samedi 30 juillet 2016

Du foot et des villages - 2


Mais, revenons au football qui, en faisant cesser les animosités entre religions chrétiennes dans la cité n’en continuait pas moins les sempiternels "fights" entre villages en digne héritier du jeu de la soule qui seule savait colorer la grisaille des jours d’antan et donner une personnalité et une âme à Castagne et Saint-Pargoire, un jeux violent interdit à la Révolution française et dont la beauté de nos filles ne fut jamais étrangère à leurs déclenchements. Quel dommage que nos révolutionnaires aient pensé à mal.

Alors, on fit comme dans les temps anciens, et chaque village mit toutes ses énergies pour montrer aux autres sa force et sa cohésion déjà par les entraînements et celui du dernier jeudi d’avant match ne fut pas piqué des vers.
Dans les onze les ou 12 débits de boisson de Castagne-le Pont, 5 pour Saint-Pargoire-l’Ancien, les langues se déliaient et s’avivaient sans s’aviner bien aidées par tous pastis* depuis le Pernod, le 51, le Ricard, le Casa (le Casanis),le Jeannot, le Germain, le Berger blanc ou jaune, le Duval (le seul véritable pastis de Marseille) et toutes Mauresques (pastis à l’orgeat) , Perroquets (pastis à la menthe), Feuilles Mortes (pastis à la menthe et à la grenadine).
- Norbert ne tiendra pas sa cage dimanche. Mais, oui ! Il a envoyé bouler Kader.
- Et ta sœur. L’autre il lui a filé une de ces engueulades. Pas plus. L'est pas né celui qui l'enverra bouler, le Kader.

*Eh, oui, René, tout comme Obelix, je suis tombé dans le jaune tout jeune. Le Pastis, je me le pratique à la perfection.

Dans les bars qui, dans le temps qu’ils perdaient qui sa clique, qui sa fanfare après 1918 on avait fait du ballon rond le roi de la cité et nul ne s’ennuyait à Castagne-le Pont, encore moins au stade où on se bousculait pour suivre les entraînements de l’équipe fanion pour pouvoir les commenter le soir à l’apéro. 
Les dimanches ordinaires, à l’heure du match, vers les 15 heures lorsque la ville, ses bistrots et leurs terrasses se vidaient pour allonger la queue à la billetterie du terrain de foot, même quand la buvette se garnissait pendant la parties, tous ne faisaient plus qu’un seul entraîneur et un seul joueur. Et un seul arbitre partial et un seul spectateur râleur, tous deux sifflant et vociférant à toute faute adverse supposée. En toute bonne foi.

A l’office du stade, le dimanche, ni protestants ni de catholique, ni parti blanc ou rouge : que les maillots verts des supporters inconditionnels de la petite cité de montagne au nom prédestiné qui aimaient particulièrement la castagne* pour émailler parfois les rencontres de quelques bagarres mémorables.

*La castagne, la châtaigne.
Et il y avait le taxi, la grande gueule avec son acolyte Palan, le mineur de fond aussi chauvins l'un que l'autre, et encore de plus excités qu'eux. Qui n’aura assisté aux matchs entre nos deux sœurs jumelles, Castagne-le-Pont et Saint-Pargoire-l’Ancien où les choses tournaient toujours au Derby, le beau jeu faisant place à la gagne à tout prix, cette personne n’aura rien saisi de l’âme de cette petite enclave du piémont sud des Cévennes en limite des Causses.

Depuis un mois, la ville entière ne parlait plus que foot, tous les espoirs et les énergies tournées vers la confrontation avec le gros bourg de Saint-Pargoire situé à 7km à vol d’oiseau de chez nous, 11 par la route, le match devant se dérouler sur leur terrain, nous étions les visiteurs.
La mobilisation générale avait été décrétée par tous les cafetiers des deux villages où même les paris n’étaient pas clandestins et des cars réservés pour dimanche. L’excitation fut à son paroxysme lorsqu’il fuita que les dirigeants adverses avaient proposé de truquer l'affaire, alors tout le monde voulant y être, certains iront pédibus en empruntant les tunnels de la voie ferrée, dont le plus long d’un kilomètre deux cents. Aller-retour à pieds, le voyage pour rentrer à 21h en micheline trop tardif.

Pour la petite histoire, Castagne finissait champion de sa division. Cela lui suffisait. Pour la coupe, nos dirigeants pesèrent sagement leur décision : on se savait suffisamment forts pour attendre une année de plus pour placer cette coupe sur l’étagère du Café des Amis, siège du Castagne Football Club. Pourquoi ne pas l’abandonner à Saint-Pargoire, dans une division inférieure pour sauver sa saison désastreuse, pourquoi pas ?
Mais, si on acceptait de perdre la coupe, la fierté de Saint Pargoire l’Ancien en prendrait un coup. Et puis, encore fallait-il se décider avant la rencontre mais, tant qu’Edouard, notre correspondant du journal local et Kader, l’entraîneur s’y opposeraient, que faire ? Encore eut-il fallu que cet électron libre de Norbert notre goal et l’Étoile du club acceptât de faire la passoire. Impossible. Et puis, les paris dans les bistrots étaient faits. Et les cars retenus.

Curieuse idée que cette idée là qu’une équipe puisse se déconsidérer en gagnant la coupe Gard-Lozère. Ne la recevait-on jamais des mains de l’équipe perdante ? Dans le cas présent, encore fallait-il piper le match. Curieux, mais pas tant que ça, le jeu de ballon se laissant parfois pousser à de ces extrémités… extrêmes ? Oui, c’est bien le mot.
En ce samedi d’avant match, la devise de Castagne-le Pont fut comme toujours : "Tout pour ma gueule, rien pour les autres. Mais, vraiment rien !" car la parfaite victoire fait le vainqueur plus beau et mieux aimable. Et pas de triche.
Pour Saint-Pargoire l’Ancien, la Coupe ne pouvait lui échapper car : "Ayant Dieu pour défanse, Nous ferons résistance". Si on veut. Même si Dieu nous comble de ses grâces,  pourquoi ne pas l'assister un peu en trichant un peu beaucoup ? Et, si deux assurances valant mieux qu'une seule, alors pourquoi ne pas tenter le coup ?

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