dimanche 9 août 2015

Un épisode cévenol -1

Les fleurs d'impatiences. En cet écrit, nous nous occuperons du fameux épisode cévenol des 17-18 septembre 2014 qui, sans le retard du Professeur que nous consultions ce 17 après-midi, n'aurait jamais pu nous bloquer toute une nuit sur la route.
Ah ! L'épisode cévenol ? Une énorme cellule orageuse qui stationne des heures et des heures sur le relief des Cévennes en y déversant des trombes d'eau, générant des inondations catastrophiques.

Petite note gaie à mettre à l'actif de l'Hôpital Public qui, pour tenter de faire oublier le retard de son homme de l'Art, tout en marquant bien nôtre visite, se mit sur son trente-et-un pour nous facturer aimablement la consultation de la bagatelle de 160e, une paille, tout de même. Quant à la salle d'attente, il eut fallu être horticulteur pour en apprécier les impatiens.

1h30 d’attente. Rien ne bouge dans l’hôpital, ou si peu : crispant, tout de même. Aucun bruit dans nos 8m2, même pas celui des pages tournées d’un périodique. Il n’y en a pas : tous fauchés, il faut croire… Ajoutez-y 8 consultants qui s’évitent du regard en attendant le messie, plus votre serviteur qui n’est pas patient, ni du Professeur, on s'en douterait un peu quand même, ni  ne voudrait pâtir de l'attente pénible en cette chaleur lourde, prémisse de l'épisode cévenol qui s’amorce pour ce soir.

Nous-y voila rendus, à l’Hôpital Public dans lequel même les soignants se déplacent à l'économie tout en discutant par petits groupes. Il y fait trop chaud, trop lourd, trop humide.
Pour y ajouter une petite note de fraîcheur, les toilettes sont d'un sale qu'on se demande bien comment on peut faire pour obtenir ce résultat. A se retenir de pisser ? Oui, et surtout à ne pas se pisser dessus en s'oubliant !

... et encore moins à pisser de rire en ces lieux d'aisance, ou tout est à l'image de l'épisode cévenol à venir avec inondation et tous abattants aux abonnés absents ainsi que le papier Q : service des chiottes premier rendu. Quand on pense à la Sécurité Sociale en ses campagnes pour la salubrité publique : Lavez-vous les mains... 
Et, pour s'essuyer ?  Oui, les mains aussi... on fait comment, sans papier ? Des virgules ?

La cafétéria et les journaux se situent à Cuge les Oies, au lointain, et tout se fait attente en désespérance, et à ne rien pouvoir faire pour s’occuper l’esprit. Silence, hôpital !… et, merci mon Dieu, car pas de cette musique horrible diffusée en sourdine qui voudrait adoucir l’attente. Comme si ce pouvait se faire... 

J'installe une chaise dans le long couloir pour bien afficher ma joie et tenter de rafraîchir le ricanement qui commence à m'étouffer.

En ces lieux de silence et de sérénité, il n'est Rien A signaler !
-Nous étions convoqués à 14 heures. Et vous ?
-A 15 heures.
Déjà deux heures d’attente : je m'échauffe grave !
-Le Professeur est arrivé à 14 heures 30. Une urgence. Il essaie de rattraper son retard, dit la dame.
-C’est cela ! Comme si un retard pouvait se rattraper. Et puis, nous n’y sommes pour rien. Il n’avait qu’à s’organiser. On se fout de nous, que je déclare ronchon !

-"Monsieur, quand on est malade, il faut apprendre la patience !"  
Tiens, une dame, un avis ! Et qu'elle veut partager avec moi, moi qui ne lui ai rien demandé ! Et, ta sœur, dis donc, vilaine ?
Patience (c'est son nom) accompagne son homme, le pâtissant. Cela se vérifie à ce qu’il regarde le bout de ses souliers et parce que ce sont toujours les femmes qui accompagnent leurs maris, leurs amants (c'est du vécu !) et les enfants pour en faire des malades acceptables, l’inverse se vérifiant rarement. Ou jamais ? Ou jamais !
Cause que tu causes, vilaine, on s'en fout car on n'a rien entendu…

Effondré de devoir fermer mon clapet, je reconnais que mon mauvais caractère m’a lancé dans les quilles cette compatissante qui se voudrait consolatrice en ce début d'endura. 
J'invoque Simon de Monfort : "Maraud, brusle-moi cette ribaude !" Mais rien ne vient à moi.
Alors, en toute tristesse, catastrophé de tant de connerie, je remue de droite à gauche la tête, souriant mais si désolé pour mon amie de 76 ans qui souffrait de tant d’attente, et je me suis pensé :
-Apprendre la patience. Une oie cendrée. Tiens, donc : elle parle !  Ici, l'image de l'oie cendrée s'imposait car Patience portait un tailleur BCBG gris très strict, mais si excitant.

