mercredi 20 juin 2012

Aux Pointeurs !*

Maison d’Arrêts de Nîmes. 20 juin 2012.

Montée au Premier Etage dit des Pointeurs. Là, est la vraie prison !

Aujourd’hui, j’ai été transféré des Arrivants à ma nouvelle chambre. Je remplace momentanément un vieux de 82 ans qui se fait opérer des yeux à Toulouse. Mon codétenu est plus âgé que moi. Au retour du vieux, j’irai ailleurs. 

Nous sommes deux par cellule, parfois trois, avec un dormeur par terre. Avant de partir des arrivants, j’ai eu le temps de prendre les coordonnées de Rmissi et d’Olivier, mes potes.
Ma nouvelle cellule est une des seules qui ne permet pas la combinaison de trois détenus, les 2 lits n’étant pas gigognes.

Avant mon affectation au 1er étage, un capitaine me reçoit et me demande si je suis suicidaire. C’est bizarre : le substitut m’a demandé la même chose, à Alès ! 
-Comme tout le monde… 
Qui a pu inventer une telle connerie ? Mon ex-gentille, le Substitut ? 
-Dépressif ?... Non, mon capitaine. Faire du mal à quelqu’un mais pas à moi, ça oui ! 
Même Capitaine : 
-Seul en cellule ? Pas possible, PATRICE. Non fumeur ? Cela ne vous gêne pas d’être avec des pointeurs ?
L'Officier n'arrive pas à dire "Monsieur PATRICE". Il est berbère, comme moi, mais plus jeune !
Je me suis sali avec ma réponse :
-Non mon capitaine. J’avais peur ! J’aurais dû l’envoyer bouler. J’étais en colère contre moi de me sentir lâche. Et d’avoir peur qu’il ne me place avec les animaux.
Donc, j’allais provisoirement remplacer un vieux hospitalisé à Toulouse.
Premier étage : les vieux, les malades, les dépressifs, les très fous, les sexes, les français, les à-protéger et les pointeurs arabes qui ont "pointé" des arabes, tous ostracisés par le nom même de l’étage dit "des pointeurs". 
Deuxième étage : les jeunes et tout-venant. Et aussi des pointeurs qui ont pointé. 

Troisième étage : les arabes et gitans habitués. Et les pointeurs arabes qui ont pointé des pas arabes. 
Quatrième étage : les longues peines et les assez-tranquilles. Et encore des pointeurs.
Mon arrivée aux Pointeurs a été extraordinaire. Faut savoir que, chaque fois que tu te déplaces dans la Zonzon, tu traînes tout ton barda : couvertures, draps, oreiller dans la housse bleue du matelas. Plus des sacs plastique avec tes affaires (fringues, couverts, nécessaire de toilette, courrier...). Un clodo, quoi.
C’est impressionnant comme le pointage inquiète plus la Justice que les ivrognes qui tuent au volant, mutilent tout un chacun en allégria, les méchants qui font du home et car-jacking, les petits malfrats qui violent dans les tournantes des cités, les dealers qui font accro le tout-collége et l'over-dosent. 

Sans compter les cambriolages qui tournent mal, et les petits vieux qui se font voler toutes leurs maigres économie, qui en pleurent, et ceux qui rackettent et empêchent les petits locataires d’user en bons bourgeois de leur logement HLM.
Quant à la délinquance en col blanc, la délinquance des pollueurs, des gros, les escroqueries de millions et milliards, rien à cirer. Les gros bonnets de la drogue et les fonctionnaires qui escroquent l’Etat à tour de bras, où sont-ils ? En prison ? Oh que non !
Que des RSA et des Cotorep. Que des jeunes et des retraités "francaouis" pas malins. Et arabes et gitans.
Pour ce qui est de nos politiques. Alors-là ! Inconnus au bataillon.
Donc, le système carcéral te transfère d’un endroit à l’autre sans autre forme de procès, en une demi-heure. Tu stresses. Tu arrives dans un couloir (en prison, le couloir a son utilité distributive).
C’est l’heure du repas. 11h 45. Ce mercredi 20 juin 2012.
Et, j’entends pratiquement gueuler : 
-Patrice, Patrice ! Patrice, c’est qui ?
-C’est toi Patrice ? 
Il me fout la trouille, ce c...!
-Ben. 
-C’est toi Patrice ?
-Oui !
-Guillaume m'a demandé de t'accueillir au mieux !
-Guillaume ?
-Mais si, tu le connais. C'est le copain de Julie, ta fille... Ta fille ! Le videur de la boite de pédés !  
Effectivement, je l’avais rencontré chez ma fille, à la crémaillère. Un gentil gars. Chauve, marrant.
-Tu vois ce type, ouais ? On t’emmerde, il te démerde. 
Dédé me montre une montagne  souriante : Akim. Tu le vois, tu sais que ce sera ton ami à la vie, à la mort. Je savais que je n’étais pas seul.
Dédé prendra soin de moi pour tout : il me donne le rab de sauces, de café, de sucre, et une pomme.
Ce c... de Dédé a failli me faire pleurer. Dédé mon ami. Faudra que j’aille remercier ce videur que j’ai rencontré chez Juju à sa pendaison de crémaillère, début décembre 2011. 
Manque de pot, Dédé me fera plus tard la gueule quand il apprendra que j’avais entamé une grève de la faim depuis l’avant-veille au soir. Il n’a pas apprécié de m’avoir gavé comme un coq en pâte. Et quand Dédé est en colère, il a la rancune tenace, faut le savoir.
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Première promenade aux Pointeur cet après-midi. J’y rencontre Pierre, ancien  compagnon de Mimi. Son autre compagne, une boiteuse a traité ses enfants de bougnouls. Un coup de poing, un angle de table. Elle meurt. En préventive. Anxiolytiques. Pierre a grossi. Il est en danger dans cette Maison d’Arrêts parce qu’il tape des clops et n’a pas les moyens de rendre. Les mecs le traitent de pointeur. J’ai rectifié la position :
-Non, Mounir. C’est mon beau-frère. Pas un pointeur. Crois-moi ! 
Depuis, on n’ennuie plus Pierrot.
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Le dessin de René BOUSCHET
(R&B) :
-En tout cas, aux pointeurs ils ont chaud !
-Vouiiiii ! Au cul !

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