jeudi 22 septembre 2016

La Cour d'Appel.

La Justice, seul espace clos de France qui s'exonère de toutes responsabilités en ne rendant aucun compte à la France justiciable*, encore moins à l'Europe. (Justine OULECHE). 
Un service public normal, pas normal ? Question : tous connaissant les manquements aux droits de la personne humaine en prison, doit-on poursuivre les juges, les Procureurs, le directeur de la Maison d'arrêt et les gardiens pour leur participation à une bande de malfaiteurs ? Faut croire qu'en France, seuls les délinquants doivent respecter la loi, faute de quoi...
*Pas tout à fait exact car la Justice s'explique par les attendus de ses jugements. Indigents, toutefois. Comme les gosses : "Pourquoi ?" "Parce que !" "Pourquoi pasque ?" "Pasque pasque !" Un an de taule, et servez bien chaud. 

De la prison à l'audience. La police nationale t'attend près du greffe. Deux hommes et une femme. On te menotte dans le dos pour te mèner au fourgon cellulaire. Sept ou huit box inconfortables, étroits. Un petit grillage dans la porte, assis dos à la route.
Un jeune rebeu du troisième étage en tee-shirt bleu-clair. Un autre que je ne vois pas, enfermé avant moi qui sera une jeune femme. Nous attendons le quatrième qui se fait désirer en énervant gardiens et policiers.
-Il renonce à l'Appel. Vous pouvez y aller.
La policière se tient sur un strapontin près des box. On voit le boulevard extérieur, les voitures, les piétons, les arbres. Je connais Nîmes, je me situe bien.

Une prisonnière, une voleuse de l'est d'une vingtaine d'année demande dans le fourgon :
-Ils sont méchants les juges. Elle avait peur d'être extradée. Que lui répondre si ce n'est :
-Non. Faut seulement que tu leur parles poliment, avec respect. Tu vois, c'est un peu comme avec ton père ou ta mère : surtout, ne pas leur mentir, ils le sentiraient. Pourquoi es-tu en prison ?
-Mon copain. C'est un français. On volait ensemble. Après, il a pris une pouffiasse, m'a battue, m'a jetée de la maison et comme je voulais qu'il revienne avec moi, ce salaud m'a donné aux flics.
-Dis aux juges ce que tu as dit aux flics.

Le fourgon pénètre dans la sourricière du Palais de Justice. On nous mène par de longs couloirs vers la salle d'audience. Un policier m'attrape par les menottes :
-Vous courrez vite, Monsieur l'agent ? Moi si. J'arriverais bien à vous semer, menottes dans le dos.
-Faites pas le con, Patrice. Et il m'agrippe plus fort. La policière s'occupe du jeune, le dernier agent de la jeunette qui lui fait les yeux doux. Un beau brin de fille. Dommage qu'elle estropie son français.
Une petite salle d'audience. Deux box des accusés. Les gendarmes déjà arrivés avec leurs prisonniers. Aucune connaissance en vue. Tant mieux, sommes mal barré toujours menottés dans le dos.
 
Un bon mot sur mes juges :  "excessifs". Deux femmes juges. Pas bon signe car j'avais giflé une de leurs consoeurs. Problème il y avait dans le box avec nos menottes dans le dos. Un jeune rebeu exigea des policiers nationaux d'être attachés par devant comme l'avaient fait, dans le box d'en face les gendarmes. Impossible sans l'accord du Président.
-Fais comme moi. Montre leur tes menottes, mon gars.
-Vous êtes fou, Patrice. Les juges vont vous saigner.
Présente à l'audience, Julie pleurait. Fanny, dans son tiers-monde manquait à l'appel. 

Seul dans le box, je présentais mon cul pour attirer l'attention des juges sur mes menottes dans le dos. Cinq grosses minutes à faire l'oeuf des skieurs pendant que ces messieurs-dames m'ignoraient comme d'une crotte de chien qu'on évite en attendant une vidéo-conférence et, effectivement qu'il y avait un bel et bon outrage. Mais pas à magistrat qui ne se respectaient pas en manquant à leurs devoirs, eux qui évitaient d'admirer ce cul  offert à leur sagace humanité, de bien belles fesse au demeurant,  qu'on se le dise offert. Grand dommage pour elles. Pardon ? Non, pas pour mes fesses. Pour elles. 
Première affaire par vidéo-conférence. Expédiée. Les juges se levèrent pour délibérer. Un temps, puis la Présidente, s'arrêtant et se retournant vers la télévision :

-Pardon, qu'est-ce que vous avez dit ? Salope, vous avez dit salope ! L'autre, dans le poste :
-Mais, je n'ai rien dit, Madame le Président ! 
-Oui, j'ai entendu. Vous avez dit : salopes ! Faites attention, faites très attention ! renchérit le premier assesseur, une autre femme.
Moi ? Je n'avais rien entendu de tel. Mon codétenu et notre escorte non plus. Résultat ? Le gars à la vidéo-conférence, un espagnol mangera, comme ont dit si bien.
Tous se regardaient dans le tribunal : l'arène sentait la mise à mort. 
Ensuite, ce fut le tourniquet de mes juges qui me sortirent dès leur arrêt rendu parce que je les avais énervés et qu'ils ne voulaient pas que je sache, sans doute ce qu'avait commis mon codétenu. Voyez qu'un peu d'intelligence dans un tribunal nous rassure sur l'humanité des juges. 
Retour au bercail, seul dans le fourgon, sans parler, la policière me faisant la gueule. N'appréciait certainement pas les rustres.


Oh, que je vous entretienne de cet assesseur plein d'un je ne sais quoi : un poète, mais à éviter quand même si on aime la posie :
-Vous êtes en pleine forme, Patrice. Vous avez fait une grève de la faim et vous courrez tous les jours. Un an de prison, ce n'est pas si long que ça, pourquoi faire appel ?  
Effectivement, pourquoi si les juges de l'Appel de Nîmes, réputés pour mettre une louchée de plus qu'à l'instance à seule fin de désengorger les tribunaux ne se chargeaient de dégoûter les justiciables d'une bonne Justice ? On se le demande.
-A 67 ans, il me reste combien à vivre, Monsieur ? Vous le savez ? Un an de prison est peu de chose ? Qu'en savez-vous et je peux mourir en cellule ce soir ou demain. Vous connaissez mon espérance de vie ? Et je n'ai pas vingt ans, n'est-ce pas ! 

Un tel Conseiller qui n'aura jamais tâté de la prison qui distribuait des années de réclusion à la pelle, sans rien connaître des conditions dégradantes de l'enfermement, jugeait-il avec discernement ? Fallait m'en méfier. Un irresponsable que ce monsieur qui m'a rendu lâche car, après l'énervement des deux femmes juges, je n'ai pas oser lui lancer le mot favori d'Américo. Qu'un tel monsieur puisse juger sainement, on reste confondu. 
Après ? Retour à la case départ avec quatre mois au lieu de douze. Sans remise de peine, ce qui est une autre honte du système judiciaire français : on te punit d'oser te pourvoir en Cassation. Pour désengorger nos tribunaux, ben voyons, encore une méthode qui fonctionne à merveille, tous les bons avocats vous le diront !...

Un an de prison, mais ce n'est rien comparé à... Comparé à quoi ? Je ne sais. Mais, la prison, n'est-ce pas incomparable ? Aussi, comprenez mon hésitation.

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