samedi 2 novembre 2013

L'Epervier à Ménie*.


Nous recevions, il y a peu, cette lettre de Madame Denise LEFORT, parisienne en résidence à DURFORT qui, ayant découvert à sa grande stupéfaction que la bonne ville du Vigan avait rendu un hommage appuyé à Jean CARRIERE en donnant son nom à l’école laïque, se déclare extrêmement choquée. Nous la citons : 

                                        Chère Ménie, 
                                                    je viens de relire le livre de Jean CARRIERE : «L’Epervier de Maheux». A ma première lecture, en 73 ou 74, je ne m’en souviens plus, j’avais aimé le style, la force de l’écrit, sa beauté, sa puissance. Il s'en dégageait une peinture extraordinaire des petites gens des Cévennes.
        Or, cet été, relisant cet écrit, j’ai été bouleversée. Me sentant cévenole d’adoption, je n’ai pas retrouvé toutes ces petites gens que je fréquente, tant à Durfort que dans mes ballades dans les vallées de la montagne, de Valleraugue à l’Espérou, à Camprieu à l'Aigoual, du Pompidou à Barre des Cévennes, et encore moins à Saint-Julien-d’Arpaon.

        J’ai tenté d'aborder avec nos cévenols, enracinés à leur terre, ce roman. Leur réponse a toujours été :
-L’Epervier de Maheux ? Vous dites que c’est un roman ? Ah, bon ! On ne connaît pas, ici. 

        Carrière défendait à l’époque son écrit : une histoire rigoureusement authentique qui remonterait aux années 50. Il ajoutait, et je m’en souviens bien connaître les cévenols. Pour ma part, je sais que le cévenol est rarement riche mais qu’il n’est jamais misérable. Et, jusqu’à ces derniers temps, je n’avais jamais vu de mendiants en Cévennes.

Il est vrai, aussi qu'il se raconte des histoires concernant des vieux qui, étant les derniers de leur village, ont refusé de s’en aller à la ville chez les enfants, préférant vivre isolés dans un dénuement admirable accepté, et qui disaient que tant qu’ils vivraient, leur village perdu dans la montagne serait toujours vivant. Parce que, chez-nous disaient-ils, on ne laisse pas un cimetière à l’abandon. Ni un village.

Alors, à Pratcoustal ou ailleurs, il se trouvait toujours, dans son village de montagne déserté, un petit vieux qui entretenait encore ses 53, voire 54 pieds de vigne, et pas un de plus pour faire son mauvais vin, son pinard qu'il t'offrait fièrement, noblement dans un verre culotté, jamais nettoyé, comme lui. 
Culotté mais pas sale.
Oui, à Pratcoustal, ce solitaire s'abonnait au journal local, le Midi Libre ou la Marseillaise, pour que le facteur soit obligé de parcourir ces 4 kilomètres de piste, pour avoir ce plaisir de recevoir un visiteur. Mais, toujours quelqu'un finissait par te dire:
-Le vieux, là-haut, à Pratcoustal... eh bé, peuchère, l'est mourut ! 

En ces temps reculés mais pas si lointains, le facteur prenait plaisir à goûter cette mauvaise piquette et à ramener un paquet de tabac gris et des feuilles à rouler pour que le petit vieux ne soit pas obligé de les fumer ces feuilles séchées de châtaigniers énervurées. Ce facteur qui pensait toujours à apporter et offrir le superflu, souvent gratuitement, sans qu'on ne le lui demande dans ces pays de désert de la montagne cévenole. Tout simplement par "curiosité" de l'humanité.
Parce que, Madame, en nos Cévennes, la dureté des éléments obligeait nos facteurs à la noblesse de l'âme.

Savez-vous, chère Ménie que, dans la page de garde de mon livre «L’Epervier de Maheux», pour en aider la lecture, j’y inscrirai quelques lignes, dont il me reste à trouver la formulation, du genre…
«En Cévennes, la beauté des mots fait de nous des taiseux».
Il n’empêche que le livre est bien écrit. Qu’en pensez-vous, Ménie ?

Réponse de Ménie : Ma chère Denise, j’ai pris le temps de vous répondre car il me fallait lire ce livre. Etant d'extraction normande, je vous dirais simplement :
-Mais, où est-ce qu’il tire son cidre, ce monsieur Jean CARRIERE ?
Même le Gilou qui est souventes fois de mauvaise foi n’aurait pas osé dépeindre les cévenols de façon si misérable, bornés, sales, abrutis, créant eux-mêmes leur propre malheur, incapables de s’en sortir. C’est plus qu’une dépression. Il s’agit là de maladie mentale.

Certains ont crié au génie. Laissons crier. Mais, je sais qu’en Cévennes, si ce n'est, comme vous me le faites remarquer si justement la ville du Vigan (en réboussière), personne n'aura honoré ce monsieur dont on ne prononce même pas le nom pour ne pas l’écorcher !
Mais Gilou me dit :
-C’est un bouquin à étudier en faculté. Le rire y gagnera ce que l’ethnologie aura perdu avec Carrière.
Ce Jean sera entré dans la carrière alors que nos ainés n'y étaient plus. Ceux qui, toujours et encore ont défendu et fait vivre leur Cévenne. De la plus belle des façons, en s’y accrochant par amour.

Le Pont d’Hérault ce 5 novembre de l’An de Grâce 2013. Ménie le Montant pour Rolando.

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