jeudi 13 février 2014

La feuille de tabac - 2


Pub 'Gauloise" de 1978
Pour la Saint Valentin, pas de fleurs. Pensez plutôt patch, présent de vie à offrir à ceux qu’on aime très, très, très fort.
Vous désirez cesser le fumette? Réfléchissons... réfléchissons.

Avant, il a bien fallu bien allumer sa première cibiche, tousser en poitrinaire à s’arracher la gorge, se retrouver en apnée comme le seront tous futurs agonisants du cancer des poumons… sans cette petite inquiétude de ceux qui se savent mourir en se noyant.
Mince alors, mourir noyé dans sa fumée, en expectorant ses poumons...

La première cigarette? L’horreur absolue. On se demande comment après cette dégueulasserie dans la bouche, on a pu persister. Mais, tu as 8 ans et tu allumes ton plus gros interdit, une nouvelle Bastos, en te cachant avec les autres mômes . Faire les grands, sortir la fumée par les naseaux… avec les yeux pleurant sortis des orbites, et la tête... mais que la tête te tourne. 
Et tu rigoles de ta connerie. Mais tu ne sais pas.
Bizuté, te voilà mais, attention à bien te brosser les dents, sans s’approcher de l’adulte, ne pas l’embrasser… ou que les fumeurs, pas les femmes qui, à l’époque, se passaient fort bien du cancer des poumons des hommes, et pour cause.
Alors, quand la tête ne te tourne plus, tu ne le sais pas mais tu es gravement intoxiqué au tabac.

Puis ce fut l’armée et la ration insuffisante de 16 paquets de Troupes . Et il fallait jouer au poker pour fumer. Puis, ce fut le travail, où tous, des éducateurs aux adolescents. Sauf le Directeur, André.
Souvent j’essayais de comprendre pourquoi je fumais, dans quelles circonstances, et si je pourrais m’en passer… Je me disais que tant que je ferai du sport, tant que je pourrai monter à l’Aigoual, sac au dos dans la journée avec mon paquet de clopes, je ne vois pas pourquoi j’arrêterais. Et je n’avais pas mal aux poumons.

-C’est vrai, papa, que le tabac serait bon pour l’intellect?
-Je ne crois pas, ma fi-fille. Ecrire tout en fumant 30 cigarettes par jour, c'est impossible. 
Et les manques des dimanches d’imprévision, à récupérer le cendrier de la bagnole, taper les copains ou les passants, se faire rabrouer, ramasser des mégots par terre. Parce que, fumer, c’est de tout cela aussi qu’il faut parler. Quand aux odeurs de fringues, je ne te raconte pas.

Après toute honte bue… mêlons-nous d’arrêter de fumer. Attends, attends… fi-fille. J’adore ceux qui te disent qu’ils ne fument pas, sauf un ou deux petits cigares, après le repas. Oui. Seulement ils oublient de te dire qu’ils grignotent toute la journée.

Des essais, en ratages toujours recommencés. Tout fut tenté, sauf les patchs, même l’acupuncture avec ce cal douloureux sur le lobe de l’oreille qui m’empêche de m’endormir du côté gauche.
Avais-je assez de volonté… ou d’intelligence? Et ces discours défaitistes:
-C’est dur parce que le tabac est une drogue… 

De manque en manque: il faut s'accoutumer au manque.
Pour se sevrer, contourner ce manque, remplaçons le tabac par des sucreries.
-Demandons un bonbon. Personne ne m’a jamais refusé une douceur ou un french chewing-gum, à la rigueur un américain bubble-gum. Dommage que peu de gens sucent le bonbon*.
*les bonbons se sucent aussi, et comme le dit suavement Fanny... mais, que me disait-elle, concernant ce bonbon qu'elle aime à m'offrir?

Je me suis dit, dans la foulée après avoir acheté un paquet de Caramels*: *Certains auront lu Camel, pas vrai?
-Et si tu offrais un bonbon? Ambigu. On vous le prendra mais, il y aura toujours un relent de drague.
Offrir un bonbon aux femmes, ou le lui demander? Impossible, papa ayant appris à fi-fille à ne pas adresser la parole à un inconnu et  maman lui a dit de ne jamais accepter la petite friandise d’un homme avant que d’avoir mis une jolie petite culotte propre. Voyez la difficulté.

Petite sucrerie n’arriva jamais à me faire quitter douce clope du bec. Et, si nous réfléchissions «à l’envers» et déclarions que tous sommes vicieux? Dans le genre du :
-Je t’offre une clope! Tu préfères un bonbon? T'es pas normal, toi!
Eh, oui! Alors, pourquoi ne pas fumer ensemble, entre nous?

Certains  affirment le tabac préférable à l’alcool…
-Pardon?…
-C’est rigoureusement exact. Le tabac n'est néfaste qu'à toi seul… mais à long, à très long  terme. Par contre, l’alcool détruit tout sur son passage, de la famille aux relations sociales. Ajoute la folie et la clochardisation. Il détruit tout, le corps, l’esprit, la relation affective et sociale.
Il paraîtrait qu'avec les cigarettes… pour les dégâts? On a le temps d’y penser, et c'est cela le problème.

Laisser moi gérer ma vie. Certains, les pires vous consolent avec ces accents du droits de disposer de sa vie à sa façon:
-Mais, c’est ma vie…
C’est exact sauf que quand tu t’es pris un gentil petit cancer, imagine combien me coûtent tes hospitalisations, tes chimio, tes rayons... pour sauver ta vie foutue... Oui, ton plaisir dont je paie l’addition.

Et que même mort, tu me fais participer à tes cancers quand je dois suivre ton cercueil, livré à la bise de l’hiver. Oui, parce qu’en plus du coût de la sécurité sociale, tu meurs en hiver, pas au printemps. Suivre ton enterrement pour écouter, transis, le Pasteur dire que la vie éternelle nous console de la mort. Peut-être mais je me les gèle parce que tu as refusé de passer par le temple… non, mais dis  donc, devant ta tombe ouverte, on va chopper la crève avec tes conneries, Monsieur le mauvais gestionnaire de ta vie. 
Oui, parce qu'à suivre ton cadavre en décomposition déjà très avancée durant ton vivant à l’hosto, on va se chopper la malemort.
Zut, mon frère, zut alors. Oui, car tu ne me permets pas de couper à tes funérailles sans que l’on dise au Vigan :
-Le Gilles?… mais c’est un salaud. Absent à l’heure de la mort d’un de ses meilleurs amis.
-Peut-être mais, ce gros salaud, il lui suffisait de cesser de fumer quand je le lui demandais. Il m’aurait même enterré. D’un autre côté, il s’est épargné la douleur de me perdre. Que dis-je… l’immense douleur.

A suivre au 3ème épisode : «Pour arrêter de fumer…».
-Oui, mais, comment tu as fait…

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