Belle envolée Madame de la philosophie : apprendre la patience ! Et puis, quoi encore ? D'accord, les toubibs font toujours attendre ! Mais des heures, comme aujourd'hui, c'est du vice. Et à 160 euros* la consultation, l'hôpital fait rêver. Première bonne nouvelle : le secteur public est rentable. 
*Ndlr : Ne boudons plus et divisons les 160e par le temps d'attente, et voyez : l'heure est donnée !

Seconde nouvelle, celle-la mauvaise : le secteur privé, hébergé par le service public nous fait patienter parce que le toubib et son secrétariat se sont mal organisés. Trop facile de toujours dénigrer le service public alors que le secteur privé est responsable à 90% de ce retard.  
Mais, si au moins on te guérissait à 100% pour te consoler de l'attente. Mais non, le Professeur ne te promet que des queues de cerises pour des queues d'attente, tu penses bien. Et encore, tout en espérant ces écoles pour nous apprendre à supporter le retard des autres. 

Pourtant je reconnais la pertinence de nôtre Dame qui voulait signifier qu'une salle se nommait ainsi pour inviter tous patients à l'attente patiente. Ils sont malades, qu'y pouvons-nous ? Qu'ils attendent sans en rien gêner le service qu'on leur rend.

Mais, comment peut-on justifier ces deux heures d'attente à cuire à l’étouffée ? Quant à ma réaction due à un égarement passager,  je compte, Madame, sur vôtre mansuétude pour bien vouloir me faire la grâce de m'en excuser, vilaine, va !

Souffrir, soit, mais pourquoi en faire toute une maladie ?  
Par contre, pâtir du retard des autres, quelqu'un pourrait-il m'expliquer pourquoi on devrait, non mais ! 
                                                            __________________
Petit billet doux à l'adresse de mon toubib : 
            
            Cher Jean-Louis,
                                           je suis au regret de devoir t'avouer que, lorsque ta salle d’attente est bondée, je te fais quelques infidélités en allant consulter ton collègue qui, heureusement en burn out est remplacé avantageusement par de jeunes doctoresses. Et belles que je ne te raconte pas puisque tu as le bonheur de les fréquenter journellement, ce qui les rend encore plus doctes. A ton contact et à mes yeux, s'entend ? Je veux, oui. Et j'ose dire !

            Certains de tes malades préfèrent patienter par fidélité, préférant ta science à leur beauté. Grand bien leur fasse. Moi, j'ose affirmer que je trouve ces dames aussi belles que doctes. 
Leur plus ? Mais, Jean-Louis, elles ne me font pas attendre pour me recevoir. Enfin, pas encore, mais ça viendra, crois-moi, car tes patients se chargeront de leur faire de la pub en surchargeant ta salle d'attente. 
Non, non... pas que pour toi mais aussi pour attendre patiemment ces bébés docteurs d'amour. Tu peux leur faire confiance. Aux jolies doctoresses aussi ?... A elles aussi !

            Comme je pense que tu es autant sensible que moi à la beauté de l'acte, en médecine s'entend, je sais que tu ne m'en voudras pas et me comprendras, m'encourageant ainsi, je le sais, à persévérer pour désengorger ta salle d'attente.
Quoique, non : elle sera toujours aussi pleine... pour toi et pour elles.

            Amitié, Gilles ton patient si impatient de tomber malade pour devoir consulter.

                                             _______________

Serment d’Hippocrate (Serment d'origine).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Serment_d%27Hippocrate.
Traduction par Émile Littré du serment d'origine3 :

« Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios*, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l'engagement suivants :
*Esculape et ses filles Hygie ou Hygée (Santé), ainsi que Panacée (la Secourable, ou remède contre tous les maux).  

-Je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de mes jours, je partagerai avec lui mon avoir et, le cas échéant, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des frères, et, s'ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je ferai part de mes préceptes, des leçons orales et du reste de l'enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par engagement et un serment suivant la loi médicale, mais à nul autre.

-Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m'abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif. Je passerai ma vie et j'exercerai mon art dans l'innocence et la pureté.

-Je ne pratiquerai pas l'opération de la taille1.
Dans quelque maison que je rentre, j'y entrerai pour l'utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves. 
1. Ouverture chirurgicale de la vessie ou cystostomie. Voir aussi Lithotomie.

-Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l'exercice de ma profession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas.

-Si je remplis ce serment sans l'enfreindre, qu'il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire et mourir dans la tristesse. »

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