-bonheur. Bien trop calme, et voilà pourquoi on y mettait de l’animation pour vivre notre West Side Story, notre western  viganais et ainsi impressionner les fifilles avec nos chaînes à vélo et les bâtons. Les USA et leur rock nous mettaient en transes !
Tout :  film, colt, grande claque dans la gueule, et ces jeans qui nous changeaient des pantalons de golf, et les vestes à carreaux que les mères confectionnaient à leur cow-boys d’ados dans des couvertures bariolées. 

Tout, nous prenions tout de l’Amérique ! Il ne nous manquaient que chevaux mais les pauvres avaient leur vélo, les riches, des cyclomoteurs : Flandria trois vitesses, Sachs, mobylettes et autres Tendil. Il y avait de la belle violence quelque part en nos villages, violence que nous aimions partager.

Vous avez dit insécurité ? Pas pour nous. Peut-être pour nos "vieux" de 50 ans, et se seraient-ils plaints ? Et puis, nous avons oublié nos tapages nocturnes et les jules* et leur merde mouillée que nous balançaient les vieux du haut de leurs fenêtres, le soir, en nos jeunes années des sixties bruyantes. 

N'oublions pas nos hippies des sixties-seventies. Il est certain qu’en tâtant de la drogue, inconnue jusqu’alors en nos petits pays, les Cévennes se mettront à l’avant-garde du LSD, du shit et de l’héroïne. Mais, une avant-garde chic même si elle n’était pas très propre, bon genre quand même. 
Les voyages en LSD, extrêmement dangereux, ont causé pas mal de morts et d’aliénés mentaux, sans parler des rosés ou pastis, toutes choses enserrées en  nos mas isolés de la région. 

Ajoutez-y les anarchistes d’Alès, plus les nantais d’extrême-droite et autres truandasses qui se croisaient, copinaient et venaient se cacher dans nos Cévennes après leurs forfaits, s’ivrognant et se droguant sévèrement, se ressourçant pour ensuite rapiner ou escalader* à qui mieux-mieux.
*escalader signifie cambrioler.

Aujourd'hui en notre pays de pauvreté cévenol la drogue se fait mère de toute insécurité par la délinquance multiforme. Qui ne connaît Bébert-le-Droguiste et son compère Roger-la Mort, les Vite-la Maréchale, la prostituée (prononcer le v à la romaine comme b), et tous semi-grossistes qui officient au vu et su de tous.
On en prend son parti, on supporte, on endure. On a espéré le miracle sarkozien pour nous débarrasser de nos tiques. Mais, l’avait qu’une grande gueule, le petit Louis 15ème, le bien monté !
-En talonnettes ?
-J’en sais rien, mais oui, aussi, certainement !

Avec Hollande, en Louis 16ème, la France fuit toujours vers Varennes, en carrosse rétro deux tons !
-Deux tons ? Explique, Gilou.
-Pin-pon. Deux tons d’ambulance, tant elle est malade, la France ! En reculade. Alors, comment veux-tu, comment veux-tu.
Reconnaissons que les gendarmes font de jolies saisies. Mais, pendant qu’ils sont à leur centre d’écoute des portables pour taper un gros coup, ils ne sont pas dans la rue dans laquelle s’écoule tranquillement la drogue.

Y-a-t-il plus d’insécurité qu’avant, mis à part quelques gros bandits bien jeunes et bien armés, argentés, gros dealers, notons plus d’incivilité, d’impolitesse, de grossièreté, d’impatience, d’agressivité individuelle, signalons toujours la mauvaise réponse judiciaire qui ne traite pas cette délinquance ordinaire et ces incivilités énervantes qui donnent ce sentiment d’impunité aux uns et d’insécurité aux autres.

Insécurité et pauvreté augmentent suite à l’abandon des populations cévenoles. Mais alors, la solution ? Vivre caché pour ne pas être emmerdé par les violents et délinquants, avec des grilles à la porte et aux fenêtres, un bon gros drilling (un douze avec du plomb de 4 ferait aussi l’affaire), un pit-bull, mais avec aussi une bonne bouteille de pastis pour les gendarmes...

...Oui, et sans oublier de donner de bonnes étrennes au facteur, aux éboueurs, mais encore acheter le calendrier des pompiers, se faire bien voir de ses élus, encore et toujours, oui toujours bien saluer nos jeunes gens, surtout les plus violents.  Faire le petit vieux, quoi, en étant sourd aveugle et muet.
C’est fatiguant, mais, faut ce qu’y faut.

-Pour vivre heureux, vivons caché c’est ce que tu préconises ?
-Ben, ayant plus de 68 ans, la logique voudrait que je sois plus insécurisé. 
-Que reste-il comme solution ?
-Limiter ses déplacements, ne jamais aller dans un endroit inconnu, ne fréquenter que ses relations, ne rien demander aux services de police qui ne feront rien pour toi, se cacher pour ne pas être agressé dans la rue, et ne jamais sortir à la nuit tombée en évitant les endroits isolés.
Voilà, comment assurer sa sécurité, en restant à ma maison. Parce que l’Etat, se désengageant des services de proximité, nous protège moins qu’avant et nous oblige à assurer nous-mêmes notre propre sécurité. Contradictoire, n’est-il pas ?

Par contre, pour me « suivre » comme un dangereux bandit, la justice fait ce qu’elle peut. Les dealers, les violents, elle s’en fout. Il est vrai que quand tu as une gueule d’arabe, tu deviens dangereux pour nos fonctionnaires d’autorité. 
C’est le western, pour moi. Comme dans les années 60 ! La Justice me rajeunit. Merci bien, Madame la Justice des pauvres.

Le dernier huron de Pont-d’Hérault demande que services soient rendus aux usagers car, en désertifiant nos Cévennes, l’état nous fait violence, nous appauvrit toujours plus et nous insécurise. Ce 28 novembre de l’An de Grâce 2013.
 

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