lundi 13 juin 2016

Lisbonne, j'y reviendrai ! - 1/3


Lisbonne, la ville aux 7 collines m'apparaît par le hublot après un large gauche en glissade sur l’aile au dessus de l’estuaire du Tage, l'avion revenant par l'ouest pour son approche. Ensuite, bas survol de la ville en épousant ses dénivelés par descentes inattendues suivies de remontés plus qu'espérées qui finissent par vous lever le cœur jusqu'à l'atterrissage sec sur le tarmac. Freinage puissant. Ouf ! Jusqu'à l'arrêt complet, et pendant la sortie de l'avion tout se fait dans le calme et le silence. Deux heures de vol. Avancer sa montre, la retarder. Qui a dit ? Je ne sais plus et vous laisse vous en charger.

Du Portugal, je ne connaissais que l'ami Américo et autres discrets portos viganais. Départ de Marseille par Ryanair, 50 euro aller-retour, avion bondé de français par les vacances scolaires. Après un sommaire briefing de mon copain, il me semblait que Lisbonne n'était qu'une brune craquante aux yeux noirs qui s’habillerait à la garçonne, mode 1930 tout en n’arrivant pas encore à se délurer complètement, une beauté simple.

- Lisbonne ? Tu verras son accueil et tu lui glisseras discrètement un billet d'amour à cette ville pas tout à fait européenne et tant convoitée des hommes, des espagnols surtout qui l'avaient prise, mais si mal comprise.
- Oh, Americo, cool ! Plus avenante que Paris ? N'exagère pas. 

Lisboa est moins peuplée que Marseille. Je m'attendais à déambuler dans une ville repliée sur elle-même et restée campagnarde. Mais non car Lisbonne tient bien son rang de capitale européenne avec allant. Je croyais la ville cagote, pleine de soutanes, de cornettes et le Bon Dieu omniprésent dans ses 24 paroisses civiles. Mais non. On me dira que, depuis la révolution des œillets la religion restait confinée dans de sombres églises massives avec, cependant un Christ monumental, copie de celui de Rio sur la rive droite du Tage face à Belem qui, de ses bras immenses accueille la procession des faiseurs de l'histoire portugaise sculptés sur le très salazariste "Monument aux Découvertes" que les lisboètes nomment : "Poussez pas derrière!"   

De Lisbonne ? Je m'attendais encore à rencontrer une fille frileuse, coincée. Je l'imaginais vieille bigote, insignifiante et toute de noir vêtue faisant le deuil de sa gloire passée. Et bien non : Lisbonne est aussi une belle jeune fille qui bouge pas mal, toute tournée vers l'avenir. Mais, nous n'y sommes pas encore, à Lisbonne...

Revenons dans l’avion où il était Inès, jeunesse présentement étudiante en management à Paris qui préférait l'OM et le Barça au PSG. Moi, je vote pour Saint-Etienne. Logique car j'aime bien son nom, prénom de mon fils. Tiens, il s'en est retourné en Argentine.

- On se tutoie, tu veux bien ? Inès, c'est espagnol, je me trompe ? 
- Non. Ni marocain. Mais pas recommandé d'être espagnol, au Portugal. Rien que marseillaise.
- Tiens, donc ! Et tu viens rejoindre ton amoureux ? Ne dis pas non !

Ne me l’a pas avoué explicitement mais je le crois. Non, mais sans blague, une jeunette, si ce n’est pas amoureux à cet âge-là, ce serait à désespérer de la vie. Une nuit d’insomnie, ça elle avoue, la pauvrette, c’est donc que j’avais raison : Inès me cache un amour. Pas bien, Inès mais je ne t'en veux pas. Je mis mon ciré de marin rembourré jaune pétard entre nos dossiers pour qu’elle puisse somnoler sur mon épaule. Galant ? Pas même, mais merci de relever comme gentillesse ce qui n'était que de la tendresse d'un grand-père pour sa petite-fille fatiguée d'amour.

- J’ai beaucoup dormi ?
- Dormi ? Si tu as dormi ? Ce n'est pas une question, ça ! Evidemment et si profondément que tu ronflais. Moi, je n’ai pas osé…
- Je ronflais ? C’est vrai ?
- Oh, petitement, mais si joliment. Tu ne me crois pas ?
- C’est horrible… Il fallait me réveiller ! 
- Mais, non Inès. Tu n’a pas beaucoup ronflé. Enfin, pas tout le temps, non. 

