mardi 12 novembre 2013

Una storia importante - 9


Dessin d'yvonne JEAN-HAFFEN
Pour se rendre à La Loupe… oui, nous sommes encore en 1942-43. Je vous rappelle que Pappa m’envoie à La Loupe chez un fermier. Au ravitaillement obligatoire. C’est loin, 150 km de Paris.
il faut emprunter le train à Saint Lazare, deux grosses valises vides à la main. Pour l’aller, rien de bien fatigant mais le retour est une tout autre affaire. Dans le train, seul le paysage qui défile m’intéresse et j’aperçois des vaches dans les prés qui me rappellent notre voyage de retour de Pau avec mon petit frère. Une larme coule sur ma joue et, pour finir sa course, se jette dans le vide pour s’écraser au sol dans un assourdissant fracas…
-Heu… non. Une larme, ça ne fait pas de bruit… désolé.
Et même, elle ne s’écrase point, cette larme. Et on ne va pas en faire toute une histoire…


Pendant ce temps-là dans le monde…
Le 12 août 1942, les représailles continuent en France occupée, là ou les résistants sont les plus nombreux et les mieux organisés.
Le 19 août 1942, tentative de débarquement des anglo-canadiens sur les galets des plages de Dieppe. Un échec sanglant.

Donc, arrivé à la gare, le dit fermier m’attend accompagné de son fils que j’appellerai René, la mémoire me faisant parfois défaut, cause au temps qui passe.. Puis, cinq kilomètres à pied pour arriver à la ferme. Chut… plus de bruit… Un silence religieux précède la découverte du veau gras (paix à son âme) déjà désossé et découpé en gros morceaux la veille par le fermier. René, mon nouveau camarade me donne un coup de main pour charger la bidoche dans une brouette en bois, qui n’en était pas à son premier voyage et qu’il va falloir pousser pendant cinq kilomètres.
-Eh, oui, des kilomètres, j’en ai bien fait cinq, à vide et donc il en faut autant pour revenir. Mais chargé. Rassurez-vous… ce n’est pas dur. Faut suivre, c’est tout.

Alors, va comme je te pousse notre brouette à viande, aidé par René mon pote, jusqu’à la gare retrouver mes valises vides soigneusement cachées qu’il faudra bien remplir…
Aïe, aïe, aïe… deux spécimens de la maréchaussée, aussi affamés que moi, observent attentivement nos deux valises sur lesquelles nous sommes assis, mon copain et moi. Les deux hommes au nez rouge (pardon, je voulais parler des gendarmes), voyant ces enfants innocents (ou, pourrait-on dire hypocrites?) tournent leurs regards vers d’autres suspects pour tenter de savoir si le marché noir fait bien rage.
Alors, salut les deux clowns!

Laissant le petit fermier-copain repartir à ses vaches, je rejoins la capitale, espérant exécuter ma périlleuse mission jusqu’au bout… mais surtout, sans encombre. Cette viande est un véritable trésor car nous pourrons l’échanger contre de la marchandise utile au métier de mon père. Cette pauvre petite bête nous sert aussi à soudoyer un gazier qui nous fournit de l’huile qui empeste le gaz… vous dites : «Denise aussi ?». Oui, cette huile incommode tout un chacun mais, ce liquide nous permet de travailler et de vivre.

Un jour, j’ai ramené avec mon veau un petit lapin qui aurait dû grandir et finir sa croissance comme le veau. Dans la marmite. Mais, au lieu de terminer sa vie en sauce dans mon assiette, il deviendra mon meilleur confident. Et je lui ai donné un nom, Philomène. C’est bien, non ?  Va t’en un ami que tu appelles par son nom… Philou, mon coco.
Ainsi, nous avons filé des jours heureux de nombreuses années… pendant l’Occupation.

Pendant ce temps-là dans le monde…
Le 30 janvier 1943, Pierre Laval crée la Milice chargée de lutter aux côtés de la police allemande et française contre la résistance.

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