samedi 18 juin 2016

Lisbonne, j'y reviendrai ! - 2/3


Belém et l'Art Zéro. L'orientation dans une ville prend souvent appui sur les monuments qui se détachent au dessus de la ville à condition de les avoir le plus souvent à vue, et droit devant. A Lisbonne le haut des collines donne peu de points remarquables quand le vallon qu'il faudra redescendre pour les atteindre les cachera et vous désorientera, la ville ne pouvant se découvrir qu'un guide en main et en demandant sa route. Ici, aller au but consiste souvent à s'en détourner en empruntant le chemin des écoliers qui pourrait bien y accéder, mais pas toujours, et passer par des quartiers successifs mal délimités.
Mon conseil ? Empruntez le tramway ou le bus puis parcourez à pied le quartier choisi. Seule certitude à Lisbonne : la descente vous mènera bien à un moment au Tage.

Belle et attachante car surprenante et unique, hétéroclite, petite mais étendue, fouillis de rues, difficile d'accès sont les termes qui conviennent pour dire la ville et ses quartiers tous différents avec aussi ses jardins calmes, ses avenues larges et droites coupées a des angles impossibles par des rues souvent étroites et tortueuses dont on ne saisit pas bien le plan architectural de Pombal qui fit reconstruire Lisbonne après les tremblements de terre, les tsunamis du 1er novembre 1755 et le feu qui la ravagea.

Lisbonne, ville aimable, sa population y prenant sa part, vous surprendra par la diversité de ses joyaux, ses rues et ses quartiers plus que par ses monuments comme à vouloir vous perdre pour mieux vous plaire et vous y retenir.
Dès la sortie du métro rien ne la distingue d'une quelconque ville provinciale bien qu'elle soit capitale. La ville moderne dépassée, elle présente rapidement des rues aux descentes de plus en plus raides vers le Tage, son fleuve, certaines dignes de pistes de ski noires ou la circulation automobile devient impossible, avec des remontées au retour qui semblent bien plus longues et pénibles au piéton.

Mais, de la beauté de Lisbonne, on ne saurait dire tant ses quartiers bien marqués diffèrent, certains pauvres dortoirs aux rues désertées, d'autres riches, touristiques, vivants et animés. Vous aimerez les façades des immeubles recouvertes d'azulejos*, ces petits carreaux de faïence qui n’ont pas qu’un côté décoratif au vu des orages venus de l'Atlantique, avec du linge qui pend aux fenêtres parfois protégé de la pluie par un plastique, les toutes petites échoppes du coin tenues par des portugais du cru, sans oublier ses galants conducteurs soucieux des piétons.

*En reconstruisant Lisbonne, le marquis de Pombal fit protéger les maisons de la propagation du feu par les azulejos. 

Ah, Lisbonne, Lisbonne ! On sait dire, mais vous prévenir que cette belle pousse fermement ses amoureux à suivre un régime minceur draconien, il n'y a personne. En 6 jours de crapahut, sans m'en rendre compte je perdrai 5% de ma masse corporelle grâce au "Spécial Lisbonne", ce régime recommandé pour le cœur, le tonus musculaire et le sommeil.
Ce régime supporte sans dommage les repas chargés et les soupes portugaises, les meilleures au monde après celles de ma pauvre mère. Enfin, seul mon avis compte, n'est-ce pas ? Après ce régime minceur qui vous encourage à manger copieusement parce que vous avez tellement faim suite aux efforts physiques, vous deviendrez lisboètes. 

A Lisbonne, dès qu'il se mit à pleuvoir j'attrapais une bonne crève. Redescendre l'escalier pour aller entendre du Fado le soir, rien que de savoir qu'il fallait en remonter les 105 marches vous fatiguait encore plus que la visite de la ville. Donc, les bars de nuit branchés et le fado, nada.
Des musées, je retiendrai surtout celui de Belém à cause de sa longue galerie d'affiches racontant l'histoire moderne du Portugal, ainsi que la riche collection d'un mécène portugais, surtout ses deux peintures décevantes de Dali et son "téléphone-homard", les petits gribouillis d'un certain Breton ou Le Breton d'une telle mocheté que j'en avais honte pour la France.
Si, un de ces jours, en passant par Belém et son musée vous aviez à cœur de vous renseigner sur un certain Breton, instruisez-moi et, ainsi feriez œuvre utile.

Dans le musée de Belém, n'oublions pas "l'Art Zéro". Si, si, ça existe réellement. Vous la voyez cette toile écrue, non préparée par le peintre qui ne se sera appliqué, tant qu'à faire qu'à la tendre sur son cadre et qui, d'un seul trait du génie de son art l'aura crevée en son milieu d'une estafilade de bas en haut. Quoique de haut en bas serait plus logique, mais on n'est pas à la place de l'artiste alors, comment savoir ? Un long et bon coup de canif, et hop ! Un monument de l'art moderne incomparable. Adjugez, c'est vendu. Et ça se dit artiste, me dit-on. J'espère qu'il n'est pas français, ce zigoto. Incroyable ! Et certains adorent.
Pour le jeune gardien, étudiant aux Beaux Arts, dans cette salle ne retenons que la démarche qui devrait nous questionner sur la place de l'art dans la société sans dénigrer cette "peinture" loufoque. Bon, si on veut mais Utrillo s'en est allé se bourrer la gueule à l'absinthe, seul, désespéré et tant chagriné par cette incommensurable couillonnade. S'il avait su qu'un coup de cutter valait mille coups à boire...