Pour mon contentement j'appréciais qu'elle ne sache pas si c'était du lard ou du cochon. Avons ensuite pas mal rigolé, mais chut, ceci ne concerne personne, vu que nous n’avons déblatéré sur personne, même pas évoqué notre Hollande national si mal en point. Et aussi, elle préfère le FC Barça à Valls qu'elle ne connaît que pour son parfait rasage. Un bon point pour lui car on a envie de l'embrasser, disait-elle... 
Toutefois, cette histoire de ronflette, depuis notre rencontre, la petite demoiselle, pas sûre de rien avec moi doit encore se demander si je ne la chinerais pas un peu. Comme elle a pris l'adresse de mon blog, allez, faisons lui plaisir* : 

- Inès, tu te seras assoupie sans bruit. Rassure-toi. C'était pour rigoler !

*Faisons lui plaisir !  Tiens, par ces mots tu pourrais croire que je te chine encore. Oh, Inès ! Ronfler, pas ronfler ? Inès, crois-moi : tu ne ronflais pas. Enfin, je l'espère car, m'étant assoupi un instant ton voisin de gauche m'a réveillé parce que je l'empêchais de dormir. Pour mieux te rassurer, tu voudras bien te rapprocher des autres passagers.

Nous voilà l’après-midi de ce jeudi 25 février sur l'aéroport de Lisbonne à la sortie des faubourgs. Atterrissage parfait mais avec ce tac-tac-tac-tac crispant des pistes en béton et, au soir, nous sommes accueillis par un soleil éblouissant dans un ciel purpurin* rien que pour nous, des cumulus humilis blancs de fin de traîne, avec cette lumière douce et ses ombres profondes bien découpées jusqu'à l'horizon et ces couleurs éclatantes, le tout renforçant la perspective pour photographe paysagiste ou cinéaste de western, puis sommes conduits au terminal par deux énormes bus qui se baissent car montés sur suspension hydraulique.
Tiens, il me semble avoir oublié mon passage au service météo de l’armée, ainsi que la photographie : couleurs éclatantes, paysage lavé égale temps des après pluie.

*Purpurin. J'aime bien le mot, voila pourquoi purpurin !

Après, métro ferraillant, bruyant, avec peu de monde sur les quais des stations hors d'âge, ni dans le wagon et pas de mendiants, de chanteurs ou autres sortis de prison appelant à mettre la main à la poche hormis un aveugle et sa tirelire nickelée qu’il agite en lançant une phrase d’une voix désagréable, en portugais il me semble, et choquante sans rencontrer la charité. Une misère pour l'aveugle, la voix expliquant sans doute cela. Si encore, d’un petit effort, il se fut exprimé en français mais pas en espagnol, le portugais rancunier détestant son voisin ibérique pour fait de colonisation, l’arroseur arrosé, quoi, j'aurais alors consenti à me fendre d’une tune.

Sortie du métro. Longue déambulation dans le Lisbonne moderne qui ressemble à Montpellier en moins beau. Nous demandons notre chemin : tous les portugais rencontrés se sont mis en quatre pour nous renseigner, nous accompagnant parfois en parlant français, heureux de rendre service à des presque compatriotes. Faut croire que la France, on l'aime en ces lieux. Chez-nous, demander sa route ? Nous aimerions bien être serviable mais en France, nous sommes si  timides. Dommage.

Nous entrons maintenant dans la vieille ville et l'enfilade de rues montantes, descendantes, entrecroisées avec des angles impossibles, des moyennes, de petites, des ruelles et autres venelles nous donnent un avant goût de Lisbonne. Ensuite, 6ème sans ascenseur avec 105 marches bien tassées, harassantes pour 22 euros la journée pour seule consolation. Surtout ne pas oublier le sel. Petit appartement. Un jeune étudiant, croate avenant nous reçoit en s'exprimant en anglais avec ma compagne qui maîtrise bien cette langue . 

Rapide visite. Quatre chambrettes, salle de bain-WC, cuisine, petit salon  et deux terrasses dont une sur le toit ou deux amoureux peuvent s’embrasser tout en restant hommes, sans se gêner à bouche que veux-tu, le noir propice à l'amour et ici mieux qu'ailleurs. Plus bas, les lumières de la basse ville avec, au loin à main droite le pont suspendu et le Christ illuminé sur l’autre rive du Tage.
Deux terrasses, l’avais-je dit ? Oui, et l’une sur l’autre et embrassant le bas de Lisbonne et l'autre rive du Tage.

- Des ch’bèbes, que je te dis : des ch'bèbes, d’après ma copine.

A suivre...

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