dimanche 10 juillet 2016

L'oubli d'avoir déjà lu...


Il est des livres qu’on aime serrer pour mieux les savourer en les redécouvant. D’autres ne méritent leur lecture que par la nouveauté ou l'effet de mode :
- Mais oui, mon cher, son dernier essai, surprenant… mais oui. Adorable. Une finesse d’analyse. Quoique difficile. A ne pas mettre entre toutes les mains. Oui, tu devrais te le procurer.

Ben oui. Faut toujours mettre une touche délicate aux attendus de ses jugements sans trop appuyer pour ne pas susciter le débat qui risquerait de tourner à notre confusion.
Non, mais c’est vrai que je n’ai pas tout compris, mais faut bien se cultiver ce qui implique et de faire semblant de s’imprégner en simplifiant à l’extrême la pensée de l’autre, la faire sienne et, à force on finit par n’y rien comprendre pour enfin se débarrasser de ce fichu bouquin.
Il suffira de l’offrir pour bien montrer qu’on l’aura acheté. Lu ? Je ne sais :
- Tiens Carole, le dernier Machin. Tu aimeras. Surprenant. Non, non, c'est cadeau.
Et sans rancune, old chap, toi l’auteur trop compliqué pour moi. Pour me payer de l'achat de ton bouquin je tiens à te faire rater une vente. Oui celle de Carole. Pour me remercier ? Pas compliqué : écris plus simple. Merci bien !

Ces ouvrages dépassent notre entendement, trop techniques, souvent abscons, ceux qu’on survole sans rien pouvoir en retenir et qu’on se reproche d’avoir entamés, vous connaissez ? Mais bon, ne sommes nous pas suffisamment intelligent pour nous en débarrasser sitôt lus ?
Il nous reste encore sur les bras ce tas de livres qui ne présentent aucun intérêt mais dont on ne se séparerait pour rien au monde, sans oublier les anciennes reliures pleine-peau à conserver impérativement pour ennoblir notre bibliothèque Louis-Philippe plein-bois de merisier. Ah, parlez moi de la culture, et allez comprendre nos motivations :

- Mais oui, très chères... tous lus. Tu parles, Charles !

Je réserve une place toute particulière aux romans policiers qu’on ne peut absolument pas lire en diagonale tant le choix des mots, la tournure des phrases, leurs sens et le style participent de l’intrigue. Souvent la complexité de la confection du livre vous égare, et n’est ce pas le but du jeu du chat et de la souris ? On vous désire détective, mais qui est le chat ? Et la souris ?
En général, vous n’aurez rien découvert et ne vous restera que l’effarement des sens et de l’intelligence dans une sorte de plaisir à être la dupe de l’auteur qui prend un malin plaisir à vous promener. Mais que cet égarement est bon.
Toutefois, ces romans à clefs ne peuvent en aucun cas se survoler car ils réclament toute votre attention, votre perspicacité. Et pourtant.

Depuis toujours, pour moi un livre est un livre et je m’interdisais toutes sortes de condensés, tels ceux du Reader’s Digest car j’estimais que l’on ne pouvait en aucun cas réduire un ouvrage d’art. Et voila que, rangeant ma bibliothèque, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir une couverture verte de la Sélection du Livre contenant quatre raccourcis du Reader’s Digest qu’immédiatement je parcourais avec plaisir. Ma lecture commença par les Femmes de l’ombre (d’Agnès Claverie) suivie par les Mystères du Sacré-cœur (Catherine Guigon) dont il me sembla connaître l’histoire, mais sans plus et comme, dans le doute l’abstinence est de rigueur…
Ai-je bien dit abstinence ? Abstinence ? Vous me ferez grand plaisir de retrouver le bon mot car, le temps que je m’y mette, cet article risquerait de finir en cadeau pour la Noël prochaine.

Au troisième livre, Tu m’appartiens (Mary Higgins Clarck) je découvrais un auteur* dans une intrigue palpitante, quand bien même le traducteur utilisait trop d’auxiliaires. Tout au long du livre, en leitmotiv les paroles d’une chanson accompagnaient les crimes, la structure de l’énigme reposant sur trois personnages inquiétants qui pouvaient tous servir de tueur en série, chacun avec son secret et les possibilités d’avoir croisé les victimes dans des croisières de luxe.
Horreur : très vite, je savais avoir découvert l’assassin. Fastoche.

*Un auteur : les vieux comme moi ne supportent pas la féminisation des fonctions. Grâce à Laurent Fabius,  Balzac se retourne dans sa tombe. A quand un fourmi, un abeille, une homme, un femme ? Les anglais y retrouveront encore moins leurs petits et honniront davantage la langue française en tous genres et autres exceptions qu’ils appréhendent.

Tu m’appartiens… Lorsque Susan, l’héroïne retrouvait, face au sex-shop Dark Delights la boutique du Khyem Specialty Shop dans laquelle l’assassin venait se fournir en bagues qu’il offrait à ses victime, je m’aperçus que j’avais déjà lu ce bouquin.

Que croyez-vous qu’il advint ? Eh bien, sans trop chercher à savoir pourquoi, je poursuivais jusqu’à la fin ce livre, revivant à nouveau l'heureux dénouement. Oui, heureux car l’auteur, une femme ne pouvait pas nous décevoir. Normal.

Moralité ? Fontaine, je ne boirai jamais de ton eau. CQFD.

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