mercredi 4 novembre 2015

Florence et Sylvia.


Sylvia au couvent. 

Dans ce texte, nous découvrirons le couvent de Fra Angelico, ce dominicain de la Renaissance, des fresques, une bibliothèque. Sans oublier Gérolamo Savonarola, son prieur jugé, pendu et brûlé, ce qui coïncidera avec le déclin de Florence.
Vendredi 30 octobre, midi tapant à l’église de San Marco, heure de la  visite en excellent français. Sylvia, guide émérite.

-  Je m’appelle Sylvia et vous guiderai dans le couvent San Marco situé dans le quartier des médecins, repris aux Silvestrini qui avaient fait des entorses à leur règle, modernisé par Cosme 1er l’Ancien et cédé aux dominicains vers 1443.

- Notre abbaye marqua fortement la vie religieuse, politique et médicale de Florence par Savonarole, son hospice, et sa bibliothèque unique à la Renaissance. Le couvent avec ses jardins et potagers, et même une forêt, abritait de nombreux moines, convers, pèlerins, voyageurs et malades. Vous noterez, au cours de la visite que le musée aura tout fait pour respecter une certaine atmosphère pour nous replonger dans la Renaissance des Médicis qui, il faut le savoir, tirèrent gloire de ce don qui permettait de faire oublier qu’ils furent « vendeurs d’argent », tout en les réinscrivant dans leur talent premier, la médecine.

- La salle des Hospices regroupe les peintures sur bois de Guido di Pietro devenu fra Giovanni puis beato Angélico, au moins toutes celles qui auront pu être récoltées dans les églises de Florence au 19ème siècle. Compréhensibles de tous, elles montrent des scènes de la vie de Jésus, de sa naissance à sa mort, sa présentation au temple, la fuite en Egypte, le jugement dernier… Ces peintures, plus touchantes que naïves servaient à l’édification religieuse d’un peuple analphabète. Vous noterez surtout le souci du détail, la précision du trait et la clarté du message. Et la richesse des couleurs.

- Dans le premier grand triptyque, au centre la vierge et l’enfant, peints en grand, s’imposent sur les créateurs des ordres mendiants en adoration. Et voyez le sang sur la tête qui désigne les martyrs pour la foi. Ici, beato Angelico utilise le bleu et la feuille d’or, des couleurs extrêmement onéreuses.

- Voyez, tout autour du cloître, que de grandes fresques servaient d’indication sur la vie du couvent pour les pèlerins accueillis qui se rendaient à Rome. Par exemple ici est un moine qui impose silence d’un doigt sur la bouche à l’entrée d’une salle, là un autre lisant la bible au chevet d’un malade, et là encore des malades consultant dans l’hospice…

- Dans la petite salle du chapitre, le tableau monumental de la crucifixion comble tout l’espace. Ici, rien de superflu : seul, Jésus crucifié et saint Dominique agenouillé enserre de ses bras la croix en T qui repose sur un début de colonne de pierre pour signifier qu’elle est seule le fondement de l’église. Notez encore le fond bleu : la crucifixion de Jésus aurait pu se passer n’importe où dans le monde, et pas qu’à Jérusalem.

- Puis, nous arrivons à la salle des ablutions signalée par la fresque du dehors et au réfectoire. Ici, des voutes exécutées à la renaissance soutiennent un étage et cachent des fresques beaucoup plus anciennes que vous pourrez apercevoir dans une des cellules, à l’étage. Tout à l’heure, vous pourrez revenir y contempler l’admirable Senacolo de Soliani.

- Revenons dans le cloître. Remarquez, par exemple dans ce coin, deux personnages encadrant un médaillon de marbre avec, à l’intérieur une fresque d’une époque postérieure. C’est bien dommage, direz-vous mais les moines avaient besoin de généreux donateurs qui ne se privèrent pas de laisser leurs marques en se servant du couvent pour tombeau, ce que l’Empereur Napoléon, en 1808 interdit tout simplement par l’expropriant des moines.

- Voyez que San Marco est habitué de l’expropriation qui se paracheva fin du 19ème siècle, si ma mémoire est bonne, puis le monastère sera divisé en deux et, de l’autre côté de la grille vous pourrez peut-être apercevoir 4 moines déambuler dans leur cloître.
Maintenant, entrons dans le petit réfectoire contempler l’œuvre admirable de Ghirlandaio, la Cène avec deux disciples endormis et Judas se tenant assis devant, à l’écart des autres, un chat peint derrière lui.

L’annonciation à Marie. Fra Angelico.
- Maintenant, montons à l’étage. La première fresque, dite de l’Annonciation est peinte à l’entrée de la cellule du prieur, œuvre de Fra Angelico, une des plus célèbres. La technique de la fresque se fait sur mur « frais » et demande à être réalisée rapidement. Notez que les ailes de l’ange brillent, Angelico utilisant des grains de silice plus grossiers.
- Les cellules des moines les plus anciens seront décorées par fra Angelico, les autres par ses élèves quand il sera appelé à Rome. Les thèmes en seront : "Femme, ne me touche pas, les femmes à la levée du corps, la Nativité, la transfiguration, la Résurrection, Marie Couronnée"… et toutes les autres cellules hériteront de la même fresque de la crucifixion avec de longs jets de sang jaillissant de la poitrine du Christ.

- Dans cette petite pièce, près de la dernière cellule, comme dans une sorte de chapelle se trouve le portrait de Savonarola peint par fra Bartolomeo. Les dominicains ont voulu rendre hommage à cet homme qu'ils considèrent comme un saint, et voyez que son message de pauvreté pourrait encore être suivi. Certainement le précurseur de Luther, par sa critique du Pape et de Calvin, par sa rigueur, mais qui abusa sans doute de son pouvoir en réunissant le religieux au politique.

- Pour terminer, voici la bibliothèque du couvent qui fut offerte, à la Renaissance par Niccolo Niccoli, un riche florentin ami des Médicis. Une fortune pour l’époque. 800 livres. Attachés par des chaînettes. A disposition de tous. Liebnitz vint y consulter des ouvrages de mathématique rares et des incunables.
La bibliothèque, actuellement vide, si ce ne sont des ouvrages religieux avec des enluminures et partitions (en clé d’ut, ndlr), les plus anciens livres et codex se trouvant dans la salle du fond, conservés dans des conditions d’hygrométrie strictes,

- Voilà. La visite est terminée (sous les applaudissements discrets de votre serviteur). Vous pourrez la continuer en revenant aux réfectoires et au chapitre. 

Tout cela est bien beau, gentille Sylvia, mais je n’ai rien compris à vos explications sur la Madone des ombres. Oui, pourquoi « des ombres » ?

Texte que j’offre à Sylvia, en remerciement. J’atteste, ici, que j’ai retranscrit le discours de Sylvia, ni plus, ni moins, et dans la forme, et dans le fond, et dans le français qu’elle maîtrise parfaitement. Et si je mens, que j’aille en enfer.

Gilles PATRICE-KHIAL, ce mercredi 4 octobre 2015.
PS de René BOUSCHET : l'église de San Marco ne fait malheureusement pas partie du Musée. Dommage. Le Français curieux qui aimerait rencontrer Sylvia ne se perdra pas s'il se glisse par la petite porte, à droite de l'église. A midi tapant.

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