Attendez, ce n'est pas fini. Procurez-vous une toile écrue au prix de 10 euro. Tendez-la fermement sur un cadre, plaquez dessus un paquet de coton hydrophile acheté chez votre pharmacien, puis collez serré. Signez, exposez. Banco ! Extasiez-vous surtout lorsqu'un plus fou que vous la trouvera géniale, l'achètera d'un bon prix pour l'accrocher chez-lui, et tous de s'exclamer :
-Génial, si, si, très cher, mais qui est donc ce peintre incroyable ? Bravo ! Une valeur sûre ! Ça, un tableau ? Et ta sœur !
Tout bien réfléchi, à sa place et avec mon imagination j'aurais collé sur la toile du papier toilette souillé. Blanc, le papier sur toile écrue, du plus bel effet. Une grosse merde, quoi. Pardon, vous dites qu'on l'a déjà fait ? Avec du papier toilette ? Non, mais une merde en boîte exposée qui vaudrait du pognon ? Je ne savais pas. 

Lisbonne, ses habitants gentils, sa pléthore d'artistes et ses réalisations. Ses militaires et sa police aussi. Comme nous passions souvent près de l’Assemblée Nationale gardée à vue par deux sentinelles armées d’un fusil, l'une d'elles voulut bien échanger quelques mots avec moi. En Grande Bretagne, essayez toujours ! En France, on vous enverra bouler.
-Mauser K93 ? Non ! 7,92 ? Si !
Pourtant, pas tout à fait exact car, copiée en 1904 et fabriquée au Portugal, cette arme en utilisant la cartouche de 6,5x58mm devint le Mauser-Vergeiro.
Les autres militaires rencontrés plus tard dans leurs tenues de combat font armée du pauvre, peut-être pas d'Angola, du Mozambique sans doute.

La police, moins présente qu’en France ne fait pas montre d'un zèle excessif, sauf peut-être avec les automobilistes lorsque l'on constate leur strict respect du stationnement, des feux et des passages protégés. Par contre, beaucoup d'agents près des travaux, des banques ou des grands magasins avec quelques rares forces d’intervention armées d'un PM 9mm allemand ou israélien. Quand on sait que la mitraillette n’est efficace que par l’imprécision de son arrosage, la nombreuse clientèle de touristes des grands magasins se rassurera en se rappelant que le Portugal, étant de tradition judéo-chrétienne il restera toujours la main de Dieu pour ordonner le feu, ajuster les tirs et juger des vivants et des morts.

Ici, on ne se surprendra plus d'entendre partout parler français par nos presque compatriotes portugais et leurs nombreux touristes profitant, en famille des vacances de Février, le tout faisant de Lisbonne une ville bien de chez-nous, mais pas tout à fait car, pour une fois ses habitants, surtout les français d'origine sont devenus agréables. A ne pas reconnaître ces grandes gueules. Choquant !
Lisbonne, comme me le signalera un beur marseillais rencontré dans le vol de retour, c’est Marseille en mieux. Vraiment mieux, sans la racaille, et ce n'est pas moi qui le dit quoique dans le Traway 28E, il est conseillé de faire attention aux bousculades et bien serrer son sac sous le bras vu les toujours trop nombreux vols à la tire. 

Je rappelle aux travailleurs français qui penseraient s’établir ici pour faire leur beurre que le Portugal n'est réservé qu'aux touristes et aux retraités, sachant que le Smic, en saluant notre venue passera royalement à 590 euros (la TSU, cotisation sociale patronale devant diminuer) contre 1466,62 brut  et 1141 net des cotisations sociales en France. Comme en France socialiste, l'état portugais se dépouille du bien public au seul bénéfice des patrons, soit disant pour créer de l'emploi, la rigolade, qui se gavent aux frais des autres contribuables, dont leurs travailleurs. A quand la France et le Portugal ruinés, comme la Grèce ? Merci, patron !
Non, non, messieurs les patrons français et portugais, je vous le rappelle : les cotisations ne sont jamais des charges mais un effort nécessaire à rendre à la collectivité pour le bien commun. L'état clochardisé nous fera moins de routes et de sécurité pour exporter le fruit de notre travail. Et encore merci patrons de m'avoir entendu !

Lisbonne, c'est aussi beaucoup d’immeuble en rénovation, d’autres à l’abandon ou mal entretenus, des échafaudages un peu partout sans compter de jeunes peintres en bâtiment, qui après en avoir protégé les tuiles de l’avant-toit d'un plastique dur descendent en rappel pour peindre les façades, un sceau accroché entre les jambes, rouleau retenu au poignet par une ficelle et le tout sécurisé par des cordes dynamiques et autres harnais, descendeurs, mousquetons et jumars de spéléologues. 

-Dangereux… bien payé, tentais-je de faire comprendre à l’artiste peintre acrobate en frottant mon pouce contre l’index ?
Bien payé, tu parles ! Pour seule réponse, petit sourire et haussement d’épaule. Curieux, ce jeune ne parle pas notre langue. Avec dix doigts montrés, dénégation de la tête, pouce tourné vers le bas. Huit ? Trois fois le pouce baissé. Allons donc ! Six doigts, le Smic portugais ? Encore et toujours nenni. 5 doigts ? Hochement affirmatif et large sourire du monsieur. Mince, alors !
Je lui montre mon annuaire gauche et lui demande s’il est marié. Lui, tout à la rigolade se tape la tête contre sa corde de rappel puis encore non de la tête. Il n’est donc pas marié. Toutes mes excuses mais de ces 500 euro, je n’ai pas osé lui demander s'ils étaient net ou après déductions.
J’en conclus que le portugais, toujours dans l’adversité sait se faire comprendre par gestes et que son heureuse complexion lui fait peindre la vie en rose en commençant par les façades de Lisbonne. Rose bonbon.

A suivre...
(Photo N&B KGP. Nikon FA. FP4).



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