mercredi 4 novembre 2015

La Florence de David.


le David d'Anne-Marie.

Je racontais ma Florence à Anne-Marie et, à mon : - si tu savais les florentines, Anne ! je reçu en retour :
- Mais les italiens, aussi, sont beaux. D’une beauté que seule une femme peut apprécier.
- Tiens, donc, Anna, l'Italie, tu connais ? Et, mon amie de 81 ans passés me raconte sa licence d’italien, ses nombreux voyages d’étude, son correspondant…

- Florence, j’y étais avec Monique, à nos 20 ans en 1954. Comme le temps passe... Mon correspondant travaillait à la poste. Charmeur et beau parleur comme seuls savent l’être les italiens, avec ce malheur d'être né sicilien, sombre, faiseur d’histoires, noirci de soleil, le crin assorti à la peau, petit et tout râblé. Un tonneau, à ton image, tout aussi adorable et qui ne doutait de rien !

- Et moins intelligent que toi ? Si on veut, mais aussi excité, quoique adorable, et d'un pénible et que Monique, qui eut le malheur d’accepter l’invitation d’un soir, endurera toute une séance de cinéma.

- Tu insinues donc que tous les italiens seraient dragueurs, lourdauds, pénibles…
- Non. Toi, tu t’amuses, moi je raconte. Et me voilà dans le cloître de Santa Croce, en 1954, je m'en souviens comme si c'était hier, dans ce coin, près de la statue du roi Victor Emmanuel, dans l’ombre, ce me semble quand, toute retournée j’aperçois un jeune homme, et que lui avec des cheveux longs bouclés, un nez à la grecque, habillé divinement qui s’avance vers nous pour tourner à angle droit en direction de la sortie...
- Mon Dieu, mon Dieu, me disais-je, c'est David, c'est le David de Michel Ange descendu de son piédestal. Une de ces beautés. Tu ne peux pas savoir !... ah si, tu connais. Puis, il nous a dépassées, hiératique, sans un regard et je me suis retournée pour le suivre des yeux, chose qu’une rosière ne faisait pas à l’époque…

- Non, Anne-Marie, aucune femme ne se retourne au passage d’un homme, même à nos jours, 60 ans plus tard, que je te rassure. Çà fait...
- Je le sais, mais si tu avais vu cette démarche, ce dos, et ces fesses et cette crinière brune roussie au soleil. Une apparition divine. Tu comprends ?
- Je comprends, mais enfin, Anne-Marie, il y a des oreilles chastes dans ta maison, parce que le David de Michel Ange s’expose dévêtu, et cette apparition, ton imagination, ton désir, mais, c'est énorme. Et de la nudité en toute cette affaire, qu'en dis-tu ?

- C’est vrai que, honteuse, surprise et ravie, je ne me croyais pas capable de me retourner ainsi sur la beauté d’un homme. Monique, ça l’a fait pouffer de rire dans ses mains, tu penses bien et je crois que j’en rougis encore à ce jour.
- Non, Anne-Marie, tu ne te seras retournée que sur un désir à combler, ne serait-ce que par la beauté des hommes chargée de ravir de plaisir les femmes. Tous les hommes d'église te le diront, et pas qu'à Florence.

Et, effectivement, 60 ans plus tard, en me racontant cette enluminure de sa vie, Anna-Maria rougissait encore comme la gamine qu’elle était demeurée. Connaissant ma bonne amie, si son David prenait l'envie de passer ici, même dans son petit supermarché du Vigan, crinière au vent pour rappeler le courage qu’il déploya lorsqu’il combattit le lion, parions que, même hors de Florence, Anne-Marie se retournerait pour ressentir encore et toujours ce doux plaisir de rougir à son désir de femme.
M'enfin, Anne-marie, à 81 ans révolus, cela ne t'a pas encore passé ?

Eh, non, pas encore ! Quant à Danielle, notre docte française en ces choses de l'art pictural, c’est au cloître de San-Marco le 29 octobre 2015 qu’elle reçut, et accepta l’apparition de son David à la chevelure noire, longue et bouclée, nez droit, sans nul doute le même que celui d’Anna-Maria qui avait traversé, indemne, le temps et qu’elle ne cessait de suivre du regard, à trop vouloir l'interpeller pour l'intéresser.
Dommage que, pour notre Danielle, si française, son David, si italien demeura, le temps de la visite du cloître de San Marco, si attentionné à Jonathan, son doux compagnon, et ne fit aucun cas d'elle.

A Florence, à moi aussi, la jalousie me prit. Aussi, j’observais sous tous ses angles ce bellâtre de David, cette foutue statue qui me faisait une concurrence déloyale. Puis, je souris car, si le sculpteur avait tout reproduit à l’échelle, le sexe de David apparaissait, en toute sa splendeur, bien rikiki et, si les florentines de la Renaissance n'en avaient fait cas, pourquoi ce petit rien ne me consolerait-il pas ?

Dis, Anna-Maria, je crois que la beauté gracieuse de David, sa crinière et son nez grec, la finesse de ses traits nous rappellent qu'il n'est point besoin de virilité pour terrasser un lion. Le courage suffit, et dans ce domaine, les hommes sont parfois des femmes qui, elles, sont toujours des lionnes.

Voilà qu'il était une fois David, second roi d'Israël, un homosexuel au courage si viril, qui aimait d'amour Jonathan. Un sculpteur italien mit un nez grec à un juif, ce qui serait osé de le dire mais pas de le faire. Soit. Alors, taisons-nous.
Maintenant, rêvons un peu : si le mariage pour tous avait existé il y a 3.000 ans, ne pensez-vous pas, Messeigneurs de l'Eglise catholique que David et Jonathan auraient convolé en justes noces avec la bénédiction du prophète Nathan ? Et pourtant, à l'époque, les sodomites étaient suppliciés et voués aux gémonies.

Affirmons, ici, qu'une instruction religieuse bien menée conduit à la tolérance, ce que tous intégristes redoutent. Aussi, ils voudront bien prendre leçon par chez-nous. 
Et à mes frères en Christ, avec un peu de courage vous finirez bien par aimer l'Homme, la création de Dieu, comme celle de Michel Ange, ce David si viril et si efféminé.

Correctif apporté ce 10 novembre par Anne-Marie : "Cher Gilles. Tout d'abord, précise bien que mon correspondant travaillait dans les chemins de fer italiens et non à la Poste. Cela a son importance. Ensuite on l'appelait Pipo... enfin, ses amis. Je n'ai jamais su le pourquoi de ce surnom.
"Ensuite, mon David, je n'ai pas fait que le suivre du regard. Je lui ai emboîté le pas, ce qui me choqua grandement. Je me disais:
-Mais, tu es en train de le poursuivre !
"Pour rappel, tu as oublié de faire mention de la carte postale que Pipo m'envoya un jour en France qui représentait des ânes siciliens. C'était si chou !
"A part ces quelques oublis, tout est conforme dans ton écrit à ma mémoire. 
"Amitiés, ton Anne."

Merci, Anne-Marie pour ces précisions, mais, entre-nous, cela amène quoi de mieux au récit ? Un petit plus ? Ah, oui ! Un accent de sincérité, soit, et rien de transcendant, n'est-il pas ?
Mais, pourquoi pas ?

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